"J'ai un peu l'impression d'avoir assisté au début d'un film catastrophe" (Adrien, étudiant-observateur à la COP27)

  • Adrien Fauste-Gay est étudiant au département physique de l’École normale supérieure (ENS). Cette année, il a participé pour la première fois en tant qu’étudiant-observateur à la COP27.
    Adrien Fauste-Gay est étudiant au département physique de l’École normale supérieure (ENS). Cette année, il a participé pour la première fois en tant qu’étudiant-observateur à la COP27. DR
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Adrien Fauste-Gay est étudiant au département physique de l’École normale supérieure (ENS). Cette année, il a participé pour la première fois en tant qu’étudiant-observateur à la COP27. Une expérience forte qu'il raconte à ETX Studio, après nous avoir livré ses premières impressions en direct de Charm el-Cheikh (Égypte) une semaine plus tôt.

À l'âge de 23 ans, Adrien peut désormais se targuer d'avoir vécu sa première COP. La dernière fois que nous lui avons parlé, l'étudiant qui s'intéresse particulièrement au sujet brûlant des négociations des "loss and damages", s'était donné pour mission de participer à une "informal informal consultation". Surnommées "inf inf", ces réunions de négociations plus confidentielles et à l'accès restreint sont organisées tout au long des COP en dehors des "heures pleines". À la fin de la première semaine, Adrien a réussi à assister à l'une d'entre elles. "Je savais qu’il y avait une réunion qui allait être organisée le soir même sur ce sujet. Je me suis donc baladé un peu dans les couloirs en fin de journée, j’ai repéré les délégués qui participaient aux négociations qui m’intéressaient. Je suis entré dans la salle, et on m’a autorisé à rester. Il s’agissait de la réunion organisée par le Réseau de Santiago, qui gère l’assistance technique des loss and damages. J’ai pu assister à l’intégralité de la réunion, bien plus longue que les autres, ce qui permet de suivre de manière beaucoup plus approfondie l’avancée des discussions et des négociations. On assiste par exemple à l’écriture du brouillon du texte de négociation qui sert de base de travail avec une projection sur écran en direct, donc on voit le texte évoluer en direct. Les discussions sont vraiment intéressantes".

Une belle façon d'achever cette première semaine de COP. D'autant qu'Adrien n'a pas eu accès à la "zone bleue", partie réservée aux politiciens et aux délégations lors de la deuxième semaine. "Nous avions un nombre limité d'accréditations, ce qui fait que nous nous les sommes partagées entre observateurs de l'ENS. Une seule personne pouvait faire les deux semaines en zone bleue, alors ça s'est joué à chifoumi. Et malheureusement, j'ai perdu !", explique l'étudiant, qui a entamé sa deuxième semaine de COP en explorant la "green zone", une autre partie de la conférence qui permet d'avoir accès à des événements annexes et de partir à la rencontre d'entreprises. Zone qu'Adrien a déserté au bout de deux demi-journées, la jugeant "peu digne d'intérêt et déconnectée de tout". "J'ai vu beaucoup d'espaces prétendument 'verts', avec des bassins artificiels, sans fonctionnalité apparente, construits juste pour la COP et qui auront probablement vocation à disparaître. Il y avait beaucoup de banques, d'assurances, et même de marques de médicaments ! On aurait dit un salon d'entrepreneurs où les chefs d'entreprises du monde entier étaient venus pour s'échanger les cartes et chercher de nouvelles opportunités", commente l'étudiant avec une pointe de sarcasme.

"Beaucoup de paradoxes se côtoient les uns à côté des autres"

Adrien en a donc profité pour s'éloigner de l'enceinte de la COP et partir à la découverte de la ville de Charm el-Cheikh. "C'est une ville étonnante, une station balnéaire avec une gigantesque 4x4 voies entre la Mer rouge et le désert qui rappelle un peu Las Vegas. Il y a aussi de grands espaces luxueux comme des plages de sable fin avec des centaines de transats, mais avec personne, ce qui donne une impression d'être dans un décor assez surréaliste d'une ville non fonctionnelle. En explorant les quartiers populaires de Charm el-Cheikh, j’ai été frappé par le nombre de bâtiments laissés à l’abandon : il y a des ruines partout, comme dans un paysage de jeu vidéo, où la façade est travaillée mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il n’y a rien derrière ! La police est positionnée à chaque recoin, j’avais toujours mon passeport sur moi. La ville est encerclée par une enceinte en béton de trois mètres de haut : les entrées et les sorties sont très contrôlées", décrit-il.

Cette deuxième semaine passée hors des murs de la COP a renforcé l'impression générale d'Adrien de "paradoxes qui se côtoient les uns à côté des autres". "J'avais une impression constante d'ambiance crépusculaire. Un peu comme si on assistait à la fin de quelque chose. Ou alors au début d'un film catastrophe, dans lequel tout le monde fait comme si la boutique fonctionnait encore, alors qu'en réalité, on sait qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. On vient pour la COP, dans un lieu où l’on négocie pour le climat avec une ouverture sur le monde, mais on le fait dans cet état autoritaire que l’on ressent à chaque coin de rue. Le contraste entre les nombreux hôtels de luxe et les populations beaucoup plus pauvres des quartiers m'a également marqué", explique Adrien, qui liste également les paradoxes au sein même de la COP : des tentes climatisées en plein désert, des avions qui passent en permanence au-dessus de la zone ou encore la difficulté de trouver des plats végétariens...

"Le climat est un sujet trop peu présent dans la vie de tous les jours"

Dix jours après la fin de la COP27, de retour à Paris et alors qu'il s'apprête à enchaîner sur une semaine d'examens, Adrien semble encore avoir l'esprit à Charm el-Cheick et confie vouloir "reprendre sa dose". "C'était très galvanisant de toujours être sur le pont et de discuter avec les puissants du monde entier dans de grands espaces, de rencontrer plein de gens intéressants de cultures différentes et de vivre cette expérience dans un pays qui m'était totalement inconnu. J'ai très envie de participer à d'autres COP ! Le vrai point fort que j'en retire est d'avoir pu échanger autour d'un sujet qui est selon moi l'enjeu actuel le plus important, à mon goût trop souvent absent des discussions dans la vie de tous les jours. Je pense aussi que cela m'a fait du bien de sortir de ma bulle normalienne. Cela m'a fait évoluer sur pas mal de choses au niveau personnel", analyse Adrien.

L'étudiant espère pouvoir participer, toujours avec la délégation de l'ENS, aux Intersessions de Bonn, des réunions destinées à préparer la COP28, qui devraient se dérouler en juin prochain en Allemagne.

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