Rodez au cœur des quartiers : cher Faubourg, que reste-t-il de nos amours ?

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    Vision d’autrefois… Collection J.-Michel Cosson - Reproduction Centre Presse Aveyron
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    … Et d’aujourd’hui. Centre Presse Aveyron
Publié le
Christophe Cathala

Il fut le plus brillant, le mieux structuré, le plus indépendant et le plus commerçant des quartiers de la ville, populaire et solidaire. Le Faubourg attend sa résurrection pour ne pas se figer dans les souvenirs.

Un village au pied du piton. Voilà ce que fut longtemps le Faubourg. Ses fêtes mémorables, sa vingtaine de bistrots et auberges, ses courses cyclistes et même… ses compétitions de motocross. Le quartier fut incontestablement un des plus animés de la ville drainant les foules autour des foires aux bestiaux, chevaux, cochons de temps à autre, prenant position depuis le haut de la rue Saint-Cyrice jusqu’au carrefour où lézardait le tramway. C’était il y a longtemps, témoignage d’une période d’animations bigarrées entre fêtes et rendez-vous commerçants, entre solidarité et rivalité avec le centre-ville. Le Faubourg avait son équipe de rugby, de basket ("le club Mickey") dans les années 50, des carrossiers, cordonniers, bourreliers, ébénistes… Une autonomie de résistance face aux bourgeois d’en haut.

La force du commerce

Le commerce, précisément, contribuait à cette relative autarcie. De tout partout, pour tous. Ceux qui s’en souviennent évoqueront les vitrines d’il y a 40 ou 50 ans, disparues depuis, comme autant de madeleines de Proust berçant à l’heure du goûter une enfance balayée par le sens de la vie.

Avenue Durand-de-Gros : la mercerie du square Buanton, le bar-tabac de M. Benezet (le commerce existe encore), l’épicerie de Mme Marques, Aveyron-Pneus, le salon Figaro d’Antoine Arjona (aux mains de son fils aujourd’hui). En face, feu le Régent de Jean-François Ferrié, la meilleure table de Rodez à l’époque dont les sauces embaumaient la rue. Un peu plus bas, les meubles Roche et Bobois, un peu plus haut ceux d’Ulysse Lacombe près des hauts murs du jardin de la fabrique de filets de pêche Agalède devenue l’immeuble des Cèdres.

Au carrefour de Croix-Grande, les luminaires Marty, la boucherie Vieilledent, le café Rascalou, la boulangerie Pelat-Alary. En retrait, le concessionnaire Volkswagen Besset et Jean.

Avenue Tarayre, déjà la pharmacie, puis Manufrance, le Café Rouergat de Mme Couderc, ses repas de terrassiers à terrasser un ours, avec oreilles de truies, civet de lièvre, bifteck, tarte aux prunes, kil de rouge et trois cafés pour 8 francs (fallait la calculette !). On y mangeait en une heure pour le prix d’une heure de travail. Un resto ouvrier comme il n’en existe plus. Et qui n’existe plus.

Les plus jeunes préféraient le Bazar Bleu, ses jouets et friandises. Un primeur, un crémier, les vêtements Barry Shop, le pressing (encore aujourd’hui), le Crédit Lyonnais… En face, sous le Sacré-Cœur, le collège du même nom et l’école concurrente Victor-Hugo avec le père Tabardel chez les cours moyens, son collègue Andrieu chez les élémentaires. Un peu plus bas, les moquettes Roux, devenues un temps terrains de squash avec Franck Séguret et, en bout de rue, le cinéma Le Club, propriété du diocèse.

Parfums de café, présence de morues

Côté gauche en montant, les cafés Ruthéna et leur brûlerie qui, trois jours par semaine, torréfiait le maragogype du Brésil donnant aux enfants l’envie d’y goûter.

Des générations de petits Ruthénois ont aimé la morue avant même de la manger, rue Saint-Cyrice, en voyant l’épicerie du Barry laisser fondre le poisson salé dans un seau d’eau, face au Lion d’Or de Mme Santos qui savait si bien l’accommoder.

Les plus traditionnels filaient à l’Economat, grande surface de l’époque qui faisait l’angle avec l’avenue de Montpellier. Des épiceries, il y en avait pléthore aux abords de Saint-Cyrice, vestiges d’une époque où l’on consommait sans monter dans une voiture vers d’autres faubourgs en zones commerciales.

Saint-Cyrice toujours : un hôtel (famille Andrieu) était à la place du Crédit Agricole actuel, après s’être installé sur une chapelle démolie en 1927. Et puis le Café des Voyageurs à l’angle de la rue Béteille, autorisé à rester ouvert la nuit car longeant la RN88 de l’époque devenue rue Béteille, en hommage au général du même nom, bienfaiteur du quartier.

"Culs rouges" et "culs bénis"

Des commerces qui appartiennent maintenant, pour la majorité d’entre eux, à l’histoire, dans un espace où voisinent les retraités attachés à leur cénacle. Merci à Jean-Charles Pascual d’y avoir ouvert une boulangerie côté Durand-de-Gros, elle entretient le lien, comme le marché du vendredi sur le parvis de la Maison des associations. Pour le reste, on regarde les pelles mécaniques éventrer le sol pour en changer les conduites qui courent sous la surface.

Remplacer les veines de ce village dans la ville qui a connu ses heures de gloire, ne lui redonnera pas le lustre d’antan, même si la mairie s’applique à y restaurer le cadre de vie. Un cadre où domine la maison de santé, tout un symbole.

Le tout sous le regard d’une église à deux têtes, voulue par Mgr Bonnet en 1886, réplique approximative de la basilique de Conques. Un pied de nez dans ce quartier de "culs rouges", ouvrier en diable, coloré au vin et à l’anthracite durant des décennies, en opposition aux "culs bénis" du piton. Un quartier de fêtes et d’amour, grand cœur et forte tête, dont les stigmates s’estompent avec l’érosion du temps. Mais qui distille encore dans les esprits, pour qui s’attarde à s’en souvenir, une âme à nulle autre pareille.

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