Les amateurs de vin ont déjà remarqué un changement dans leur verre avec le réchauffement climatique

  • 26% des amateurs ont remarqué que leurs vins ont changé et leur qualité s'est même améliorée
    26% des amateurs ont remarqué que leurs vins ont changé et leur qualité s'est même améliorée zoranm / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - C'est une des conséquences du réchauffement climatique : la précocité des vendanges. Nombre de terroirs tricolores en ont fait l'expérience à la fin de l'été dernier. Si l'on aborde généralement la question des défis de la viticulture face au dérèglement climatique, on évoque rarement la perception des consommateurs quant à l'évolution de la boisson de Bacchus. Pourtant, les amateurs de vin ont bel et bien déjà remarqué que leurs jus préférés n'étaient plus comme avant.

"A l’horizon 2050, le changement climatique aura modifié à la fois les conditions de production des vins, leurs caractéristiques organoleptiques et leurs marchés", écrit l'Inrae dans un rapport consacré à la stratégie de la filière viticole face au dérèglement climatique, présenté à l'été 2021. Avec l'augmentation des températures moyennes entre 2°C et 5°C, la vigne fleurit plus vite, le raisin arrive à maturité plus tôt selon les terroirs dans le cas d'épisodes de sécheresse, le degré alcoolique augmente, l'acidité du raisin est moindre au moment de la récolte tandis que les vendanges démarrent plus tôt. L'institut français spécialiste de la recherche agronome est également clair à propos du profil aromatique des vins : ils sont modifiés, sous l'effet du changement climatique et leur rendement peut être amoindri selon les régions. "Des pays comme l'Espagne ou l'Italie sont plus impactés en termes de qualité ainsi qu'en termes de rendements. Ces régions auront plus de difficultés à s'adapter. Entre le 35ème parallèle (Tanger, Tunis) et le 50ème parallèle (Charleroi, Prague), les facteurs limitants pour produire du bon vin ne sont pas les mêmes", ont expliqué à la revue de Polytechnique Insights Cornelis Van Leeuwen, un professeur de viticulture à Bordeaux Sciences Agro et Alistair Nesbitt, PDG de Vinescapes, un cabinet de conseil qui soutient le développement technique et stratégique des entreprises de production de vin.

Pour aborder la question de l'avenir de la viticulture sous le prisme du réchauffement climatique, on a coutume d'évoquer l'évolution du goût du vin, sinon du déplacement géographique des terroirs. On sait que l'Angleterre deviendra un terroir propice au vin, au même titre que la Belgique et les Pays-Bas, dont on parle pourtant moins. Le focus est toujours placé du côté des professionnels - les défis sont en effet aussi gigantesques que nombreux, mais on n'évoque jamais les choix qu'effectueront les consommateurs face à l'évolution de l'offre bachique annoncée. La dernière étude du site de vin aux enchères iDealwine apporte (enfin) des éléments de réponse. 30% des amateurs de vin jugent que les vins sont en effet plus riches et plus opulents. Une perception qui est en fait liée à l'augmentation du degré alcoolique. "On a découvert que certaines régions du Languedoc-Roussillon donnaient des vins dont le degré d'alcool avait augmenté entre 2°C et 2,5°C depuis 1984. Le cépage est pourtant resté le même. C'est une conséquence de la sécheresse. Les baies ne se remplissent pas d'eau de façon optimale, ce qui a pour effet de concentrer le sucre. [...] Lors de la vinification, les sucres se transforment en alcool. Puisqu'il y en a davantage, cela augmente aussi le taux d'alcool", nous avait expliqué en octobre dernier Serge Zaka, docteur en agroclimatologie. Les fins palais (25%) ont aussi remarqué que les vins pouvaient présenter davantage de sur-maturité ou des notes compotées. Selon iDealwine, cette particularité est l'une des caractéristiques de millésimes chauds.

Le changement climatique n'est pas qu'un inconvénient

Seuls 8% de répondants ont confié trouver les jus plus déséquilibrés. A travers cette étude, on comprend alors que le réchauffement climatique ne détournera pas inévitablement les consommateurs de la boisson de Bacchus. Tout simplement parce que certains y voient aussi des bénéfices. Pour 26% des sondés, le verdict est sans appel : la qualité de leurs vins s'est améliorée. De leurs côtés, 39% estiment qu'en effet, leurs élixirs ont effectivement évolué mais cela ne les empêche pas de retrouver la trame que ces derniers apprécient. Par ailleurs, les stratégies engagées par les vignerons pour faire face au dérèglement climatique ne sont pas pour déplaire aux consommateurs. Plus des trois quarts des amateurs de vin (77%) plébiscitent notamment la culture de cépages anciens et autochtones tandis que 49% sont intéressés par la vinification en amphores. Quant à l'augmentation du degré alcoolique, seulement 18% d'amateurs estiment qu'ils changeront leurs habitudes parce que les vins auront une trame plus puissante.

La stratégie pour maintenir le plaisir bachique

Face aux conséquences déjà constatables du réchauffement climatique sur leur jus préféré, les consommateurs fourbissent leurs armes. Si 32,5% acceptent une montée des prix de 10% maximum, 36% ont décidé de se constituer un stock afin d'anticiper toute augmentation, "ces dernières étant dues en grande partie à la sévère amputation des récoltes, en lien avec le dérèglement climatique", souligne iDealwine. Par ailleurs, 20% de répondants envisagent d'acheter davantage de vins biologiques.

Enfin, plus étonnant, les consommateurs pourraient privilégier certains vignobles pour s'adapter à l'évolution des terroirs. En prenant conscience des conséquences du dérèglement climatique, 26% des sondés ont confié vouloir privilégier d'abord la Bourgogne, la Vallée de la Loire (18%) et la Vallée du Rhône (13%) complétant les deux autres choix. Ces futures habitudes annoncées sont toutefois à nuancer car 44% des amateurs de vin papillonnent déjà d'un vignoble à l'autre, en dégustant des vins divers et variés sans rester fidèle à un seul terroir.

Cette enquête a été menée en octobre 2022 auprès de 1.653 répondants, âgés en moyenne de 49 ans.

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