Protéger sa création d'entreprise grâce à la propriété intellectuelle

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BPI France

Fabrice Vié, juriste et délégué régional adjoint de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) en Pays de la Loire, partage son expertise et explique comment bien protéger son entreprise quand on se lance.

Big média : Peut-on protéger une idée lorsqu’elle n’est pas encore à un stade avancé ?

Fabrice Vié : Les idées d’un procédé ou d’un service par exemple, sont exclues du champ de protection institué par le Code de la Propriété Intellectuelle. Ce dernier s’intéresse plutôt aux fruits de leur mise en œuvre, c’est-à-dire aux créations concrètes et matérialisées comme une machine innovante, le design remarquable d’un produit ou une nouvelle application mobile.

Bien que l’idée constitue, a priori, le ferment de tout projet, la protéger en tant que telle reviendrait à interdire l’émergence de toute solution concurrente ou alternative. En ne protégeant que les éléments concrets auxquels elle donnera un jour naissance, la propriété intellectuelle permet aux concurrents de s’appuyer sur les idées des autres pour créer des projets différents sur le plan technique, esthétique ou marketing. C’est comme cela que tourne la roue du progrès.

BM : Quels sont les différents types de protection à disposition des entrepreneurs ?

FV : Différents dispositifs de protection peuvent être mobilisés pour assurer la préservation de son projet. Le brevet a vocation à protéger les caractéristiques techniques d’un produit ou d’un procédé, alors que le dessin et modèle s’attache à la protection de l’esthétique du produit (forme, volume, contours etc.). La marque permet quant à elle de protéger le signe distinctif (nom, logo, son etc.) garantissant la provenance d’un produit ou d’un service. Enfin, le droit d’auteur permet de protéger assez largement les œuvres de l’esprit comme la littérature, l’architecture, la peinture, le design ou l’informatique, pour ne citer que quelques exemples.

"On ne protège pas une nouvelle technologie ou le nouveau design d’un produit comme une nouvelle marque"

BM : Quelles sont les méthodes pour prouver qu'on est à l'origine d’une création digne de protection ?

FV : La preuve de votre paternité sur un projet et sa datation peuvent être juridiquement établies par tous moyens. L’INPI propose un outil en ligne appelé E-Soleau qui répond à ce double objectif. Il permet, en toutes circonstances, d’apporter la preuve des éléments que vous détenez à un instant donné sur le sol français.

Dans le même ordre d’idée, vous pouvez également saisir un officier ministériel (huissier ou notaire) ou, si vous travaillez dans l’informatique, l’Agence pour la Protection des Programmes (A.P.P.).

Mais attention car, dans la plupart des cas, ces formalités ne constituent qu’une étape préliminaire de votre démarche. Elles ne vous exonèrent pas de procéder aux dépôts de titres de propriété industrielle auprès de l’INPI, seuls aptes à vous conférer une protection viable et efficace. On raconte ainsi qu’Alexander Graham Bell se serait vu reconnaitre l’invention du téléphone pour avoir déposé son brevet quelques heures à peine avant celui d’Elisha Gray.

BM : Quelles sont les étapes à suivre ?

FV : Elles dépendent de la nature du projet. On ne protège pas une nouvelle technologie ou le nouveau design d’un produit comme une nouvelle marque. Chacun de ces objectifs répond, dans le détail, à des démarches assez spécifiques, mais obéit à un cheminement commun que l’on pourrait résumer en quatre points : il faut d’abord s’assurer qu’on n’est pas sur le point de contrefaire soi-même un concurrent. Ensuite, mener les démarches nécessaires à la sécurisation et à la protection intellectuelle du projet sur le sol français. Vous pouvez aussi envisager l’extension de cette protection à l’étranger. Enfin, il faut mettre en place une procédure de veille.

BM : Quels conseils donneriez-vous pour mener à bien ces différentes étapes ?

FV : Que vous soyez une start-up ou une société déjà bien implantée, le meilleur conseil à donner serait certainement de vous tourner vers les chargés d’affaires de l’INPI, afin d’obtenir une première analyse claire et objective de votre projet. Si celui-ci est d’ordre technique, ils vous inviteront sans doute à donner corps à vos idées au travers d’un écrit daté et à signer des accords de confidentialité avec toutes les personnes susceptibles d’y être initiées.

Si vous êtes amenés à vous associer à des services de partenaires ou de prestataires (bureau d’études, développeur, designer etc.), vous devrez également prêter une attention toute particulière à la propriété intellectuelle des résultats issus de cette collaboration. Cette question nécessite un encadrement contractuel très strict imposant dans la très grande majorité des cas de recourir aux services d’un avocat spécialisé ou d’un conseil en propriété industrielle.

"Protéger la dénomination sociale d’une entreprise doit être abordée avant même sa création"

BM : Quels sont les droits d’une personne qui s'estime victime d'un vol de projet ?

FV : Si vous avez pris la précaution de protéger chacun des aspects stratégiques de votre projet par un titre de propriété industrielle (brevet, marque ou dessin et modèle), vous pouvez agir en contrefaçon contre quiconque y porterait atteinte.

Dans l’hypothèse où un concurrent viendrait par exemple déposer un brevet avant que vous-même n’ayez eu le temps de le faire, le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit qu’une action en revendication est possible. À condition de faire la démonstration d’une fraude, vous pourriez alors recouvrer la propriété de la demande de brevet litigieuse.

BM : Faut-il déposer la marque avant même de créer son entreprise ?

FV : De mon point de vue, la question de la protection de la dénomination sociale d’une entreprise devrait idéalement être abordée avant même sa création. La démarche consistant à protéger un nom débute classiquement par une phase préalable de recherche d’antériorités permettant de s’assurer de sa totale disponibilité. En immatriculant votre société sans avoir conduit ces recherches, vous prenez le risque de porter atteinte sans le savoir aux droits antérieurs d’un tiers. Et le découvrir sur le tard peut s’avérer extrêmement dommageable.

Une fois certain de sa disponibilité, le moyen le plus sûr d’assurer la préservation de ce nom consiste à le déposer auprès de l’INPI en tant que marque. Le dépôt d’une marque peut ainsi être formalisé au nom d’une société en cours de formation, ayant vocation à en devenir propriétaire à l’issue de sa création.

BM : Pendant combien de temps détient-on un droit de propriété ?

FV : Le brevet, qui permet de protéger une invention, peut prétendre à une protection de 20 ans maximum, à la condition que chaque année soit acquittée par son propriétaire l’annuité de maintien en vigueur prescrite. Le dessin et modèle, qui s’intéresse quant à lui à la dimension esthétique du produit, est protégé pour une période de 5 ans reconductible jusqu’à 25 ans maximum. La marque peut prétendre à une période de protection de 10 ans, indéfiniment reconductible sur simple déclaration. Enfin, sauf cas particuliers, les droits d’un auteur sur sa création sont protégés durant toute sa vie et même jusqu’à 70 ans après sa mort.

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