Réforme des retraites : pour Laurent Berger (CFDT) "Il n’y a pas besoin d’un recul de l’âge légal"

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    Laurent Berger : "J’appelle le gouvernement à la sagesse." - Pierre Saliba
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Christelle Bertrand

Entretien avec le secrétaire général de la CFDT qui sera le premier reçu ce mardi après-midi par la Première ministre Élisabeth Borne, alors que s’ouvrent deux jours de consultations sur la sensible réforme.

Emmanuel Macron, lors de ses vœux aux Français, a confirmé l’application de la réforme des retraites fin 2023. Il ne renoncera pas.

Le président de la République, lors de ses vœux, a dit deux choses qui me paraissent prêter à contestation : tout d’abord il a dit que le système de retraite était dans une situation très critique et qu’il fallait relever l’âge de départ pour y faire face. Il y a, certes, un déficit mais c’est l’un des déficits les plus faibles qu’il y ait eu avant une réforme. En 2003, la question de la viabilité du système était posée, en 2013 idem, aujourd’hui, ça n’est pas le cas, il n’y a pas le feu dans la maison. De plus, le Président a dit : " Ce que nous faisons rendra le système plus juste ", mais c’est faux et archifaux car on sanctionne d’abord ceux qui exercent des métiers difficiles et qui ont commencé tôt. Ce qu’il fallait faire, c’est ce qui était prévu en 2019, c’est-à-dire la réforme systémique, le régime universel pour lequel la CFDT plaide toujours. La réforme telle qu’elle est désormais envisagée va créer beaucoup de conflictualité sociale.

Vous êtes reçu cet après-midi par Élisabeth Borne. Qu’allez vous lui dire ?

On fera ce que l’on fait depuis le début de cette concertation : redire qu’il n’y a pas besoin d’un recul de l’âge légal et qu’il y a d’autres mesures de financement possibles. Si on relevait de dix points le taux d’emploi des seniors, qui est autour de 30 % aujourd’hui, on comblerait de déficit. On demande donc que soient fixés des critères, que la négociation sur l’emploi des seniors soit obligatoire dans les entreprises et que les entreprises qui n’auraient pas de bons résultats soient, par exemple, soumises à des sanctions. Ensuite on continuera de se battre sur les sujets qui sont les nôtres comme le minimum contributif ou sur la pénibilité et on militera aussi pour les carrières longues. Mais la mesure d’âge, c’est une ligne rouge.

Que vous approuviez ou non ce texte, il passera grâce au 49.3, que pouvez-vous faire ?

Si le 10 janvier, il y a des annonces avec un report de l’âge légal à 65 ou 64 ans, la CFDT, comme les autres organisations syndicales, appellera les salariés à se mobiliser contre cette mesure. Et je le dis en responsabilité. Tout le monde sait qui est la CFDT. On a toujours pris nos responsabilités quand le système était menacé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le courage, ça n’est pas de suivre le gouvernement quand il va dans l’erreur, le courage c’est d’être fidèle à ses convictions et donc, dans ce cas précis, d’appeler les salariés à se mobiliser.

Comment espérez-vous mobiliser alors que SNCF, RATP et industries électriques et gazières ne sont pas concernées grâce à la clause du grand-père. Seuls les nouveaux entrants seront touchés…

Ces secteurs seront aussi impactés, mais, au-delà, je crois qu’il y aura beaucoup de mécontentement. Comment cela va s’exprimer ? Je ne sais pas, je ne suis pas un météorologue social, mais ça peut prendre plusieurs formes : des mobilisations dans la rue - et on appellera à des manifestations - ça peut prendre la forme de mobilisations sectorielles - dans les branches professionnelles ou les entreprises - ça peut prendre la forme de mobilisations citoyennes durant le week-end mais cela peut aussi prendre la forme d’un ressentiment au sein de la population qui ne serait pas très sain. Il faut faire attention à l’état du pays, il y a une grande fragilité démocratique et sociale. J’appelle le gouvernement à faire preuve de sagesse.

En décembre, à la SNCF mais aussi lors de la grève des médecins, les syndicats traditionnels ont été débordés par des collectifs, cela vous inquiète-t-il ?

Je crois que c’est un avertissement qu’il y a une forme de mal-être dans la société qui peut déborder des cadres institutionnels. C’est une raison de plus pour écouter ce que les organisations syndicales disent. Mais je ferai tout pour que l’on ne tombe pas dans une forme de violence.

Deux jours avant Noël, le gouvernement a annoncé de nouvelles règles de l’assurance-chômage, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cela m’inspire un sentiment de colère et de sidération. De la colère parce qu’il n’en a jamais été question dans les concertations. D’ailleurs cette mesure n’est, à mes yeux, pas valide car toute mesure prise dans le cadre de l’Assurance chômage doit être soumise à concertation, or il n’y en a eu aucune. De la sidération car à l’aube d’une réforme sur les retraites qui va sans doute nous opposer les uns aux autres, autant de déloyauté de la part du ministère du Travail me sidère.

 

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