Covid-19 en Chine : doit-on s’inquiéter ?

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  • Les hôpitaux de Shanghai débordés par la pandémie, mardi 3 janvier.
    Les hôpitaux de Shanghai débordés par la pandémie, mardi 3 janvier. MaxPPP
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Manuel Cudel

L’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à Genève, et le virologue Étienne Decroly, directeur de recherches au CNRS, analysent la situation.

L’Union européenne a fortement encouragé mercredi 4 janvier ses États membres à imposer un test aux passagers en provenance de la Chine, alors que ce pays lève ses restrictions et fait face à une flambée des cas de Covid-19.
La France a déjà pris les devants, avec ce premier résultat préoccupant relevé dans un aéroport : "un test sur trois était positif au Covid-19", a confié mercredi  4 janvier le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.
Doit-on s’inquiéter à l’approche des brassages de population du Nouvel an chinois ? Voici des éléments de réponse.

Pourquoi la situation inquiète en Chine ?

Difficile de se fier aux statistiques officielles en Chine, qui ne reflètent pas la reprise épidémique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). "Le pays fait face à sa plus grande vague de Covid depuis le début de la pandémie" observe l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à Genève.
La situation est "assez critique" et pourrait même s’aggraver, car "plus de 60 % des plus de 80 ans" n’auraient pas reçu les trois doses de vaccin. "Les vaccins déployés en Chine ont, de plus, une efficacité moindre que ceux à ARN déployés dans le reste du monde", souligne le virologue Étienne Decroly, directeur de recherches au CNRS. Et "il y a peu d’immunité de groupe en Chine dans la mesure où le virus avait peu ou pas circulé" en raison de la stratégie Zero Covid.
Cette poussée épidémique risque donc "de saturer les hôpitaux chinois, par ailleurs moins bien dotés qu’en Europe de l’ouest. Il y a environ dix fois moins de lits de réanimation qu’en Allemagne", prévient Antoine Flahault.

L’épidémie en Chine, une menace pour la France ?

Si spectaculaire qu’elle soit, cette explosion des cas est donc surtout à ce stade "une menace pour la population chinoise elle-même", estime Antoine Flahault. "La levée des restrictions expose le pays à une flambée incontrôlée de l’épidémie, mais aussi à une explosion du nombre de formes graves, des hospitalisations et des décès dans les prochaines semaines."
Premier impact potentiel pour les Occidentaux, ces contaminations en Chine pourraient accentuer les pénuries de médicaments. "Il est possible que l’absentéisme sur les chaînes de production, ou les embargos à l’exportation de certains médicaments essentiels puissent avoir un retentissement négatif sur les approvisionnements", analyse l’épidémiologiste.
Le risque d’une explosion des contaminations en France est, lui, relativisé, pour l’heure, par le Covars (Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires), malgré l’approche du Nouvel An chinois, le 22 janvier, qui annonce des allers et venues entre les deux continents.
Le sous-variant d’Omicron BF.7, qui circule en Chine, "a déjà été détecté en Europe il y a plusieurs mois et il n’a pas été un variant préoccupant", rappelle, en effet, Étienne Decroly.
Les pays occidentaux misent aussi sur leurs vaccins. "Leur efficacité contre la transmission du virus reste insuffisante, par contre ils limitent les infections sévères et les hospitalisations, c’est important, souligne le virologue. De plus, en Europe du Nord et aux États-Unis, le virus a circulé, il y a donc également une immunité de groupe partielle."
Mais une autre menace est prise au sérieux par les experts, celle de "l’importation de nouveaux variants sur le territoire français", observe Étienne Decroly, en rappelant l’émergence récente du vorace XBB.1.5. aux États-Unis.

Doit-on craindre l’apparition de variants ?

"La vague chinoise va être l’opportunité pour le virus de muter", décrypte Antoine Flahault. "Avec le zéro Covid, très peu de virus circulaient sur le territoire chinois. Lorsque subitement une vague se met à déferler sur une population d’un milliard quatre cents millions de personnes, le virus trouve alors des voies pour sélectionner de nouveaux variants, en contaminant des personnes immunodéprimées, ou des animaux qui à leur tour pourraient recontaminer des humains", explique l’épidémiologiste.
Reste à savoir "si ces nouveaux variants suivront le processus évolutif mondial, ou s’ils en dévieront". Car "on assiste à une forme d’homogénéisation de l’état immunitaire de la population mondiale depuis un an. Nous partageons une immunité hybride voisine", poursuit-il.
Insuffisamment vaccinée, privée de cette immunité, "la Chine est un cas à part" .
Cette particularité entraînera-t-elle l’émergence de variants différents ? "Nous pouvons le craindre, précise Antoine Flahault. Ils ne manqueront probablement pas d’émerger de Chine ces prochains mois". Mais difficile de prédire leur nocivité.

Les mesures prises par la France suffisantes ?

Les contrôles aux frontières "ne permettront jamais de bloquer complètement la circulation du variant, il ne faut pas être naïf", pointe Étienne Decroly. "Ils ont probablement pour objectif d’avoir une image des virus réels en transit à partir de la Chine et donc de pouvoir anticiper éventuellement l’arrivée de variants", estime-t-il. Mais, "ce n’est pas un test négatif pratiqué en Chine, ni une déclaration sur l’honneur des passagers qui nous renseigneront de manière très utile", souligne Antoine Flahault.
"Il faudrait plutôt pratiquer un test PCR à la descente d’avion, avec un séquençage systématique de tous les virus identifiés", juge-t-il, alors que l’Australie, la Belgique et le Canada analysent aussi désormais les eaux usées des toilettes dans les avions. Antoine Flahault approuve, par ailleurs, le port obligatoire du masque sur ces vols, même si, selon ses informations, il n’est pas toujours appliqué.
Au-delà de ces mesures provisoires, l’Europe et la France ne se sont jamais vraiment attaquées "à la transmission des virus par voie aérosol", contrairement à la Belgique, aux États-Unis et "aux pays asiatiques démocratiques", pointe l’expert. "Il faut également que l’OMS soit en capacité d’avoir accès aux véritables données épidémiologiques de la Chine", insiste Étienne Decroly. Pékin a promis mardi de faire des efforts de communication. Mais c’est de la transparence qui est attendue avant tout par les autorités sanitaires.


 

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