Les boulangers aveyronnais en crise : énergie, matières premières, transport... L'impact est considérable

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  • Les boulangers se voient dans l’obligation d’augmenter les prix de leurs produits.
    Les boulangers se voient dans l’obligation d’augmenter les prix de leurs produits. Centre Presse Aveyron - Alexia Ott
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Alexia Ott

Les boulangers, parmi les premiers touchés par l'inflation, se retrouvent dans une situation très délicate. Augmenter les prix de leurs produits ou baisser leurs marges ? Le choix ne s'offre pas vraiment à eux... Tour d'horizon de la profession en Aveyron.

Les prix de l’énergie, des matières premières et des transports sont au plus haut. Les temps sont donc difficiles pour les boulangers qui s’approvisionnent en matières premières, se les font livrer et les préparent grâce à des appareils électriques…

La marge des boulangers mise à mal

Laurie Aubeleau, gérante de la boulangerie de la cathédrale, à Rodez, a confié les difficultés qu’elle rencontre suite à la hausse des prix des matières premières, qui sont désormais instables. "C’est compliqué, surtout en ce qui concerne les matières grasses comme le beurre" qui a vu son prix d’achat doublé en un an. La boulangère travaille avec des produits locaux, de la farine produite dans des moulins aveyronnais, ce qui permet de subir des augmentations assez raisonnables.

Le prix d'achat du beurre a doublé en un an.
Le prix d'achat du beurre a doublé en un an. Centre Presse Aveyron - Alexia Ott

Bien qu’elle ait anticipé la crise en augmentant les prix avant l’été, sa marge est bel et bien mise à mal : "On ne peut pas augmenter les prix de nos produits à hauteur des prix de la matière première car on ne les vendra jamais. On ne peut pas vendre un croissant à 2 €, et puis ce n’est pas notre but qui est de garder nos clients et de contenter tout le monde."

"On a supprimé deux postes et
les tournées"

Autre exemple, celui de Sandra Lafon, gérante du fournil d'Entraygues. Qui confirme l'impossibilité de répercuter le coût de l'inflation sur les prix de ses produits. Pour remédier à cette difficulté, "on réduit les parts des entremets pour ne pas trop augmenter les prix, on mange sur la marge et on a supprimé deux postes et les tournées". Sa marge est passée de 68 % l'année dernière à 38 % cette année. 

Elle confie que les clients restent compréhensifs sur l'augmentation de ses prix : "Ils nous disent qu'ils sont prêts à payer plus cher pour garder le boulanger du village, mais ce n'est pas sûr que sur le long terme ce soit possible parce que le pouvoir d'achat diminue pour tout le monde". 

"Le prix du transport, le problème est là aussi"

La solution de Jean-Paul Vinches, gérant de la boulangerie Vinches basée à Sébazac, à cette situation délicate est la suivante : "Faire un petit peu moins de produits pour être sûr de tout vendre".

Ce n'est pas l'unique raison de la baisse de sa marge : "Le prix du transport augmente tout comme le prix du gasoil, le problème est là aussi". Selon lui, le gouvernement aurait dû prendre des mesures directement, comme l'Allemagne l'a fait en bloquant le prix du kilowattheure pour les entreprises. Toutefois, il n'envisage pas d'augmenter les prix de ses produits afin de limiter la casse : "Le pouvoir d'achat des Français baisse et il faut que le client puisse suivre. Il faut donc rester raisonnable". 

"On n'a pas le choix"

Nicolas Balat, gérant de la boulangerie La musette à Laissac, a tenu à ne pas augmenter le prix de sa baguette tradition afin de "proposer un pain à un prix attractif, pour que les gens qui n'ont pas beaucoup d'argent puissent l'acheter, c'est important". Cependant, les trois dernières augmentations du prix des matières premières changent la donne pour ce professionnel qui doit revoir sa position. "On va augmenter le prix de la baguette, on n'a pas le choix". 

Une association, nommée Grain de blé, basée en Seine-et-Marne s'investit auprès de la profession en crise. "Les adhérents ont été le porte-parole des boulangers, il y a eu des discussions avec Matignon et cela a bougé" confie Sandra Lafon. À l’issue de cette rencontre, le gouvernement a incité les fournisseurs d’énergie à accorder aux boulangers le droit de résilier sans frais leurs contrats. Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, a confirmé le report du paiement des charges sociales et fiscales pour toutes les PME et a promis d’écrire aux 33 000 boulangers de France concernant les aides auxquelles ils peuvent prétendre.

Des aides du gouvernement concernant la hausse des prix des matières premières inexistantes

Les membres de la profession ne bénéficient pas d'aides du gouvernement relatives à la hausse des prix des matières premières. Concernant la crise énergétique, la plupart des boulangers contactés profitent de prix gelés sur l'électricité pour encore quelque temps.

Ils restent néanmoins inquiets quant à l'avenir. Laurie Aubeleau témoigne de son inquiétude : "Si on a des augmentations des prix de l'énergie, il faudra peut-être fermer plus souvent pour économiser un petit peu d'énergie. Tout est à l'électrique, les fours, les chambres froides, c'est énorme. On voulait changer la puissance de nos compteurs mais on ne le fait pas due à l'augmentation, ça nous freine dans l'avancée de l'entreprise et dans son évolution". 

Les boulangers sont inquiets quant à l'avenir.
Les boulangers sont inquiets quant à l'avenir. Centre Presse Aveyron - Alexia Ott

Sandra Lafon, qui fait face à une augmentation d'environ 30 % sur l'énergie par rapport à l'année précédente, bénéficie d'aides du gouvernement : "Nous avons envoyé un dossier pour récupérer la taxe d'acheminement. Pour l'instant, ce n'est pas du concret parce que l'on n’a pas eu de retour". Concernant les matières premières, elle bénéficie d'une PGE, un prêt proposé par les banques dont l'État est garant. Cependant, le taux d'intérêt est incertain : "Ça dépanne bien sur le moment mais il faut bien se renflouer derrière et garder ça à l'esprit ". 

A lire aussi : Crise chez les boulangers : à Decazeville, il est urgent de se serrer les coudes

Des boulangeries en péril

Franck Chabanol, gérant de FL Bakery, une boulangerie basée à Saint-Amans-des-Côts, ne voit pas non plus le bout du tunnel. "En 30 ans de métier, c'est la première fois que je subis trois augmentations dans la même année". Dans cette situation délicate, il doit se résoudre à travailler seul : "Je fais 16-17h par jour, je me pose des questions pour savoir si je continue". Il n'est pas serein quant à l'année 2023, notamment au niveau de la crise énergétique. "Je suis amoureux de mon métier mais si on ne peut plus suivre, on ne pourra pas faire autrement".

D'autres corps de métiers touchés par l'inflation

Outre les boulangers, d'autres corps de métiers sont aussi touchés de plein fouet. L'ancienne candidate de Top Chef, Noémie Honiat, qui aujourd'hui occupe une activité de traiteur pâtissière pour les mariages, n'a pas augmenté ses prix pour ne pas perdre certains clients et tient bon avec des réserves. "Les gens vont nous soutenir mais ils ne pourront peut-être pas payer..."

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