Réforme des retraites : ceux qui en bénéficient, ceux qui en pâtissent

  • Le gouvernement a confirmé une pension minimale à 1 200 €.
    Le gouvernement a confirmé une pension minimale à 1 200 €. MaxPPP
Publié le
Centre Presse Aveyron

En présentant son projet ce mardi 10 janvier, Élisabeth Borne a certes évoqué le besoin de financer le système des retraites mais a parlé aussi de justice sociale. Ça vous concerne ? On fait le point.

En détaillant le projet de réforme des retraites qui va être débattu dans les prochaines semaines, Élisabeth Borne a fait de nombreux mécontents… et des heureux. Zoom sur les "gagnants" et les "perdants" de la réforme.

1. Il y aura des "gagnants"…

- Paradoxalement, les premiers avantagés par cette réforme sont déjà retraités. Il s’agit des deux millions de personnes qui touchent une "petite" pension malgré leurs 42 ans de cotisation. Ce sont notamment des artisans, des commerçants, des agriculteurs ou tout simplement des salariés qui ont effectué toute leur carrière avec le smic.

Désormais, ils pourraient bénéficier d’une somme équivalente à 85 % du smic net, soit 1 192 € bruts (auxquels il faut retrancher la CSG). Cela concerne deux millions de personnes… et 200 000 en plus, chaque année, sur les 700 000 qui partent à la retraite.

- Autres "gagnants", les salariés ayant une carrière considérée comme "très longue", pour avoir commencé à travailler avant l’âge de 16 ans. Ils pourront continuer à partir à compter de 58 ans, sous réserve d’avoir cotisé la durée d’assurance requise majorée d’une année, et non plus de deux années comme aujourd’hui. C’est-à-dire tout de même 44 années.

- Est-on vraiment "gagnant" car concerné par l’usure au travail ? En tout cas, le gouvernement promet d’élargir certains critères de pénibilité à 60 000 personnes.

Attention, si certains seuils vont être abaissés, par exemple sur le travail de nuit, le port de charges lourdes, les postures pénibles ou les vibrations mécaniques devraient seulement ouvrir l’accès à un suivi médical renforcé à partir de la moitié de carrière, pour obtenir un aménagement de poste et/ou de temps de travail, un accès renforcé à une reconversion ou dans les cas les plus critiques, un départ anticipé à partir de 62 ans.- "Les années passées en tant qu’aidants auprès de parents âgés ou d’un enfant en situation de handicap seront comptabilisées", a annoncé Élisabeth Borne.

Cela n’était pas le cas jusque-là. De même que les jeunes années employées en TUC (travaux d’utilité collective), ces fameux emplois aidés que l’État a développés entre 1984 et 1990 pour lutter contre la montée du chômage des jeunes ; 1,7 million de ces contrats avaient été signés. "Mais souvent des contrats de moins de trois mois", nuance Antoine qui en a bénéficié.

2. … Et beaucoup de "perdants"

- Qui perd ? On serait tenté de dire la majeure partie des actifs, à compter de la génération 1961. C’est notamment difficile pour ceux nés après septembre de cette année, qui n’était plus qu’à quelques mois de la ligne d’arrivée et qui vont devoir travailler trois mois de plus. Ce seuil sera ensuite repoussé de trois mois chaque année, et les premiers à subir la double peine sont les générations 1965 et 1966 qui, non seulement verront leur âge légal de départ augmenter au-delà de 63 ans, mais seront aussi soumis à la règle des 173 trimestres. Enfin, pour les personnes nées en 1968 et au-delà, c’est donc deux ans de plus de travail, soit 64 ans, et 43 années de cotisation au lieu de 42 aujourd’hui.

- Parmi ces travailleurs, les plus grands "perdants" sont notamment les catégories "ouvriers" et "employés" qui ne bénéficient pas de critères de pénibilité. On pense aux employées de caisse, aux coiffeuses, aux manutentionnaires… et tant d’autres emplois physiquement difficiles non cités par Élisabeth Borne. "Je suis anxieuse", avoue Nadia, 50 ans, qui travaille en crèche à la mairie de Montpellier. "On porte les enfants, on doit se baisser en permanence sur du mobilier adapté à leur taille, il y a du bruit… Serais-je capable de travailler ainsi jusqu’à 64-65 ans ? J’en doute vraiment", dit-elle, alors que les reclassements internes sont "complexes". Elle promet de manifester "jusqu’au retrait".

- Le gouvernement présente comme plus avantageux le dispositif des carrières longues. Certes, pour les personnes ayant commencé leur carrière avant 20 ans, il sera possible de partir à 60 ans ou 62 ans selon l’entrée en activité. Mais la contrepartie, en tout cas pour toucher une pension pleine, c’est de cotiser un an de plus que tout le monde. Soit 44 années de travail.

3. On se pose encore la question…

Élisabeth Borne l’a mis en avant comme un élément de justice sociale. Désormais, tout congé parental peut être intégré dans la carrière des femmes, jusqu’à un maximum de 4 trimestres. Mais uniquement si cela permet d’intégrer le dispositif de carrières longues. Or, l’accès des femmes aux carrières longues reste très complexe. Surtout, cela ne répond pas à la question de l’écart du niveau de pension des femmes et des hommes (40 % en moyenne), lui-même lié à l’inégalité de salaires (de 22 % selon l’Insee).

4. Ceux qui pour qui rien ne change

Il y a aussi ceux pour lesquels rien ne change, qui déjà devaient partir à… 67 ans. C’est-à-dire les personnes nées après 1973, qui auraient donc été concernées par la réforme Touraine obligeant à cotiser 43 années, et qui ont commencé leur activité après 24 ans, au terme de longues études. Pour toucher une retraite à taux plein, il leur fallait déjà atteindre l’âge d’annulation de la décote, une ligne d’arrivée qui ne change pas avec la réforme. "Ces annonces n’apportent aucune justice sociale", estime Nathalie, enseignante en lycée dans l’Hérault, et qui devra aller jusqu’à l’annulation de la décote. Ou pas. "Je ne me vois pas être en classe à 67 ans. Il va falloir trouver un plan B." Mais lequel ?

Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?