Actionnariat salarié, "il ne faut pas avoir peur de la voie de la majorité"

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    Actionnariat salarié, "il ne faut pas avoir peur de la voie de la majorité"
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BPI France

En progression constante, l’actionnariat salarié concerne aujourd’hui près de 3 millions de salariés en France, essentiellement dans les grandes entreprises, selon le baromètre 2022 d’Equalis Capital. Plébiscité par certains, encore craint par d’autres, ce dispositif coche pourtant de nombreuses cases pour les dirigeants en quête de financement et de fidélisation de leurs collaborateurs.

" Aujourd’hui, on entend de plus en plus parler de la solitude du chef d’entreprise. Il a tout le poids des responsabilités, et bien souvent, il aimerait pouvoir le partager et s’entourer. Alors certes, certains arrivent à déléguer et s’organiser, mais la délégation reste une forme imparfaite du partage ", note Serge Guintoli, directeur de la délégation régionale Provence-Alpes Côte d’Azur Corse des Scop (Société coopérative et participative). Au-delà d’éviter au dirigeant d’affronter seul la croissance et le développement de son entreprise, ouvrir le capital de l’entreprise à ses salariés semble être une opération gagnants-gagnants. Pourtant, si certaines grandes entreprises françaises, comme Essilor ou Orange, se sont développées en associant leurs salariés aux résultats et décisions du groupe, la France demeure encore timide sur cette pratique managériale et financière. " Il ne faut pas avoir peur de la voie de la majorité, qui comme on le constate bien souvent, est la bonne. Avec des gens éclairés et formés, on a rarement des erreurs de jugement de la part de l’interne ", ajoute-t-il.

" On n’a pas voulu faire de notre actionnariat salarié un atout pour recruter, mais plutôt qu’il devienne un motif pour rester dans l’entreprise "

Initié en France par Charles de Gaulle, l’actionnariat salarié est un dispositif visant à concilier les intérêts du capital et du travail afin de constituer une épargne et à susciter l'implication du salarié dans son entreprise. Dispositif au cœur de la loi PACTE de 2019 (loi relative à la croissance et la transformation des entreprises), avec notamment l’objectif d’atteindre 10 % du capital des entreprises françaises détenues par leurs salariés d’ici 2030, cette opération peut être enclenchée par différents moyens : L’augmentation de capital réservée aux salariés, l’attribution gratuite d’actions, l’offre de souscription d’actions réservée aux salariés, les stock-options, les bons de souscription d’actions (BSA) ou encore les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE).

" Ouvrir le capital de l’entreprise à ses employés apporte une certaine fidélisation de ses collaborateurs", note Serge Guintoli. Dans un contexte de pénurie de main d’œuvre, de quête de sens et de turn over accentué, franchir cette étape supplémentaire peut permettre à une entreprise d’apporter de nouvelles perspectives à ses salariés en leur donnant voix au chapitre. En ce sens, la marque de literie française Tediber a récemment mis en place un BSPCE au sein de son organisation, non pas pour recruter plus, mais pour fidéliser ses salariés. " On n’a pas voulu faire de notre actionnariat salarié un atout pour recruter, mais plutôt qu’il devienne un motif pour rester et se sentir bien dans l’entreprise ", raconte Julien Sylvain, fondateur de l’entreprise. " L’objectif est que cela motive nos collaborateurs, à partager leurs idées sur nos produits et sur le fonctionnement de l’entreprise ".

Bien sur cette opération a également un impact financier, tant pour le groupe que pour les collaborateurs associés. Par exemple, lors du dernier LBO (leveraged buy-out ou rachat avec effet de levier) de Tediber, chacun d’eux a pu vendre 40 % de ses BSPCE à une valeur multipliée par huit, " ce qui peut représenter l’équivalent d’un peu moins d’une année de salaire pour certains ", ajoute le dirigeant.
Si la France reste pionnière en matière d’actionnariat salarié - une grande entreprise sur deux a franchi le seuil de 3 % d’actionnaires salariés en 2022 selon la FAS (Fédération Française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés) – Julien Sylvain, le fondateur de Tediber, regrette néanmoins que les démarches administratives liées à l’édition de BSPCE ne soient pas plus accessibles. " Le process gagnerait à être simplifié pour encourager les entreprises à adopter plus facilement ce modèle ". Pour pallier ces difficultés, l’entreprise s’est donc fait accompagner par un cabinet d’avocats afin d’être mieux guidée dans cette nouvelle aventure.

Le BSPCE : un dispositif qui fidélise

Bien qu’elle remporte, dans la grande majorité des cas, l’adhésion quasi immédiate des salariés qui y voient la possibilité de faire entendre leur voix, cette initiative est pourtant beaucoup moins bien accueillie du côté des investisseurs, parfois réticents à reconnaitre la valeur de cette opération. " Heureusement, nos partenaires historiques ont rapidement évalué les bienfaits de l’actionnariat salarié, il n’a donc pas été très difficile de le mettre en place au sein de Tediber", rappelle Julien Sylvain.

En amont de la mise en place de l’actionnariat salarié dans son entreprise, le dirigeant de Tediber a d’abord voulu collecter les bonnes pratiques que d’autres sociétés avaient pu mettre en place en développant cette opération en interne. " Globalement, ce que j’ai retenu c’est qu’il était plus intéressant d’en donner à tout le monde, pour ne pas avoir une césure entre les salariés-actionnaires et ceux qui ne le sont pas. Ensuite, il fallait que le dispositif soit facilement explicable et fixe dans le temps ", précise-t-il. En ce sens, Tediber a initié des réunions collectives et individuelles afin d’expliquer tous les tenants et aboutissants du process à ses collaborateurs. Une démarche nécessaire pour Serge Guintoli, directeur de la délégation régionale Provence-Alpes Côte d’Azur Corse des Scop, qui souligne l’importance d’éviter les qu'en dira-t-on. " Mais attention, ouvrir le capital aux salariés, ce n’est pas donner l’entreprise. Il ne faut pas qu’il y ait se sentiment de gratuité, notamment de la part des salariés. Il faut insuffler l’idée de prendre soin de choses qui ont un prix ", pondère-t-il.

C’est notamment pour cette raison que Tediber a opté pour le BSPCE : un système qui fidélise. Si un employé part pendant sa première année dans l’entreprise, ses droits sont supprimés et ses parts diluées. En revanche, s’il part au bout d’un an et un jour, il pourra exercer son droit. " Mais pour cela, il doit acheter ses parts dans le mois de son départ. Mais à ce niveau d’ancienneté, il ne pourra acheter qu’un quart de ses parts car on a décidé d’étaler l’acquisition sur une période de quatre ans ", précise de dirigeant de Tediber. Donc si un salarié souhaite acheter 100 % des parts qu’on lui a attribué, il lui faudra rester quatre ans dans l’entreprise. " On s’est dit qu’imposer cinq ans à des nouveaux collaborateurs de la génération Z, passerait difficilement car c’est une cible qui bouge beaucoup, alors que quatre ans pouvaient être plus facilement acceptable. Ça nous permettait aussi d’éviter l’effet du " tueur à gage " qui reste 12 mois, prend ses parts et s’en va ", ajoute Julien Sylvain.
Une démarche qui semble avoir fait ses preuves du côté des salariés puisque neuf salariés arrivés (fin de période d'essai) en 2020 ont reçu leurs BSPCE en 2021.

Cet article a été publié initialement sur Big Média Actionnariat salarié, "il ne faut pas avoir peur de la voie de la majorité"
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