Dans l’entreprise, les salariés LGBT se heurtent, eux aussi, au plafond de verre

  • Tabou pour les uns, affaire privée pour les autres, l’orientation sexuelle reste une source de rejet dans la sphère professionnelle.
    Tabou pour les uns, affaire privée pour les autres, l’orientation sexuelle reste une source de rejet dans la sphère professionnelle. Carlos Pintau / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Le plafond de verre est toujours une réalité très forte pour les femmes en entreprise. Mais elles ne sont pas les seules affectées par ce phénomène. Les salariés appartenant à la communauté LGBT+ en souffrent aussi, ce qui freine leurs perspectives d’évolution professionnelle. Décryptage.


George Arison a fait les gros titres en septembre lorsque Grindr a annoncé sa nomination au poste de directeur général. L’homme d’affaires américain est ainsi devenu le premier homosexuel à la tête de l’application de rencontres, et l’un des rares PDG ouvertement gay à diriger une entreprise cotée en Bourse. En effet, les personnes LBGT rencontrent de multiples obstacles durant leur carrière en raison de leur orientation sexuelle. Tabou pour les uns, affaire privée pour les autres, l’orientation sexuelle reste une source de rejet dans la sphère professionnelle. De nombreuses enquêtes montrent que les salariés LGBT sont souvent victimes de discrimination au sein de leur entreprise, que ce soit au niveau du recrutement, des missions confiées ou de leur rémunération. En France, 20% des employés LGBT disent avoir perçu des inégalités dans le déroulement de leur carrière, d’après la troisième édition du baromètre LGBT+ de l’association L’Autre Cercle en partenariat avec l’IFOP.

Des chercheurs de l’université de Sydney se sont récemment penchés sur les effets de ce plafond de verre sur les hommes homosexuels. Ils ont demandé à 256 Australiens de choisir un homme gay pour faire la promotion de Sydney dans une fausse campagne publicitaire. La moitié des participants de l’étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Sex Roles, étaient homosexuels et l’autre hétérosexuelle.

Les scientifiques leur ont demandé de visionner des vidéos mettant en scène six acteurs blancs supposément homosexuels. Ils y interprétaient le même script de deux façons différentes : l’une en adoptant une voix et une gestuelle dites "efféminées", et l’autre en endossant les codes traditionnels de la virilité. La plupart des participants de l’étude ont estimé que les comédiens à l’attitude plus "masculine" seraient les plus crédibles dans le film publicitaire. Et ce, quelle que soit leur orientation sexuelle. "Notre étude a démontré que les hommes gay et hétérosexuels préfèrent les homosexuels à l'apparence plus masculine que féminine pour les postes à responsabilité prestigieux", concluent les chercheurs.

L'entreprise, un grand "boys club"

Cette étude montre à quel point les clichés virilistes peuvent empêcher certains professionnels d’accéder à des postes de pouvoir au sein d’une organisation, notamment ceux appartenant à la communauté LGBT+. Pour l’essayiste Christophe Falcoz, l’existence de ce plafond de verre montre à quel point l’entre-soi masculin est encore bien répandu dans le monde de l’entreprise. "Les passages d’un niveau hiérarchique à un autre constituent certainement l’une des épreuves viriles de l’institution Entreprise, permettant ainsi de vérifier la conformité au modèle masculin et de distribuer le pouvoir à ceux qui en sont les meilleurs représentants", écrit-il dans un article paru en 2014 dans la revue Travail, Genre et Sociétés.

S’ajoute à cela l’autocensure des salariés LGBT+. Beaucoup d’entre eux tentent de se rendre le plus invisibles possible au sein de leur organisation, afin de préserver leur évolution de carrière et pour assurer leur bien-être quotidien au travail. Mais cette tactique a souvent l’effet inverse : 17% des professionnels LGBT+ déclarent être "épuisés" par le fait de devoir cacher leur orientation sexuelle à leurs collègues, selon une étude de 2018 de Human Rights Campaign. Près d’un tiers d’entre eux se disent même déprimés ou malheureux au travail. Un manque d’épanouissement qui n’est pas sans conséquence sur leur productivité et, donc, sur leurs perspectives d’évolution professionnelles.

Mais comment faire pour remédier à ce phénomène ? Faut-il imposer des quotas et des politiques de discrimination positive pour encourager la diversité dans les organes de direction ? La question fait encore débat. Toutefois, de nombreuses entreprises s’évertuent à créer un environnement de travail plus inclusif en instaurant des dispositifs "LGBTQ friendly", comme des formations pour sensibiliser l’ensemble des employés à ces questions. De nombreux grands groupes et sociétés les mettent en place pour fidéliser leurs employés, à l’heure où les jeunes générations accordent une importance croissante à l’acceptation des différences.

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