Soupçons de favoritisme : on résume l'affaire Olivier Dussopt en cinq points

  • Olivier Dussopt, qui plaide sa "bonne foi", encourt deux ans de prison.
    Olivier Dussopt, qui plaide sa "bonne foi", encourt deux ans de prison. Wikimedia commons -
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Ludovic Trabuchet

Le Parquet national financier devrait renvoyer Olivier Dussopt devant un tribunal pour des soupçons de favoritisme dans un vieux marché public. L’intéressé défend avec vigueur sa bonne foi.

Mauvais timing. Alors qu’il s’apprête à descendre dans l’arène surchauffée de l’Assemblée nationale pour défendre le projet de réforme des retraites, le ministre du Travail Olivier Dussopt se retrouve fragilisé par des accusations de favoritisme, dans le cadre d’un marché public conclu en 2009 quand il était maire d’Annonay, ville ardéchoise de 16 000 habitants.

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1- Ce qui est reproché au ministre

L’affaire débute en 2017. Le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête pour deux lithographies du peintre Gérard Garouste offertes par un dirigeant local de la Saur au député-maire d’Annonay Olivier Dussopt, alors que la Ville était sur le point de signer un contrat avec la compagnie de traitement des eaux.

Ces œuvres d’art valant plus de 150 € (elles ont été estimées à 2 000 €), l’élu aurait dû déclarer ce cadeau à la déontologue de l’Assemblée nationale. Olivier Dussopt plaide sa bonne foi, assurant qu’il en ignorait la valeur. Il a d’ailleurs restitué les deux tableaux, mais le PNF a tout de même poursuivi ses investigations sur de possibles faits de corruption et de prise illégale d’intérêts.

Une perquisition est ainsi menée en août 2020 au domicile de celui qui vient tout juste d’être nommé ministre chargé des Comptes publics. Une opération qui révèle, selon nos confrères de Médiapart, "des échanges entre Olivier Dussopt et la Saur semblant laisser peu de doute sur l’existence d’un arrangement autour d’un marché public daté de 2009".

Le Parquet national financier semble considérer que les règles des marchés publics n’ont pas été respectées et que le groupe privé a été favorisé au détriment d’autres candidats. Il s’est alors vu confier l’exploitation des ouvrages d’eau potable au moment où la commune passait en régie publique.

2- Ce que risque Olivier Dussopt

Un procès devrait être fixé d’ici un an. Selon le Code pénal, le ministre encourt deux ans de prison et 200 000 € d’amende pour cette infraction. Cela aurait pu être pire. Selon le ministre lui-même, le PNF avait fait émerger cinq griefs possibles, mais n’a retenu que le soupçon de favoritisme au terme de la procédure.

M.Dussopt n’est pas accusé de corruption, le gendarme financier estimant qu’il n’a pas bénéficié de contreparties en échange de la signature des contrats (en 2009 comme en 2017) avec la Saur. Concernant les lithographies, les enquêteurs ont conclu à l’initiative personnelle d’un commercial de la Saur. Leur valeur est par ailleurs dérisoire, rapporté au marché de plusieurs centaines de milliers d’euros.

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3- Comment se défend le ministre ?

Droit dans ses bottes. Sur France Inter, ce samedi, Olivier Dussopt a d’abord mis en avant l’abandon de poursuites pour corruption ou enrichissement. Surtout, il "conteste l’idée d’arrangement" et assure qu’il a les arguments pour prouver sa "bonne foi". "Tout ce que j’ai fait s’est inscrit dans un seul objectif : faire en sorte de tenir une promesse de campagne qui était de passer en régie et baisser le tarif de l’eau pour les Annonéens", a-t-il détaillé.

Il dit aussi que ces histoires "étaient connues" au moment de ces nominations au gouvernement, laissant entendre le soutien de l’exécutif.

4- Matignon lui réitère sa confiance

Service minimum. Depuis ces révélations, vendredi, la Première ministre ne s’est pas exprimée dans les médias. Matignon a tout de même déclaré dans un communiqué qu’Olivier Dussopt conserve "toute la confiance de la Première ministre".Plusieurs députés de la majorité sont en revanche montés au créneau pour défendre Olivier Dussopt.

5- Une affaire qui tombe mal

L’exécutif se serait tout de même bien passé de ces révélations à la veille de l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, et alors que celle-ci est de plus contestée dans la rue et par l’opinion publique. L’opposition n’a d’ailleurs pas tardé à dégainer à l’image du député PS de l’Eure, Philippe Brun, qui a parlé de "discrédit" sur BFM-TV et a demandé la "mise en retrait" du ministre.

L’histoire bégayerait. En 2019, Jean-Paul Delevoye, chargé de l’ambitieuse réforme du système de retraite à points, avait dû démissionner après avoir omis dix mandats dans sa déclaration à l’autorité de la transparence.