Assises de l'Aveyron : au procès Ayral, "les haines recuites" entre un frère et sa soeur

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  • Me Jean-Marc Darrigade et Me Alexandre Martin, avocats de Joël Ayral.
    Me Jean-Marc Darrigade et Me Alexandre Martin, avocats de Joël Ayral. Centre Presse Aveyron - Mathieu Roualdès
Publié le , mis à jour

Joël Ayral, 66 ans, est jugé depuis ce lundi 6 février devant la cour d'assises de l'Aveyron pour le double assassinat de sa soeur et de son beau-frère le 21 mars 2019 à Castelnau-de-Mandailles.

Il est leur frère, leur oncle, leur cousin ou un lointain parent. Aux yeux de certains, il est surtout devenu un assassin. De ceux qu’on n’ose plus vraiment regarder et auquel on aimerait ne plus jamais être lié. Pour d’autres, il reste néanmoins ce lien de sang. À l’ouverture du procès de Joël, accusé d’avoir tué sa sœur Henriette et son beau-frère Firmin le 21 mars 2019 à Castelnau-de-Mandailles, la famille Ayral s’est une nouvelle fois dissociée. À gauche pour la plupart, côté traditionnellement réservé aux parties civiles. À droite pour d’autres, côté réservé aux "soutiens" de l’accusé. Deux groupes, sans aucun regard, sans pardon possible. Cette semaine de débats devant la cour d’assises sonne comme une dernière réunion de famille, loin des repas dominicaux. Elle se veut surtout l’épilogue d’années de disputes, sous fond d’héritages, de rancœurs et de non dits tenaces des milieux ruraux. Cette fois, tout sera dit. Et dans les moindres détails. La justice n’a pas de pudeur.

"Le germe du drame"

Les premières heures de débats sont venus rappeler combien Joël Ayral n’appréciait guère sa sœur… Jusqu’à l’assassiner avec son mari de plusieurs coups de canons de fusil ? Les prochaines journées d’audience le diront. Elles seront consacrées aux faits. Jusqu’alors, les six jurés – trois femmes et trois hommes –, ont entendu les premiers éléments de personnalité de l’accusé. Né en 1956 dans la ferme familiale de Condamines, sur les hauteurs de Mandailles, Joël Ayral est le benjamin d’une fratrie de huit. Dans le box des accusés, il a l’allure de Monsieur Tout-le-Monde, les cheveux grisonnants, des lunettes rectangulaires, un pull marron duquel dépasse le col de sa chemise.

Henriette, elle, était l’aînée. Sa mère l’attendait avant son mariage… "C’est un secret de famille mais elle serait donc votre demi-sœur", précise l’avocate générale, Nathalie Bany. Joël Ayral n’en dira pas plus. Il se souvient en revanche très bien du jour où il a coupé les ponts avec elle. Il avait 24 ans et venait de perdre son frère dans un accident de voiture. "J’étais sur le siège passager, un alcoolique a refusé la priorité…", raconte-t-il, en sanglots. Après le drame, il se rapproche de la maîtresse de son frère défunt. Ils ne sont « qu’amis », jure-t-il. Sa sœur, Henriette, le dénoncera pourtant au mari de celle-ci… "Lui voulait me tuer ensuite et cette pauvre femme en est morte quelques mois plus tard". Le benjamin ne pardonnera jamais cette dénonciation. Devant la cour, ce lundi, une experte psychologue a assuré que cette histoire constituait "le germe du drame".

L'arrangement de famille

Quelques années plus tard, au début des années 1990, vient le temps de l’arrangement de famille. Les parents Ayral, modestes agriculteurs, souhaitent laisser un bout de terre à chacun des enfants. Joël est devenu formateur à l’Afpa, sa sœur a repris l’exploitation familiale aux côtés de son mari Firmin. "Elle n’a pas voulu laisser le corps de ferme pour qu’on s’y retrouve tous. Si dès le départ, elle s’était entendue avec les parents, il n’y aurait jamais eu de problèmes", explique-t-il.

Au final, le benjamin se sentira lésé. Décrit comme "procédurier", il se lance alors dans une bataille judiciaire. La maison de sa sœur et de son mari empiéterait sur le terrain dont il a hérité. C’est l’histoire de quelques mètres carrés. Les procédures au civil s’accumulent. Il les perd toutes. Jusqu’à la dernière, devant la cour de cassation. La décision est tombée la veille du double assassinat…

"Ce sont autant de haines recuites mises dans un chaudron et qui finissent un jour par exploser", a expliqué ce lundi une experte psychologue. Des haines qui transpireront jusque dans les auditions de la famille après le drame. L’un des frères Ayral, proche de Joël, aura ainsi ces mots : "Le village de Condamines est désormais libéré, comme en 1945"… La justice n’a pas de pudeur.

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