Assises de l'Aveyron : "J'étais un animal", reconnaît Joël Ayral accusé d'avoir tué sa soeur et son beau-frère

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  • Le lieu-dit Condamines, au lendemain des faits qui se sont produits en 2019.
    Le lieu-dit Condamines, au lendemain des faits qui se sont produits en 2019. Archives - Centre Presse Aveyron
Publié le , mis à jour

Depuis ce lundi 6 février, Joël Ayral est jugé devant les assises de l'Aveyron pour le double meurtre de sa sœur et de son beau-frère. Longtemps interrogé au deuxième jour de son procès, l’accusé a livré une version confuse de la soirée tragique du 21 mars 2019 à Castelnau-de-Mandailles. Jusqu’à énerver ses propres conseils.

Deuxième jour du procès de Joël Ayral, devant la cour d’assises de l’Aveyron. Il est 12h20. L’heure du déjeuner approche, l’accusé finit d’être "cuisiné". Et ce que plus personne n’espérait se produit. "J’étais un animal, j’étais un animal…", lâche en sanglots l’Espalionnais, âgé de 66 ans. Voilà plusieurs heures que, chacun à son tour, président, avocate générale et avocats tentaient de le mettre face à ses contradictions sur le déroulé de la soirée tragique du 21 mars 2019 à Condamines, sur les hauteurs de Castelnau-de-Mandailles.

Des dizaines de coups portés

Sa sœur Henriette, 72 ans, et son beau-frère Firmin, 80 ans, sont retrouvés en pyjama sur le pas de leur porte gisant dans une mare de sang. Leurs crânes sont « défoncés », comme le dira l’accusation. Les légistes font état de multiples fractures et autres lésions. "Chacun a reçu une dizaine de coups d’une grande énergie", assurent les experts. Avec le canon d’un fusil et certainement une cisaille. Difficile encore de le dire précisément, tant Joël Ayral entretient encore le flou… Et a livré devant les jurés une version, se rapprochant pour tous davantage du scénario hollywoodien que de la vérité.

Dans le box, Joël Ayral mime la scène

"Ce soir-là, j’étais à quatre pattes en train de couper des arbustes. J’avais presque fini quand j’ai reçu un coup derrière la tête. J’ai reconnu le canon d’une carabine, la barbe de Firmin, je pense qu’il tient l’arme… Puis, je reçois des coups encore. Je fais un roulé-boulé avec Monsieur. Il se retrouve sur moi, je sens sa main sur ma gorge. Je suis à la fin d’un tunnel qui me transporte vers la mort, je demande à recevoir un coup fatal, j’ai des frissons… Le coup fatal ne vient pas, je me retrouve le canon de la carabine dans les mains, je suis encore au sol, je parviens à me retourner sur un côté", raconte-t-il, dans un flot de paroles difficiles à suivre et tout en mimant la scène avec ses bras.

Les coups portés à ses "agresseurs » comme il les nomme ? « Au sol, je fais tourner la carabine au-dessus de ma tête. Puis, je décide de me lever, je ne sais plus où je suis. Je file sur un chemin avant de repartir vers chez moi"… Entre-temps, Joël Ayral jettera ses habits maculés de sang dans un ruisseau, la Boralde, prendra une douche puis se rendra à la gendarmerie.

À l’époque, il pesait 104 kilos pour 1,83m. Firmin en pesait 58 et n’était pas "capable de faire plus de soixante mètres à pied", dira son médecin généraliste. Henriette, elle, mesurait 1,52m et, en récidive d’un cancer au sein, elle n’était "pas capable de lever ses bras au-dessus des épaules", témoignera encore le médecin. "Comment expliquez-vous qu’ils se retrouvent tous les deux, côte à côte le crâne fracturé ?", l’interroge l’avocate générale, Nathalie Bany. "Je n’ai pas d’explications. C’est dans le roulé-boulé avec Monsieur, peut-être. C’est Madame qui porte les coups. C’est tout ce que je peux dire, j’ai sauvé ma vie", répond-il. "Elle a donc tué son mari", conclut, dépitée, la magistrate. Silence dans la salle.

Les avocats de l’accusé demandent la parole. "Pour bien vous juger, il faut se rapprocher de la vérité", souffle Jean-Marc Darrigade à son client. Pour le conseil héraultais, "il y a eu un coup puis vous avez explosé, après tant d’années de haine".

"On n'en a rien à foutre de l’arrangement M. Ayral"

Joël Ayral se perdra encore dans des paroles décousues. Jusqu’à ce que son autre conseil, Me Alexandre Martin, ne se lève à son tour : "C’est fou cette histoire : deux morts pour quelques mètres de terrain", commence-t-il.

- "C’est pire que ça, si l’arrangement de famille"…

- "On n’en a rien à foutre de ça M. Ayral. Il y a deux morts là ! Vous savez ce que ça veut dire, vous êtes humain ! Alors, dites-le, ce soir-là, vous avez pris un coup derrière la tête et vous vous êtes jetés sur vos agresseurs !"

- "J’ai récupéré la carabine"...

- "Avant de vous rendre, vous avez dit à votre fils qu’il avait un père assassin, qu’il devait vous considérer comme mort. Vous lui devez la vérité. Vous n’avez pas contrôlé votre colère après toutes ces années, point ! Arrêtez de reconstruire la scène dans votre tête".

- "J’ai donné des coups"…

- "Allez au bout M. Ayral, c’est votre vie qui est en jeu là ! Vous avez 66 ans, soit vous mourez en prison, soit vous vous donnez une chance de revoir vos enfants un jour".

- "J’étais un animal, j’étais un animal… je regrette".

Il est 12 h 20. Pause-déjeuner. Joël Ayral se prend la tête dans les mains, il pleure. Et se renferme dans sa version pour l'après-midi.

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