Assises de l'Aveyron : Joël Ayral, ce "père aimant" au "caractère explosif" jugé pour double assassinat

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  • Me Anne-Sophie Monestier doit plaider ce jeudi pour les parties civiles.
    Me Anne-Sophie Monestier doit plaider ce jeudi pour les parties civiles. Mathieu Roualdès -
Publié le , mis à jour

Au troisième jour du procès à Rodez de Joël Ayral, accusé d’avoir assassiné sa sœur et son beau-frère en 2019, les témoins se sont succédé à la barre.

Lors de ce procès, ils sont 28. Ils, ce sont les témoins. Famille, amis, simples connaissances… Tous sont liés à cette affaire, sans le vouloir. De la justice et ses rouages, ils en sont étrangers. Du poids si particulier de la cour d’assises, ils n’en connaissent souvent rien. À la barre, ils prêtent serment et jurent la main levée de "parler sans haine et sans crainte" et "de dire toute la vérité, rien que la vérité". Leurs mots peuvent faire vaciller une partie, comme l’autre. L’avocat craint toujours ce témoin qui en dit trop… Dans le box, tout au long de cette troisième journée de procès, Joël Ayral a scruté ces gens qu’il connaît bien. Il a bu leurs paroles, en silence. Comme lors du passage de ses deux fils, dans l’après-midi.

Le plus jeune, 29 ans, est diplômé de Sciences Po. A la cour, il décrit un "père aimant" avec qui "il n’a jamais manqué de rien". La nuit du drame, il dormait dans la maison familiale à Espalion quand son père est venu le réveiller "en disant qu’il s’était fait agresser". Ils ont discuté une demi-heure dans la cuisine avant de se rendre à la gendarmerie. Les victimes, sa tante Henriette et son mari Firmin, il "ne les connaissait pas". Des différends familiaux, "il n’en savait rien, juste qu’il y avait un problème d’héritage. Mon père nous a toujours protégés de tout cela". "On n’en parlait pas lors des repas de famille", appuiera, quelques minutes plus tard, son frère aîné.

« Il a pourri la vie de mes parents pendant des années »

Les enfants d’Henriette et de Firmin, eux, étaient "au courant de tous ces problèmes". "Mes parents vivaient dans la peur depuis des années. Il leur a pourri la vie pendant des années. Je ne sais pas combien de fois ils ont été au tribunal... A la fin, c’était l’horreur. Je l’ai vu menacer, frapper ma mère et malheureusement, j’ai toujours pensé que ça finirait comme cela", a témoigné la benjamine des cinq filles du couple défunt.

L’accusé est son parrain. "Un super parrain", souffle-t-elle, face au jury. À l’instar de sa nièce avant, elle a évoqué ce bout de terrain - six mètres carrés - à Condamines dont Joël Ayral avait hérité. Mais sur lequel la maison d’Henriette et de Firmin empiétait. Il ne l’a jamais accepté. "Pour nous empêcher l’accès à la maison, il y empilait des voitures, du grillage, du verre cassée, des toilettes... de tout ! Il mettait même des affiches en arabe vu que mon père avait fait la guerre d’Algérie", raconte-t-elle.

Querelles avec le maire

En fin de journée, c’est le maire d’Espalion, Éric Picard, qui est venu témoigner de ce caractère « explosif et procédurier » de son administré. "J’ai déposé plainte contre lui après qu’il ait mis des pancartes insultantes contre moi devant sa maison. Une fois, on l’a également exclu d’un conseil communautaire tant il était excité dans le public", livre-t-il, avant que son ancien premier adjoint ne vienne témoigner d’une agression physique de l’accusé dans l’hôtel de Ville, au début des années 2010. Joël Ayral, 66 ans, serait-il donc cet homme qui ne parviendrait pas à "contenir ses émotions", comme l’a dit l’experte psychiatre en début de semaine indiquant "que le chaudron avait fini par exploser" ?

Quelques jours avant le drame, en mars 2019, Joël Ayral avait croisé sa sœur Henriette, lors d’un enterrement. "S’il n’y avait pas eu les enfants, je l’aurais buté", aurait-il lancé à plusieurs personnes. Le jour des faits, il apprend que son compte bancaire est bloqué. Une saisie vient d’être ordonné, après une énième procédure perdue contre sa sœur. Aux huissiers d’Espalion, dans l’après-midi, il s’en plaindra et lancera : "Tout me tombe dessus, il va y avoir des morts. Au revoir, à jamais". Henriette et Firmin seront assassinés dans la soirée. A coups de canon de carabine et de cisailles. Ils avaient 72 et 80 ans.

L'avocate générale livre une toute autre version

En fin de journée, Joël Ayral demande la parole. Il souhaite revenir sur la soirée du 21 mars 2019. Et sa version rocambolesque de la veille… Debout, une main dans la poche, il assure de nouveau avoir été frappé en premier par son beau-frère Firmin et l’avoir "désarmé dans un roulé-boulé". Et après ? "Je n’ai pas la vérité en totalité. Je suis devenu un animal et j’ai un trou noir derrière" "Vous avez donc frappé, frappé, frappé après avoir désarmé Firmin ?", lui fera dire son avocat. Il répondra par l’affirmative.

Mais pour l’avocate générale, Nathalie Bany, ces explications sont encore insuffisantes. "L’état de santé des victimes ne leur permettait pas de se battre et de faire des roulés-boulés avec vous. Et tout cela n’explique pas comment Firmin et Henriette se sont retrouvés, excusez-moi du terme, les crânes massacrés couchés face contre terre. M. Ayral, et si l’histoire était différente…", a-t-elle indiqué avant de développer : "Les témoins ont dit que vous surveilliez la vie de votre sœur et de votre beau-frère. Vous saviez que celui-ci sortait son chien toutes les nuits, vers 1 heure. En arrivant à Condamines, vous avez dissimulé votre véhicule comme vous l’avez indiqué mardi. Puis, vous avez attendu que Firmin sorte son chien. Vous l’avez alors agressé. Henriette, votre sœur, a entendu du bruit et est alors sortie précipitamment. On l’a retrouvé pieds nus et en pyjama. Elle vous a certainement donné les coups derrière la tête à ce moment-là pour défendre son mari. Puis vous l’avez agressé ensuite… Cela explique aussi pourquoi nous avons retrouvé sa canne sous son corps".

À cette version, Joël Ayral a simplement rétorqué qu’il ne "savait pas qu’il y avait un chien dans la maison". Et de conclure : "Je tenais à parler devant tout le monde, j’assume. Je souhaite à personne d’avoir à vivre ça comme ça…".

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