Procès Ayral aux assises de l'Aveyron : "Je savais que ça arriverait", dénonce l'avocate des victimes

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  • Me Anne-Sophie Monestier a plaidé ce jeudi pour les parties civiles.
    Me Anne-Sophie Monestier a plaidé ce jeudi pour les parties civiles. Mathieu Roualdès -
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Verdict attendu ce vendredi dans le procès de Joël Ayral, accusé d'avoir assassiné sa sœur et son beau-frère en mars 2019 à Castelnau-de-Mandailles. Hier, la représentante des défunts, Me Anne-Sophie Monestier, a dénoncé "un drame annoncé" dans sa plaidoirie.

Elle n'a pas eu besoin de jeter un regard sur l'épais dossier du "procès Ayral", ni même sur ses notes d'audience. De ce que beaucoup ont appelé "les histoires de famille", Me Anne-Sophie Monestier en connaît tous les détails. Depuis 1999, l'avocate ruthénoise défend les intérêts d'Henriette et de Firmin face à Joël, le benjamin de la fratrie aujourd'hui dans le box des accusés pour l'assassinat du couple le 21 mars 2019. 

"Moi aussi, je savais que ça arriverait. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir alerté", a-t-elle commencé sa plaidoirie. Avant elle, ce sont des dizaines de témoins qui sont venus dire la même chose à la barre. En 35 minutes tout juste, et sans hausser la voix, l'avocate a retissé le fil de ce "drame annoncé".  Et surtout de cette haine, nourrie par les non-dits tenaces en milieu rural et les caractères bien trempés des protagonistes. L'enfance déjà. "Henriette, elle a toujours porté un poids. Elle était une demi-sœur. Dès le départ, on l'appellera la bâtarde et on en fera une esclave de la maison, de la ferme. C'est dans cette ambiance et cette image que Joël grandira", raconte Me Monestier, face à toute une famille qu'elle connaît. Et qui devant la cour d'assises est une nouvelle fois désunie et partagée sur les bancs du public. L'enfance passée, vient l'âge adulte. Il n'arrange rien. Joël Ayral l'a expliqué à plusieurs reprises : il a coupé les ponts très vite avec son aînée.

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Il avait 23 ans et n'avait pas supporté "une dénonciation" de sa sœur. La succession familiale, dans les années 1990, viendra mettre de l'huile sur le feu. Henriette est "mise à l'écart, même pas invitée aux réunions de famille". Pourtant, en 1975, lorsqu'elle construit sa maison avec son mari Firmin à Condamines, sur la commune de Castelnau-de-Mandailles, elle obtient la signature de son père pour empiéter sur une parcelle familiale... Celle-ci deviendra plus tard propriété de Joël Ayral, qui la rachète à l'un de ses frères. Une première procédure judiciaire est lancée. Anne-Sophie Monestier raconte : "Il voulait la démolition de la maison. Il a perdu. Puis, il a fait appel, lancé d'autres procédures, refait appel, s'est pourvu en cassation... Au final, on a toujours eu raison. Et ça, Joël Ayral ne l'a jamais supporté. Alors que ma cliente Henriette et c'est peut-être son malheur a toujours fait confiance en la justice. Lui a commencé à obstruer l'entrée de la maison de ma cliente. Il y a entreposé de tout".

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"Une bombe à retardement"

Puis, il y a eu les premiers accrochages. "Joël Ayral a étranglé Henriette, puis Firmin un autre jour. Il y a eu des insultes, des menaces", dit l'avocate. Une trace ressort de cela dans les archives du tribunal : c'était en 2014, un 15 août. Les trois protagonistes ont été condamnés pour des violences réciproques. Joël Ayral est alors formateur à l'Afpa en région toulousaine. Il ne revient que les week-ends "au village" comme on dit et dans sa maison à Espalion. Fin 2018, sonne l'heure de la retraite pour lui. "Et là, comme on dit : l'oisiveté réveille tous les vices ! Il a commencé à surveiller le couple Henriette et Firmin, à se rendre à Condamines tous les jours. Puis, il a parlé de les tuer, de les buter. Il est devenu obnubilé par toute cette haine. C'était une bombe à retardement. Elle a explosé après la saisie sur votre compte, le jour du drame. Elle émanait d'une nouvelle procédure perdue. Vous avez fini par perdre le contrôle et vous les avez sauvagement abattus alors qu'ils étaient tranquilles chez eux", souligne encore Me Monestier.

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En fin de plaidoirie, l'avocate a fini par livrer sa version de la soirée du drame : "Qui n'a rien à voir avec les vôtres qui ne tiennent pas debout M. Ayral. Ce soir-là, vous étiez caché. Et vous avez attendu que Firmin, comme à son habitude, sorte son chien. Vous l'avez alors sauvagement assassiné, vous étiez un animal comme vous avez dit. Henriette était au lit et a entendu du bruit. Elle est sortie précipitamment et vous l'avez tué à son tour. Elle a été retrouvée en chemise de nuit, pieds nus. Ses pantoufles étaient au pied du lit. On attendait de ce procès la vérité, un pardon. Il n'y a rien eu. Il n’y a rien eu. J’espère qu’il mettra au moins fin au conflit pour les futures générations."

Une version toute proche de celle évoquée par l'avocate générale, Nathalie Bany, lors de cette semaine de débats. Elle prendra la parole ce matin pour ses réquisitions, avant les conseils de Joël Ayral. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu dans la journée.

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