Quésaco : les "meatfluencers", ces influenceurs qui vantent le régime carnivore

  • Les "meatfluenceuses" veulent faire croire que la consommation de viande aiderait à combattre le surpoids, la dépression ou encore l'acné.
    Les "meatfluenceuses" veulent faire croire que la consommation de viande aiderait à combattre le surpoids, la dépression ou encore l'acné. bloodua / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Entrecôte crue dévorée à pleines dents, rôti de boeuf nappé de crème fraîche... Une communauté d'influenceurs s'est engagée à contre-courant des recommandations nutritionnelle et environnementale pour réduire la consommation de viande en présentant les bienfaits qu'apporterait un régime carnivore. Une tendance pour le moins déroutante portée par de jeunes femmes qui repose la question du lien entre féminité et barbaque.

En France, 35% des consommateurs ont réduit leur consommation de viande, une proportion en hausse de trois points entre 2021 et 2022, d'après les données de l'institut NielsenIQ. Dans un contexte de prise de conscience climatique, on répète très régulièrement que l'élevage industriel est responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre tandis qu'une succession d'études très sérieuses réitèrent leur prévention quant aux conséquences néfastes de la consommation de viande rouge sur la santé. Fin décembre dernier, The British Journal of Nutrition rappelait une fois encore que manger de la viande rouge ou de la viande transformée pouvait conduire à des maladies cardiovasculaires ou à développer un diabète de type 2 et des maladies inflammatoires de l'intestin.

Derrière les "meatfluenceurs" la promotion d'un régime

Pourtant, sur les réseaux sociaux, une communauté vante les mérites d'un régime en opposition totale à ces recommandations environnementale et nutritionnelle. Entrecôte au barbecue, bacon grillé au four, ribs de boeuf caramélisés... La barbaque crue comme cuite, saignante comme trop cuite, s'est trouvée de nouveaux porte-parole qui font la promotion de la chair comme véritable vertu d'une vie saine. Des vidéos publiées sur TikTok et Youtube rapportent même que la consommation de viande permet de combattre certaines maladies ! On les appelle des "meatfluencers", contraction anglophone de "meat" (viande) et de "influenceur". Sur le réseau social chinois, le hashtag "meatfluencer" condense plus de 181.000 vues. Mais, il faut repérer le hashtag #carnivorediet, c'est-à-dire le régime carnivore qui génère plus de 742 millions de vues, pour comprendre les dessous de ce succès déroutant. La diète carnivore, que l'on désigne aussi comme la "lion diet" en anglais, prévoit une alimentation exclusivement à base d'ingrédients d'origine animale, et surtout de la viande rouge, sans jamais inclure de produits végétaux. Bref, tout ce que les participants au dernier défi du "veganuary" en janvier ont proscrit !

Cerise sur le gâteau (ou plutôt comme une sauce bien poivrée sur un faux-filet), ce ne sont pas des influenceurs masculins qui portent ces messages, mais bien des femmes. Si la consommation de viande était depuis longtemps soutenue comme un moyen de gagner en muscles, ces "meatfluenceuses" indiquent que le régime du lion leur a permis de perdre du poids, de combattre la dépression et/ou d'être moins fatiguées. C'est le cas notamment de Kelly Hogan, qui a fait de son régime carnivore un business. Sous la bannière on ne peut plus claire "manger de la viande, sauver les humains", la jeune femme qui revendique une alimentation carnée depuis octobre 2009 anime des séances de coaching pour en finir avec l'addiction au sucre et adopter des menus davantage enrichis en protéines animales. D'Instagram jusqu'à TikTok, la Britannique utilise la photo de son mariage sur laquelle elle apparaît en surpoids pour révéler la transformation de sa silhouette désormais filiforme.

De son côté, la "meatfluenceuse" Courtney Luna promeut la consommation de la viande et de protéines animales, comme les oeufs, dans un podcast (an anglais) à la titraille tout aussi directe : "eat meat", soit "manger de la viande". Promouvant aussi le régime keto, qui consiste à accentuer l'apport de lipides plutôt que de glucides, la tiktokeuse enchaîne les recettes roboratives, sans craindre d'ajouter de la crème fraîche sur un rôti de boeuf hyper fondant. Sa dernière vidéo présente une recette déconcertante : un "carnivore latte", comprendre du café dans lequel on ajoute du jaune d'oeuf et du beurre avant de fouetter pour obtenir une mousse aérienne. Estomacs sensibles s'abstenir : l'influenceuse va jusqu'à dévorer devant sa caméra une entrecôte crue et croquer dans une barquette de beurre pour raconter que les protéines animales constituent son alimentation du petit-déjeuner jusqu'au dîner.


D'ailleurs, la jeune femme est particulièrement friande de beurre, allant jusqu'à confectionner des glaçons après l'avoir fait brunir très fort dans une poêle. Elle propose aussi une recette de "gâteau" constitué de plusieurs strates à base uniquement de crème et d'oeufs. Mais, les vidéos de l'influenceuse @Steakandbuttergal sont sans doute les plus rassasiantes, avec son lot de viandes crues et d'amas de beurre engloutis sans assaisonnement. Mieux vaut avoir l'estomac bien accroché ! Se revendiquant comme une ancienne adepte du régime végane, la jeune femme dit avoir combattu son acné, son eczéma et son psoriasis grâce au régime carnivore...

Manger de la viande, un sujet genré ?

En faisant la promotion de ce type d'alimentation, @steakandbuttergal confie avoir reçu des messages soulignant l'idée que manger de la viande n'avait rien de féminin... En France, on se souvient bien sûr du vif débat suscité par les propos de la députée Sandrine Rousseau qui avait associé la viande à un symbole de virilité.

Si une telle mise en lumière de la consommation de viande et de protéines animales en si grande quantité est bien sûr très discutable sur le plan éthique et nutritionnel, cette communauté de "meatfluenceurs" incarne cependant une nouvelle génération de femmes voulant s'imposer aux diktats de la société qui veulent faire croire que les femmes préféreraient manger de la salade (et serait constituée pour cela). Au journal britannique Metro, l'Américaine Courtney Luna a déclaré que "les femmes étaient conditionnées pour croire qu'elles devaient manger de la salade pour être en bonne santé et rester mince", soulignant que la communauté féminine adepte du régime carnivore comptait un très grand nombre d'adeptes...


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