Villefranche-de-Rouergue. Serge Carles, itinéraire d’un enfant et d’une langue

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  • "J’ai voulu dire, avec les yeux de l’enfant que j’ai été, le monde-genset petit univers – de mes 5 ans à mes 15 ans." "J’ai voulu dire, avec les yeux de l’enfant que j’ai été, le monde-genset petit univers – de mes 5 ans à mes 15 ans."
    "J’ai voulu dire, avec les yeux de l’enfant que j’ai été, le monde-genset petit univers – de mes 5 ans à mes 15 ans."
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Avec son ouvrage "Istoria d’un sauvatjot" (je suis cet enfant) Sergi Carles entrouve avec pudeur la porte de l’intimité de l’enfance en jonglant avec les mots d’oc, la langue vécue et de français la langue apprise. Itinéraire.

Lorsque l’hiver enveloppe de brise glacée le causse de Calcomier, la vie continue de se partager entre les lieux et les gens. Indissociables les uns des autres. À ce carrefour d’un Rouergue, n’ayant cure des limites des départements, une idée de l’ailleurs imprègne le paysage. C’est là en filant déjà vers Cambayrac, au sortir du bourg, que l’auteur-enseignant Serge Carles laisse remonter sa mémoire d’enfant. À "La Vergne", haute ferme effleurant les nuages. Sur ces terres rudes, au milieu des genévriers, dont les baies appâtaient les grives vers les pièges de pierres sèches des tendelles. Là aussi, et surtout où il y a quelque 70 ans, à la frontière des temps dits modernes, l’enfant du causse ne parle qu’une langue : l’occitan.

Ce "patois" méprisé et malmené par les institutions de la IVe République. Une "langue de l’intimité". Celle qui régit le quotidien des travaux des champs, de la vie de la boria, des relations villageoises, mais s’arrête aux portes de l’école. Lorsque le crépuscule du temps ralentit les mouvements, les souvenirs ressurgissent. Toujours plus forts. Plus prégnants. Ils exhument des visages, des mots, des objets. Des instants vécus aussi. Tristes ou gais, mais sujets à interrogation.

Le fossé maison-école l’interpelle

Carles vient de ce monde d’avant fait de lenteur à l’image du couple de bœuf tirant son char à pas comptés. En fouillant dans les tiroirs de sa mémoire, il émerge ces tranches de vie.

Les questions sont là. Collées sur les pages qui défilent de cette "istoria d’un sauvatjot"-je suis cet enfant. L’auteur se mue en narrateur. Il se raconte tout en cherchant des réponses qui ne viennent pas. Avec les siens, il ne parle qu’occitan. "Une relation profonde et instinctive de l’enfant avec cette langue de l’intimité, différente de celle des institutions." Elle sera fondatrice pour le parcours futur de l’auteur qui donne à lire en deux temps (en occitan et en français) ce témoignage sur son itinéraire, basculement d’époque et de langue.

Un peu à la Giono, Carles promène sa plume auprès des siens, ces gens de bien labourant le quotidien de leur vie simple. Toute la force de "Istoria d’un sauvatjot" prend racine là. Le fossé maison-école l’interpelle. En dehors de la salle de classe, la seule langue qu’il parle c’est ce "patois".

Il ne connaît alors que ce nom. Langue d’oc ne résonne pas encore dans ses tympans. À l’institutrice qui ne lui répondra rien, il demande : "avant le français, il y avait le patois ?"

Dans le cadre des "Setmanas occitanas", et en partenariat avec la médiathèque de Villefranche, Serge Carles animera une rencontre autour de son livre "istoria d’un sauvatjot-je suis cet enfant" (édition bilingue occitan-français, Letras d’oc-2022) samedi 18 février à partir de 15 heures à l’hôtel les Fleurines à Villefranche, moment animé par Alain Raynal et Maryse Calvet. L’inauguration des Setmanas a lieu ce samedi à 10 heures à la Maison de l’occitan.

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