Rendez-vous non honorés chez les médecins et praticiens : le ras-le-bol des soignants

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    Aucun praticien n’échappe aux “lapins”. Midi Libre - Sylvie Cambon
Publié le , mis à jour
Sophie Guiraud

Plusieurs personnels soignants livrent leurs témoignages en Occitanie sur une situation de plus en plus tendue.

Rendez-vous annulés in extremis, patients qui ne prennent pas le soin d’excuser une absence… Un dentiste héraultais, un médecin gardois et un orthophoniste des Pyrénées-Orientales racontent comment ils composent avec les “lapins” quotidiens alors que le Sénat a démarré ce mardi l’examen d’un texte qui pourrait conduire à des sanctions pour les patients indélicats.

"Un patient vient de me poser un lapin"

"Ça tombe bien, un patient vient de me poser un “lapin”." Ce lundi 13 février, en fin de journée, l’agenda de Frédéric Jean, médecin à Nîmes, par ailleurs président de l’Ordre départemental des médecins du Gard, se dégage brusquement.

Les annulations sont une "plaie", estime-t-il, en accord avec les chiffres de l’Ordre national et l’Académie nationale de médecine : 6 % à 10 % des rendez-vous non honorés, deux heures perdues chaque semaine, "même avec un rappel SMS". Ce lundi, c’est calme : "Deux annulations sur trente consultations, je me souviens d’une après-midi à cinq rendez-vous perdus", indique le médecin "relativement protégé", il connaît sa patientèle et prend peu de nouveaux malades. "Certains ne s’excusent même pas. Quand c’est quotidien à ce point, c’est un problème d’incivilité."

Il a "des confrères tellement excédés qu’ils font payer la consultation. Si le patient porte plainte, le praticien est en tort." Des affaires sont en cours devant la juridiction ordinale, confirme le Gardois qui se réjouit que "le législateur se préoccupe de la question". Il ne demande pas pour autant à être payé pour un acte non effectué.

"Je suis féroce"

Un dentiste héraultais prend son agenda du jour, mardi 14 février : "A 13 h 45, la patiente prévue à 14 h 30 m’a appelé, elle a des vertiges et ne peut pas venir. Elle a proposé de payer la consultation, j’ai évidemment refusé. En même temps, une patiente prévue demain, malade, a annulé son rendez-vous de mercredi. Un autre patient a pu prendre sa place, et un autre a accepté de venir à la place de ma patiente de ce mercredi, mais à 15 h. C’est tiré par les cheveux, fatigant nerveusement, en flux tendus, en courant après les retraités, plus disponibles", témoigne le praticien, qui ne parle pas des rendez-vous non honorés.

Le collègue qui partageait son cabinet a pris un poste de salarié il y a quelques mois : "Il était sur une plateforme de prises de rendez-vous, une personne sur deux ne venait pas", se souvient-il, fataliste : "C’est un problème d’éducation, de respect, un phénomène de société, dû aussi à l’évolution du monde de travail. Des gens prennent rendez-vous entre midi et deux, on leur rajoute une réunion au dernier moment, ils font sauter le rendez-vous", observe le praticien qui a le sentiment de limiter la casse "avec deux ou trois rendez-vous perdus par semaine". Parce qu’il est "féroce".

"La difficulté de tenir un agenda"

"Je ne sais pas si les gens ont conscience de la difficulté de tenir un agenda", observe Jean-Michel Gaston Condute, président du Syndicat régional des orthophonistes, qui exerce dans la maison de santé de Prades (Pyrénées-Orientales) : "Pour le moindre problème, ils ne viennent pas", constate-t-il.

Ses collègues de la maison de santé ont trouvé une parade : "Les rendez-vous se prennent au jour le jour." Pour lui, c’est impossible. Alors, il fait face aux aléas, des annulations in extremis ou pas d’annulation, "souvent sans aucune culpabilité alors que j’ai une quarantaine de demandes en attente".

Il a compté : "30 % de mes rendez-vous ne sont pas honorés." Les derniers chiffres de la consommation de soins d’orthophonie dans le département en témoignent : "On est passé de 6,6 M€ à 6 M€ en 2022 alors que le nombre de praticiens n’a pas bougé. " J’ai l’impression que les soins sont devenus un produit de consommation comme un autre. On se bat pour avoir un rendez-vous, mais on peut ne pas l’honorer."

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