Aveyron : "Naisseur", le prometteur premier roman de l'enfant du pays Delphine Laurent

Delphine Laurent est allée les chercher ces pattes du veau qui ont du mal à sortir. Elle a compati avec la vache qui donne la vie dans la douleur. Elle les a passées ces nuits à guetter le bon déroulement d’une naissance. Elle a frotté le veau mouillé avec la paille… Ce n’est pas son métier principal, mais tous les week-ends, avec son mari vétérinaire, elle est sur la petite exploitation familiale du côté de Laissac.

Et ce qui est formidable avec ce premier roman qu’elle vient de faire paraître, "Naisseur", c’est qu’elle est allée également chercher dans ses tripes les mots justes pour parler de ce métier de paysan. De cette relation particulière à l’animal. "On ne peut pas faire ce métier sans aimer les animaux, ce n’est tout simplement pas possible", glisse-t-elle. Ceux qui disent le contraire n’ont pas lu son roman. Il faut lire le passage de cette nuit passée à sauver une vache en train de faire une hémorragie en attendant le vétérinaire qui arrivera au cœur de la nuit.

Dans "Naisseur", qui met en lumière le travail de l’éleveur, tout y est sur le monde paysan. Des bons aspects jusqu’aux moins bons. Outre le rapport à l’animal, il y est question de la solitude, de la condition des femmes, de la succession de l’exploitation, de l’ouverture aux autres, du poids des primes… "Rien n’est vrai, mais tout est vrai", rigole Delphine Laurent, qui a notamment fait valider son livre par… son mari de vétérinaire.

Quatre ans d’écriture

"J’ai mis quatre ans à l’écrire. Le début a été difficile, puis, sur un bout de nappe, je me souviens avoir écrit les premières lignes. Et c’est parti", raconte celle qui, toute jeune, s’est surtout prise de passion pour la littérature. Jusqu’à mettre des mots sur des chansons à la mode de Nougaro.

Cette façon de mettre en image les situations offre de la puissance romanesque. Que ce soit pour évoquer cette soirée de fêtes où les jeunes agriculteurs "se chargent" du Parisien, ou pour raconter ce moment où les vaches sont "délarguées", amenées au champ avec les risques que cela peut comporter quand, toutes excitées par l’arrivée des beaux jours, les doublonnes peuvent vous échapper…

Pour ce premier roman, Albin Michel n’a pas hésité longtemps. " Peu de romans ont aussi bien parlé de la réalité du monde paysan aujourd’hui", décrit l’éditeur. En tout cas, Delphine Laurent, si elle n’est pas Marie-Loup, cette fille à l’instinct quasi-animal qui va reprendre l’exploitation familiale aveyronnaise de Fonsveilles que ses parents destinaient à son frère, éblouit par son écriture.

Une fois ce roman refermé, vous n’aurez peut-être qu’une envie. Celle d’aller vous glisser dans une vieille étable à étraves, pour écouter " les respirations bruyantes scandées par le cliquetis des chaînes contre le bois des crèches, les ruminations ralenties par la nuit, mais perceptibles comme les coups de langues sur les flancs".

Vendredi 3 mars, à 20 heures, avec la Maison de la presse de Laissac, est organisée une soirée "rencontre-dédicaces" avec Delphine Laurent à la salle de la mairie de Laissac.