"Le plus grand défi de l'agriculture, c'est de produire plus et mieux avec moins ! " (Justine Lipuma, la Ferme Digitale)

  • L'intelligence artificielle est un outil indispensable pour repenser l'agriculture, grâce notamment à sa capacité de prédiction.
    L'intelligence artificielle est un outil indispensable pour repenser l'agriculture, grâce notamment à sa capacité de prédiction. Ika84 / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Outil d'intelligence artificielle pour mieux cibler le traitement des cultures agricoles, ferme verticale, solutions naturelles pour limiter les intrants chimiques comme l'urine en guise de biostimulant... Regroupées sous le terme agritech, les innovations dans le monde agricole explosent et offrent une variété de solutions pour répondre aux problématiques de l'agriculture qui a de nombreux défis à relever. La technologie est un outil indispensable pour repenser le monde agricole de demain. Et il suffira de visiter le stand de la Ferme Digitale au Salon de l'Agriculture, à Paris, pour deviner la façon dont le numérique accompagnera cette transition. Pour mieux comprendre cette implication majeure, on a interrogé Justine Lipuma, porte-parole de cette association.

Au salon de l'agriculture, jamais la Ferme Digitale n'a disposé d'un espace aussi large, soit 800 m2, qui sera investi par 60 start-ups. Cette montée en puissance de la technologie signifie-t-elle qu'elle est une actrice majeure de la transition écologique ?

Justine Piluma : Le monde agricole fait face à des défis qui n'ont jamais été aussi importants et dont les réponses n'ont jamais eu à être trouvées dans un laps de temps aussi court. Plus le temps est court, plus la modification et l'adaptation sont difficiles à réaliser. La seule façon d'y arriver, c'est d'intégrer de l'innovation afin de révolutionner le milieu. Quand on parle d'innovation, elle peut être basée sur le vivant, de la technologie, de la data, de la blockchain...

Un tiers de ces entreprises exposeront pour la première fois au salon de l'agriculture. Comment vous analysez cette émulation autour de solutions pour penser l'agriculture de demain ?

La Ferme Digitale a été créée il y a sept ans. L'association a d'abord compté cinq entreprises. Désormais, nous en représentons 120, dont 86 start-ups. En 2022, nous avons constaté une très forte accélération des demandes pour intégrer la Ferme Digitale. Nous pouvons clairement parler d'hypercroissance. De nombreux sujets émergent dans des domaines très variés. Par le passé, l'innovation dans l'agriculture passait surtout par les robots, sinon de l'analyse d'images. Désormais, l'innovation va plus loin avec de nouveaux modes de production, de nouveaux types d'agriculture, de nouvelles fermes telles que les fermes verticales ou celles qui mélangent les cultures comme Agriloops qui associe l'élevage de crevettes au maraîchage. Surtout, elle concerne toutes les étapes de production, de la fourche à la fourchette.

Quel est le profil de ces entrepreneurs ?

C'est varié. Ce sont de jeunes entrepreneurs, mais il y a aussi des profils de patrons qui ont eu une carrière dans de grands groupes et qui font désormais le choix de l'entrepreneuriat. Des enfants d'agriculteurs sont aussi engagés à leur façon. Ils souhaitent apporter leur contribution au monde agricole, mais de manière différente.

Dans quelle mesure l'intelligence artificielle est-elle utilisée ?

Elle est utile pour tout ce qui relève de la prédiction. Il s'agit d'outils d'aide à la décision dans l'élevage comme dans le végétal. On peut prédire avec la meilleure précision un climat afin d'adapter un traitement dans les cultures. On utilise des jeux de données qui enregistrent des situations dans le passé et qui permettent d'améliorer une prédiction. Ces modèles sont déjà utilisés par les agriculteurs mais ils sont amenés à se développer encore plus. Pour limiter les intrants chimiques dans les parcelles par exemple, l'intelligence artificielle permettrait de gérer la bonne dose au bon moment et à un seul endroit donné.

Quelle place le consommateur occupe-t-il au sein de ces innovations ?

Si on produit différemment pour répondre à l'urgence climatique mais que le consommateur n'adhère pas au résultat, nous n'y arriverons pas. Il faut vraiment le sensibiliser à consommer différemment. Cela indique qu'il faut lui donner l'opportunité de manger autrement. En l'occurrence, les produits issus d'exploitations réduisant leur impact environnemental doivent être commercialement accessibles. Et dans le même temps, le producteur doit pouvoir jouir d'un retour sur investissement de ses changements de pratique. L'innovation a un coût !

Les agriculteurs sont-ils réceptifs à l'innovation ?

L'agriculture innove depuis toujours. Tout simplement parce que l'agriculteur s'adapte depuis toujours en sélectionnant les variétés de plantes qu'il souhaite cultiver, en mettant en place des itinéraires de culture adaptés au climat et à une parcelle. En fait, les producteurs se sont déjà adaptés de façon naturelle, sans étiqueter leurs nouvelles pratiques derrière l'idée d'une innovation. Ce sont des filières qui sont au pied du mur. Les producteurs ont donc parfaitement conscience du besoin de changement. Dans le même temps, c'est un monde qui fait face aux critiques. Sauf qu'on ne peut pas continuer à leur taper dans le dos sans leur donner les moyens et les outils pour changer. On ne peut plus opposer productivité et rendement à l'impact environnemental.

Quel est le plus grand défi de l'agriculture ?

C'est de produire plus et mieux, avec moins. Parce que nous sommes de plus en plus nombreux alors qu'il y a moins de terres disponibles. Nous devons réussir à produire davantage par mètre carré. A minima, un agriculteur doit réussir à produire au moins autant avec toujours moins d'impact pour la planète, ce qui signifie moins de consommation d'eau et d'engrais de synthèse.

L'innovation propose-t-elle des réponses en matière de bien-être animal ?

Bien sûr. Certaines de nos start-ups travaillent sur des sujets autour de l'élevage. Il s'agit de repenser les schémas de production. Mettre les animaux en prairie c'est bien, mais cela demande aussi de les surveiller. Désormais, il existe des capteurs que l'on place au niveau des colliers des animaux. Cela permet de connaître leur situation géographique mais aussi de prendre connaissance de leur état de santé. On peut repérer les plus faibles pour les mettre à part afin qu'ils se reposent plus. On peut ainsi davantage personnaliser le suivi et ne plus envisager les animaux en une unité, celle du troupeau.

Quel avenir le bio a-t-il dans les projets à venir de l'agriculture ?

Le bio, c'est un label. À ses côtés, il existe de multiples itinéraires de cultures raisonnées qui intègrent les notions de bien-être animal et végétal, sans avoir de labellisation. Compte tenu du contexte climatique, nous n'avons plus le choix. Qui plus est, le prix des engrais a explosé en raison de la guerre en Ukraine. Certains se posent enfin la question de changer de programme... Finalement, les fondations du label bio deviendront des principes de base.

Le Salon de l'Agriculture se déroulera du 25 février au 5 mars, au Parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris

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