Agriculture en Aveyron : un enjeu de taille, trouver des leviers pour s'adapter au changement du climat

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  • Aujourd’hui, l’utilisation des nouveaux semis et une nouvelle approche de travail de la terre sont dans la caisse à outils pour l’adaptation…
    Aujourd’hui, l’utilisation des nouveaux semis et une nouvelle approche de travail de la terre sont dans la caisse à outils pour l’adaptation… Archives Centre Presse Aveyron - José A. Torres
Publié le
Philippe Routhe

Pas une donnée scientifique ne parvient à affirmer le contraire. Le changement climatique est bel et bien en cours. Les grosses vagues de chaleur de l‘été 2022 ont d’ailleurs marqué les esprits. Parmi les plus concernés, il y a naturellement les agriculteurs. En zone d’élevage, comme c‘est le cas en Aveyron, les réflexions se multiplient pour s’adapter à cette mutation, obligeant à revoir pour beaucoup la manière de faire.

Printemps plus précoces et risques de gelées tardives, déficit pluviométrique, augmentation des jours chauds, voire très chauds… Ces dernières années, le changement climatique contraint également le monde agricole à de nouvelles pratiques.A une véritable adaptation.

L’enjeu est aujourd’hui décrit comme cela par Anthony Quintard, éleveur et secrétaire de la chambre d’agriculture : "Il nous faut garder des agriculteurs nombreux autour d’une activité créatrice de valeur ajoutée. Et tout cela est menacé par le climat". Et à chaque département ses particularités. Voire, à chaque exploitation sa particularité. Plusieurs canaux sont mis à l’œuvre pour repenser l’approche dans un département avant tout à vocation d’élevage.

"Pas une solution, mais des solutions"

Par exemple, un service Environnement et diversification a été ouvert à la chambre d’agriculture. Il multiplie les échanges autour de différentes thématiques. Car, comme c’est maintes fois répété, "il n’y a pas une solution, mais des solutions".

Ainsi, dans quelques jours, ce sont des groupes d’éleveurs ovins du Sud-Aveyron qui, par l’entremise de ce service, vont travailler et réfléchir en groupes pour déterminer les leviers qu’ils peuvent actionner pour répondre à cette problématique climatique. "L’efficacité viendra de la multiplication des leviers", insiste Anthony Quintard.
S’appuyant entre autres sur des données chiffrées et détaillées, des pistes de réflexion sont lancées. Bâtiments, semences, ressources en eau, investissements… les piliers à explorer sont divers pour y répondre. Reste une forme d’urgence.

Bâtiments, semences, eau...

Cet été, au terme d’une période caniculaire inédite, un mot est souvent revenu dans la bouche des éleveurs : décapitalisation. Plusieurs ont en effet opté pour la diminution du cheptel voire sa vente entière face au coût que cela représentait de le maintenir, avec des sols qui n’offraient plus rien à manger et des stocks de fourrage qui fondaient avant même l’arrivée des premiers froids. Or, ces vagues de chaleurs successives sont appelées à se renouveler.

Dans les exploitations, l’adaptation depuis quelques années doit s‘accélérer. Avec des traductions concrètes.

"Je ne dis pas que j’ai raison en faisant cela…"

Prenons le cas d’Anthony Quintard. Une réflexion a été menée autour de la biodiversité, avec la plantation de haies afin d’assurer de l’ombre aux bêtes et préserver une partie des sols. Des sols pour lesquels l’éleveur a fait le choix d’arrêter le labour pour passer en semis direct. "Une manière de préserver leur structuration et permettre aussi un meilleur enracinement. Cela fait un sol plus résilient face aux aléas climatiques".

Mais de prévenir : "Je ne dis pas que j’ai raison en faisant cela. Il y a des dogmes partout. Pour moi, la réduction du travail des sols est une adaptation". De même, l’agriculteur de Saint-Félix-de-Lunel a opté pour le couvert végétal entre deux moissons de blé, "l’objectif étant de protéger le sol des grosses chaleurs. C’est aussi une question d’opportunité.Ce couvert peut servir à nourrir les animaux aussi…"

"S'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'agriculture"

En matière de bâtiments, ceux abritant les volailles de l’exploitation ont été entièrement isolés et bénéficient de larges ouvertures afin de créer plus facilement du courant d’air. Ces adaptations, souvent très techniques, basées sur des études pointues en la matière, ne sont que le fruit d’une réflexion menée sur sa propre exploitation.

Il y a en revanche un sujet transversal qui concerne certes les agriculteurs, mais bien l’ensemble du département, c’est la ressource en eau. "S’il n’y a pas d’eau, il n‘y a pas d’agriculture, pas la peine de réfléchir plus longtemps", lance Anthony Quintard. Alors que le Département a inscrit l’eau dans ses douze défis, se pose la question de la gestion des flux d’eau. Un sujet qui fait débat.

Devant un choix de société

"Nous sommes en tout cas devant un choix de société…", lance l’agriculteur. "Ce n’est pas tant la quantité de pluie qui change, mais la manière avec laquelle elle tombe. Ce n’est plus étal sur dix mois mais par périodes qui sont plus soutenues".

À quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, les Jeunes Agriculteurs de l’Aveyron ont proposé une conférence animée par une ancienne voix célèbre de la météo. Celle de Joël Collado. "Suite aux épisodes de forte chaleur de l’année dernière, nous nous interrogeons sur le climat à venir. Nous avons également souhaité qu’il s’exprime sur l’adaptation des populations (végétale, animale, humaine)". 

La violence de l'impact climatique qui nous attend

Car c’est bel et bien une période charnière que traverse le monde agricole. Chargée d’interrogations, notamment "sur la violence de l’impact climatique qui nous attend", comme l’avait expliqué un agriculteur lors d’une assemblée se penchant sur l’évolution de l’agriculture aveyronnaise d’ici à dix ans. Et il y a de quoi se gratter la tête, étant entendu que les agriculteurs n’ont pas seuls les cartes en main, mais doivent s’adapter afin de continuer à "nourrir les gens".

D’autant que même dans ses prévisions les plus optimistes, pour lesquelles l’évolution des températures serait «maîtrisée », les scientifiques observent un changement profond. "Notamment dans le Sud-Ouest où il faut s’attendre à des modifications importantes du climat", affirment les scientifiques.

Des prévisions vers 2050 dans le Massif central qui interrogent

En 2019, le Service interdépartemental pour l’animation du Massif Central a notamment dévoilé dans le cadre d’une réflexion autour de l’adaptation des pratiques culturales au changement climatique, une étude sur le climat en 2050 dans le Massif Central. Cette étude met en exergue quelques indicateurs du changement climatique.

  • Une hausse de la température 0,35 et 0,40°C/10 ans en moyenne annuelle, qui sera plus marquée au printemps.
  • Un maintien du cumul de pluviométrie annuel et un cumul en baisse au printemps et en hausse à l’automne.
  • Un ensoleillement annuel en hausse principalement sur l’été et le printemps.
  • Un bilan hydrique dégradé, de l’ordre de 100 mm en 50 ans sur le nord-ouest du Massif jusqu’à 250 mm en 50 ans sur le sud du Massif.
  • Forte évolution du nombre de jours assez chauds (>25°C).
  • Augmentation de la variabilité des températures, maintien des risques de gel.
  • Une évolution à la hausse des phénomènes rares (excès d’eau, épisodes de sécheresses / caniculaires, gelées tardives, …).

Les prévisions font également état d’une période de jours très chauds qui devraient frôler les 30° dans le Sud-Aveyron, mais aussi une plus grande précocité du redémarrage de la végétation. Estimée entre le 14 février dans le Sud-Aveyron et le 18 mars actuellement sur l’Aubrac, elle pourrait survenir en 2050 entre le 10 février et le 2 mars…

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