Agriculture : femmes et agricultrices, elles tracent leur sillon, rencontre avec quatre Aveyronnaises

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  • Quatre femmes, quatre parcours différents mais une même passion : l'amour de l'agriculture.
    Quatre femmes, quatre parcours différents mais une même passion : l'amour de l'agriculture. Photos - Centre Presse Aveyron
Publié le , mis à jour
Jennifer Franco

Et si on parlait féminisation des métiers ? Le monde agricole se féminise et c’est tant mieux. En France, 37 % des agriculteurs sont des femmes et l’un des principaux syndicats agricoles, la FNSEA, est présidé par une femme, Christiane Lambert. Si les femmes en agriculture ont mis du temps et de l’énergie à conquérir leur place et un statut, les choses ont heureusement évolué ces dernières décennies avec, en parallèle, une féminisation croissante du secteur.

Elles s’appellent Aurore, Marion, Anne-Laure ou encore Jeanne. Rêve d’enfant ou passion qui  a mûri au fil du temps, ces quatre femmes aux destinées différentes ont pourtant toutes décidé d’embrasser une profession commune : l’agriculture. Un sillon tracé par choix et conviction.

29 % de femmes chefs d'exploitation en Aveyron

Longtemps, le cliché "d’épouse d’agriculteur" a prévalu. Il était encore difficile d’admettre au siècle dernier qu’une femme pouvait être elle-même exploitante. Ce n’est qu’en 1961 que le mot agricultrice est rentré dans le dictionnaire français. Avant, juridiquement parlant il n’y avait rien. La place de la femme dans la ferme n’existait pas, elles étaient invisibles même si elles travaillaient activement auprès de leur mari. Fort heureusement, les changements de mœurs autant que les conditions de travail ont inversé la tendance.Les femmes s’installent désormais sans barrière comme responsables d’exploitation.

En Aveyron, elles sont 29 % à être chefs d’exploitation.

Marion Niel, 31 ans, est éleveuse de chèvres de race saanen à Montrozier

Titulaire d’un DUT en agronomie, et diplômée de l’Ensat, une école d’ingénieur basée à Toulouse, depuis 2016, elle est installée sur le Gaec des Trois-Bois à la chèvrerie de Trébosc, associée à sa maman, Pierrette et son beau-père, Hugues.

"J’ai toujours voulu travailler avec les animaux. Au départ, je me destinais à devenir vétérinaire mais je me suis rendu compte que je préférais élever et prendre soin des animaux plutôt que le côté chirurgical". Une expérience de quatre mois dans une coopérative agricole au contact d’agriculteurs en bovins viande finit de la convaincre à sauter le pas. "J’ai fait un stage de trois mois en partenariat avec la chambre d’agriculture dans une exploitation de transformation de fromages de chèvre".

Au départ, on me demandait à parler au patron !

Sa maman et son beau-père à la tête d’une exploitation de chèvres (250 à la traite et une centaine de chevrettes en renouvellement) depuis quinze ans, Marion leur propose de les rejoindre, et de « créer un atelier de transformation» pour compléter l’activité. "Nous travaillons tous les trois à plein temps". La jeune femme concilie à la fois sa vie d’éleveuse à celle d’épouse et de jeune maman d’une petite Rose âgée de 4 mois et demi.

Marion Niel.
Marion Niel. Photos - Centre Presse Aveyron

Au milieu du troupeau de chèvres élevées avec ses parents, Marion partage son quotidien entre la fabrication et la transformation des fromages, des yaourts et la vente. Sur les marchés de Laissac le mardi matin et Sévérac le jeudi. L’éleveuse sillonne aussi beaucoup les routes du département pour effectuer les livraisons. Et le succès est aussi au rendez-vous lors des concours. Elle a réussi à se faire sa place.

"Il reste encore un petit côté archaïque où le chef d’exploitation reste l’homme. Au départ, on me demandait à parler au patron. Je reçois encore des papiers où c’est écrit Monsieur et il n’y a pas la place pour Madame. Cela m’amuse, alors je les contacte en leur disant qu’ils peuvent “féminiser” leurs documents".

Sur l’exploitation, pour ce petit bout de femme, le plus dur n’est pas le labeur physique "car beaucoup de tâches sont aujourd’hui mécanisées et adaptées à notre morphologie". Mais l’organisation. "C’est un mode de vie. Ce métier, on le fait parce que nous sommes passionnés. Il y a plusieurs heures le samedi et le dimanche y compris auxquelles on ne peut pas déroger".

Tout en reconnaissant que si son conjoint, désormais artisan, avait été salarié dans une entreprise « avec des horaires fixes cela aurait été compliqué.» En 2023, le Gaec nourrit un nouveau projet, « faire de la pâte pressée, de la tomme de chèvre pour avoir un produit complémentaire, une gestion différente du volume de lait et un apport de trésorerie.»

Anne-Laure Alazard, 41 ans, cultive son amour pour le vin à Vabres-l'Abbaye

Direction le Sud-Aveyron, à Vabres-l’Abbaye. Depuis 2014, les jumeaux Anne-Laure Alazard et Alexandre Alazard, 41 ans, cultivent leur amour pour le vin et les cépages (pinot, syrah, chardonnay…) sur le domaine de Bias, en IGP Aveyron, une exploitation familiale de 6 ha située à Vabres-l’Abbaye, tout près des caves de Roquefort. Ils ont relevé le défi de replanter des ceps à Bias, fondé autour d’une abbaye, qui autrefois a eu son vignoble.

"C’est mieux à deux. C’est une force. On se complète", lance la pétillante Anne-Laure. Leur première cuvée sort en 2017. Avec une production uniquement en bouteilles. "Je ne vois pas passer le temps. On est dehors, dedans. On gère la partie commerciale. Toutefois, on veut garder notre vignoble à petite taille. On s’en occupe comme si on cultivait notre jardin.Cela nous permet de rester au plus près de nos cuvées et de les soigner".

Autre particularité, leurs vignes évoluent dans un monde de terre rouge. Qui se ressent jusque dans le verre. "Ce Rougier donne une certaine typicité jusqu’à donner un aspect minéral aux vins".

Anne-Laure Alazard.
Anne-Laure Alazard. Photos - Centre Presse Aveyron

Le climat est également particulièrement adapté aux raisins. "Les journées sont chaudes et les nuits fraîches. De fait, les grappes arrivent à garder une acidité naturelle". Rien ne freine Anne-Laure. Elle conduit aussi bien le tracteur qu’elle taille la vigne, ramasse le raisin. "Il faut être polyvalent. L’agriculture est un travail de moins en moins physique grâce à la technologie, ce qui nous permet d’être aussi utiles que les hommes".

Joignant l’utile à l’agréable : éJe n’ai pas besoin d’aller dans une salle de sport", plaisante-t-elle. Avouant toutefois, qu’avec l’amplitude horaire volumineuse, ce serait compliqué si elle était maman.

Aurore Arnal, 37 ans, éleveuse d'alpagas à La Cavalerie

À 30 kilomètres, sur le Larzac, Aurore Arnal, elle, n’est pas issue d’une famille d’agriculteurs. L’Aveyronnaise de 37 ans est devenue alpagueros en 2015. La jeune femme a toujours voulu travailler avec les animaux. Elle intègre un BEP haute couture. "C’était pour m’assurer un métier", sourit la jeune femme.

Très vite rattrapée par ses premières amours, elle suit une formation de soigneuse animalière dans le Lot, et rencontre un tondeur de moutons. Ils décident de reprendre un corps de ferme à Sainte-Eulalie-de-Cernon. Et de se lancer dans l’élevage d’alpagas.

J’ai besoin d’agrandir mon élevage pour pouvoir vivre de mon activité 

Mais coup dur de la vie, le couple se sépare. En 2020, c’est à La Cavalerie, dans une nouvelle ferme, qu’Aurore prend un nouveau départ avec les Alpagas filent sur le Larzac, heureuse propriétaire de 22 bêtes plébiscitées pour leur laine luxeuse." Ma plus grande fierté pour 2023, c’est que j’ai trouvé une solution pour transformer les trois qualités issues de la laine des alpagas", lance Aurore.

Aurore Arnal.
Aurore Arnal. Photos - Centre Presse Aveyron

"La laine de bébé avec l’intégralité de la toison conservée ; la laine d’adulte avec deux qualités (le dos, les flandres d’un côté, le haut des cuisses et le cou de l’autre) et la laine issue du bas des pattes et de la tête. Un poil gros que je n’utilisais pas. Elle est désormais testée pour en faire des semelles en laine feutrée".

Seule et maman d’une fille de 15 ans, Aurore jongle entre sa vie de mère et sa vie d’éleveuse. « Ce n’est pas de tout repos puisqu’à côté il y a la boutique, l’accueil du public, la comptabilité, le marketing…" Pleine d’entrain, d’envie, elle recherche aujourd’hui des terres pour « pouvoir m’agrandir » et développer « mon élevage.» Idéalement, "il me faudrait avoir cinquante alpagas pour pouvoir vivre de mon activité correctement et un corps de ferme avec davantage de terres mais pas forcément avec des bâtiments".

Jeanne Painvin, 19 ans, étudiante et future éleveuse de brebis

Jeanne Painvin est âgée à peine de 19 ans mais une chose est sûre, les brebis et les chiens de troupeau sont toute sa vie. Originaire des Ardennes, pour assouvir sa passion, elle n’a pas hésité à quitter sa région du Grand Est, direction l’Aveyron et le lycée agricole de La Cazotte à Saint-Affrique pour se former. En deuxième année de BTS Productions animales, elle était l’une des six jeunes à représenter l’Occitanie, à la finale des Ovinpiades à Paris le samedi 25 février.

Jeanne Painvin.
Jeanne Painvin. Photos - Centre Presse Aveyron

Pour tenter de décrocher le titre de Meilleure jeune bergère. "Mon père était directeur d’exploitation dans un lycée agricole. J’ai baigné là-dedans. Pour les besoins de la ferme, il a pris un chien de troupeau. Et, parallèlement, j’ai aussi récupéré un chien pour pouvoir le dresser. Tous les jours, je me suis retrouvée en contact avec les brebis et j’ai appris à les découvrir. C’est une bête proche de l’homme qui est sacrément intelligente. Pour une femme, la brebis est plus accessible, plus facile à travailler. Sa première participation au Salon de l’agriculture est «une fierté parce que je ne suis pas née dans une ferme. Et cela me permet de représenter les femmes dans un secteur encore trop masculinisé".

Combatives et constructives, ces quatre sont animées par un leitmotiv commun : donner encore plus de sens au retour à la terre.

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