Entretien : pour Jacques Molières, le président de la chambre d'agriculture, "l'Aveyron ne peut pas être banalisé"

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  • Jacques Molières : "L’Aveyron est une mosaïque de territoires et de spécificités".
    Jacques Molières : "L’Aveyron est une mosaïque de territoires et de spécificités". Centre Presse Aveyron - Olivier Courtil
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Propos recueillis par Jennifer Franco et Rui dos Santos

Le 59e Salon international de l’agriculture se tient, à Paris su 25 février au 5 mars inclus. Véritable vitrine des savoir-faire, la plus grande ferme agricole du monde est l’occasion pour l’Aveyron de mettre en valeur toutes les facettes de son agriculture. Ses animaux, ses filières, ses produits, ses agriculteurs et agricultrices qui font la fierté de tout un territoire et une région.

L’agriculture représente la première économie du département. Avec 7 636 exploitations selon le dernier recensement de 2020 et 10 634 chefs d’exploitation, l’Aveyron mise sur une production de qualité. Pour la première fois, l’Aveyron n’aura pas de stand institutionnel à Paris. Rencontre avec Jacques Molières, le président de la chambre d’agriculture de l’Aveyron.

Ce Salon de l’agriculture va s’ouvrir sans un stand de l’Aveyron, c’est une première…
Il n’y aura effectivement pas de stand institutionnel. Les différentes filières, elles, seront représentées, et les agriculteurs participeront au Concours général agricole… Mais, le stand proposé par la chambre d’agriculture et le conseil départemental qui permettait de promouvoir l’Aveyron sous toutes ses facettes, basé habituellement au hall 1, ne sera effectivement pas là.

Si on banalise l'Aveyron, on perdra l'Aveyron

Qu’est-ce qui vous gêne dans le fait d’être déplacé dans le hall 3 pourtant dédié aux régions ?
Si on banalise l’Aveyron, on perdra l’Aveyron. Il y a une quinzaine d’années, nous avons eu le débat, dans le département, de choisir la démarcation des produits agricoles et de leur donner une identité.

Un territoire, une race, un produit

L’agriculture représente la première économie du département, c’est un tiers du produit brut départemental. On a fait le choix de l’identifier à la production. C’est-à-dire, un territoire, une race, un produit. Le bœuf, c’est l’aubrac, la lacaune, c’est le roquefort…
Naturellement, c’est l’identité Aveyron qui est très importante. Encore une fois, l’Aveyron ne peut pas être banalisé, si on veut garantir cette dynamique.

D’autres présidents de chambre d’agriculture pourraient tenir le même discours. Qu’est-ce qui fait que l’Aveyron peut se targuer de dire que sa place est dans le hall 1?
On y est depuis le début. Le Lot a réussi à y rester pour des raisons diverses et variées… Ce que l’on nous refuse, c’est d’afficher le mot Aveyron et de faire l’animation Un jour, une filière, des dégustations… Le stand Bleu-Blanc-Cœur a le droit d’avoir des bêtes sur son stand, nous non ! Je ne comprends pas. On est à Paris pour promouvoir.

Je ne dis pas que le hall 3 n'est pas bien, mais le public est différent

Cette promotion est liée à notre terroir. Et notre terroir, c’est l’élevage. Je ne dis pas que le hall 3 n’est pas bien, mais le public est différent. L’attrait, c’est le hall 1. Je ne peux pas supporter que l’on foute un grand stand de Mc Do ou Lidl dans le stand de l’élevage et que l’on empêche un département, son terroir et ses paysans d’y être représentés !

Est-ce une bonne décision de ne pas avoir le stand de l’Aveyron ?
Bien sûr que non… C’est dommage pour l’Aveyron, les éleveurs, les Parisiens qui découvrent… Mais, je persiste et je signe, au hall 3, nous aurions été banalisés. Une décision a été prise… Puis, il était de toute façon trop tard de pouvoir prévoir un stand supplémentaire sur celui de la Région Occitanie. Je n’aime pas claquer la porte…
Le Salon de l’agriculture est plus un salon touristique. L’Aveyron ne perd-il pas une très belle vitrine ? Le hall 1 est une vitrine naturelle pour l’Aveyron...

L'Aveyron est une mosaïque de territoires et de spécificités

Quid de la journée de l’Aveyron ?
Elle tombe à l’eau de fait…

Il y a peut-être à Paris plus d’enjeux qu’il n’y paraît ?
Le Salon de l’agriculture est en train de devenir comme le Salon de l’habitat. C’est une erreur. Certes, qu’il reste ouvert aux Parisiens pour découvrir l’agriculture, mais l’agriculture ce n’est pas seulement des vaches et des cochons attachés. Une vache, elle produit du lait ou des veaux. S’il n’y avait pas la lacaune, il n’y aurait pas le roquefort. Je ne cesse de le répéter, l’Aveyron est une mosaïque de territoires et de spécificités. Derrière, il y a des produits.

Le véritbable challenge, c'est le renouvellement de génération

Si vous deviez définir un bulletin de santé de l’agriculture aveyronnaise, sur quoi mettriez-vous l’accent ?
Les produits issus de l’agriculture aveyronnaise identifient l’Aveyron comme un territoire de qualité. Je me suis toujours bagarré pour que l’on n’oppose pas les productions entre elles. Mon souci, c’était de garder une agriculture à taille humaine. Je crois que nous y sommes arrivés.

Aujourd’hui, il y a un véritable challenge pour l’agriculture de ce département. C’est le renouvellement des générations. Il faut garder ce modèle qui a fait de l’Aveyron le premier département en terres agricoles d’Occitanie, soit 22 % de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la région. Ce, grâce à la ligne de conduite prise, un équilibre entre les hommes, l’économie et le territoire. Le plus gros souci à gérer, c’est la lassitude des paysans car on est toujours en train de les noyer administrativement.

Le renouvellement des générations, c’est un cheval de bataille en Aveyron. Comment œuvrez-vous lorsqu’on sait qu’en 2027, il y aura près de la moitié des agriculteurs en âge de partir à la retraite ?

L’ Aveyron est le premier département de France en termes d’installations aidées. Pour autant, les fils ou les filles d’agriculteurs ne vont pas suffire. Il va falloir faire appel à des gens de l’extérieur. Il y a de plus en plus de gens hors cadre familial qui ont envie de revenir à certaines valeurs portées par le département: le travail, la terre, les racines. Des choses bien faites qui restent à taille humaine.

L’enjeu, c’est de garder les exploitations. L’élevage, c’est compliqué à faire tout seul. Les jeunes qui arrivent aujourd’hui n’ont pas forcément envie d’avoir la même vie que leurs aînés. Il faut trouver des solutions collectives.

Pourtant, chaque année, de jeunes diplômés sortent de nos écoles. Que deviennent-ils?
Ils s’évaporent. Longtemps, l’agriculture a été vue comme un métier pénible, une voie de garage. Moi, je pense le contraire. Par ailleurs, la société a évolué et les jeunes ne veulent plus passer tout leur temps sur leur exploitation. Et je les comprends. Il y a un modèle à trouver. Il faut avoir des gens sur les exploitations qui ont une vision globale. Ce n’est pas aux organisations professionnelles, y compris la chambre d’agriculture, de dire aux paysans ce qu’ils doivent faire. Notre rôle est de les accompagner en conseils, en formations nécessaires…

Comment l’agriculture s’adapte au changement climatique ?
On est capable de s’adapter. Savoir cultiver la prairie, retrouver des productions qui réagissent mieux aux aléas climatiques… Produire sur le sol ce dont les animaux ont besoin. Sur les espèces en production végétale, on n’est plus obligés de produire de la même manière ni au même moment parce que les saisons ne sont plus les mêmes. Il faut que la recherche nous aide avec les producteurs de semences.

On est capable de s'adapter

Sur les 520 000 ha de SAU (surface agricole utile), seuls 480 000 sont cultivés. Cela veut dire que la grosse partie de ce département est en herbe. Il faut apprendre à la gérer différemment. Puis, il y a l’eau. Il faut aboutir sur des petites retenues individuelles ou collectives pour sécuriser non pas pour intensifier. Je suis pour la récupération de l’eau de pluie, que ce soit pour les individuels et pour les exploitations agricoles.

L’inflation vous inquiète-t-elle ?
En 2022, les premiers résultats dans leur globalité ne sont pas catastrophiques. Et pour cause, on n’a pas encore subi l’effet de la crise de plein fouet dans le département. Je me fais du souci pour 2023.

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