Hausse des bénéficiaires des Restos du Cœur de 50 % en Aveyron : "Tout le département se paupérise"

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  • Les bénévoles en action chaque jeudi et vendredi à Millau dans l'Aveyron.
    Les bénévoles en action chaque jeudi et vendredi à Millau dans l'Aveyron. M.L. - Yan.Phi.
Publié le , mis à jour
Yanick Philipponat

La campagne hivernale se termine. Au centre de distribution des repas des Restos du Coeur de Millau (Aveyron), des mères isolées, des retraités mais aussi des travailleurs pauvres se pressent désormais pour bénéficier de l'aide alimentaire. Reportage.

"J'ai pleuré la première fois que j'ai demandé... Jusque-là, je m'étais toujours débrouillé avec mon fils à élever, travailler en intérim, avoir un toit. Là, ça fait mal... Mais je n'arrivais plus à acheter à manger, ici ce ne sont pas des économies que l'on fait, c'est de la survie".

Nathalie, 47 ans, remplit son sac de yaourts, légumes et autres boîtes de conserve et se force à afficher un sourire triste, tête haute et digne. Pour la première fois, depuis le début de l'hiver, elle s'est résolue, sur les conseils d'une amie, à rallier le centre de distribution alimentaire des Restos du Coeur à Millau.

Dans ce département de l'Aveyron, plus encore qu'ailleurs, les bénéficiaires n'ont jamais été aussi nombreux cette année, avec une croissance de 50 % et même presque 60 % dans cette sous-préfecture de 22 000 habitants. Du jamais vu pour cette antenne solidement implantée depuis 32 ans où le portrait défraîchi de Michel Colucci recouvre un mur entier et annonce la couleur.

Précarité et inflation alimentaire

"On ne pensait pas qu'il y aurait autant de gens et ça augmente partout, même dans les communes où certains maires disaient "ici on n'a pas de pauvres". Millau comme tout le département se paupérise" analyse Jean-Luc Got. "La raison, c'est la précarité, encore la précarité et l'inflation alimentaire, 14 % et ce n'est pas fini".

Jean-Luc, comme la cinquantaine de bénévoles millavois, se démène pour accueillir et servir les bénéficiaires chaque jeudi et vendredi, soit près de 300 familles et 4000 équivalents repas par semaine. Un chiffre important. "Attention, on ne donne pas l'aumône, s'ils y ont droit, ils y ont droit" poursuit-il.

Cette année, les mères isolées sont surreprésentées. Comme cette quinquagénaire qui ne préfère pas donner son prénom alors qu'elle met deux boîtes de Vache qui Rie dans son cabas. "C'est gênant de venir, certains nous reprochent de profiter du système... Mais les finances... À partir du 10 du mois je n'ai plus rien et un fils de 17 ans" dit celle qui vit des minima sociaux, moins de 500 € par mois et qui cherche du travail dans le secrétariat ou l'aide à la personne.

"Dès que je peux retravailler, je laisse ma place aux autres" 

Elena, femme divorcée de 48 ans, est venue avec l'un de ses trois enfants et ne s'en sort pas non plus face à la crise inflationniste, prix des aliments et surtout de l'électricité et du gaz,  soit 180 € par mois. Elle ne ressent pas de honte, "non c'est un beau geste les Restos du Coeur, on m'aide parce que c'est difficile" et si elle est venue cet hiver, elle est persuadée, c'est provisoire : "Dès que je peux retravailler, je laisse la place aux autres".

Dans la queue, à côté d'un punk de 2 m en perfecto,  il y a aussi Isabelle, 52 ans, visage émacié, mais trop heureuse d'avoir survécu à un cancer de l'estomac qui empêche désormais cette saisonnière de travailler. "Y'a pas le choix et les prix vont encore prendre 10 %, je garde le sourire avec ce que j'ai eu !" relativise celle qui loue aussi les relations qui se sont nouées entre bénévoles et bénéficiaires. À ces cabossés de la vie, s'ajoutent enfin des travailleurs pauvres. Comme Jérémy, 26 ans, agriculteur qui a même un employé mais dont les charges ont explosé : "Il n'y avait que cette solution... On s'habitue" soupire-t-il.

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