Entre anticipation et craintes, l'Aveyron se prépare à une éventuelle nouvelle sécheresse estivale

Abonnés
  • Sur les mois de janvier et février 2023, les sapeurs-pompiers de l'Aveyron ont comptabilisé 172 feux, contre 150 sur la même période de l'année précédente.
    Sur les mois de janvier et février 2023, les sapeurs-pompiers de l'Aveyron ont comptabilisé 172 feux, contre 150 sur la même période de l'année précédente. Centre Presse - José A. Torres
Publié le
Xavier Buisson

Après un épisode de sécheresse inédit dans son ampleur l'été dernier, la situation n'est pas plus engageante actuellement avec un déficit historique de pluies sur le département. Ce qui inquiète au plus haut point météorologues, agriculteurs mais aussi pompiers.

En France, c'est un record historique qui vient d'être battu en ce début d'année 2023 : près de 40 jours sans pluies importantes, "du jamais vu depuis le début des enregistrements en 1959", affirme Météo France, le tout dans un contexte de "sols déjà affaiblis par la sécheresse de 2022". Si rien permet pour l'heure d'affirmer que l'été 2023 sera du même acabit que le précédent, au cours duquel des restrictions d'eau étaient en vigueur dans 90 des 96 départements de métropole, l'inquiétude est de mise pour ceux qui auraient à pâtir d'une nouvelle sécheresse estivale alors que, sur les 18 derniers mois, 15 ont été déficitaires.

À commencer par les sapeurs-pompiers aveyronnais, qui gardent en mémoire les incendies de l'été dernier où plus de 2000 hectares sont partis en fumée, dont 1360 à Mostuéjouls. À l'échelle de l'union européenne l'an dernier, ce sont 786 000 hectares de bois qui ont brûlé dans 2700 incendies, soit deux fois et demie plus que la moyenne annuelle habituelle.

Pompiers : vers un "prépositionnement" préventif ?

Sur les mois de janvier et février 2023, les sapeurs-pompiers de l'Aveyron ont comptabilisé 172 feux, contre 150 sur la même période de l'année précédente. Autant dire qu'ils ressentent "clairement" la sécheresse actuelle, comme le confirme le lieutenant-colonel Stéphane Alléguède. Le point chaud de ces sinistres a été relevé entre les 6 et 20 février, avec neuf feux "significatifs", sur lesquels des Groupes d'intervention feu de forêt ont dû être envoyés.

"La majorité est due à des écobuages mal maîtrisés et parfois non déclarés. Heureusement, la situation s'est apaisée du fait des pluies et chutes de neige récentes. Sinon, ça brûlerait encore", affirme le lieutenant-colonel.

Aussi les pompiers de l'Aveyron sont en train de s'organiser, dans l'hypothèse où la situation serait la même cet été que le précédent. "Nous envisageons une éventuelle prédisposition de moyens, en casernes ou sur le terrain", explique-t-il. Une approche "jamais faite jusqu'à présent" dans l'Aveyron. En attendant, les pompiers espèrent, au même titre que le monde agricole, que les pluies vont arriver. Si ce n'est pas le cas, "on risque de se retrouver dans une situation semblable, voire pire que l'été dernier". Tout en se préparant à "pouvoir faire face" si la configuration est la même.

Le monde agricole ne veut pas "crier au loup" 

"Je ne lis pas dans une boule de cristal, je ne suis pas météorologue, mais c'est clair que le déficit pluviométrique commence à être préoccupant", déclare le président de la chambre d'agriculture Jacques Molières, qui espère fortement "qu'il y aura des pluies au printemps". Si tous les secteurs de l'agriculture sont dépendants des précipitations, la problématique est plus prégnante sur l'élevage qui, comme le souligne Jacques Molières, "subit une triple peine : surcoût de l'énergie, surcoût alimentaire... et sécheresse. Dans l'Aveyron, il y a beaucoup de troupeaux à nourrir. On a passé 2022 bon an mal an grâce aux stocks de fourrages disponibles et à l'aide du fond de calamité". 

La problématique est actuellement le manque de précipitation récent, mais aussi celui enregistré au cours de l'été précédent. "Les réserves ne sont pas faites, souligne le président de la chambre d'agriculture. Mais on peut encore avoir un mois de mars et un printemps pluvieux, c'est là que l'herbe se fait... On ne peut pas crier au loup encore. Néanmoins il faut envisager l'avenir, la pluviométrie sera désormais moins bien répartie sur l'année avec des cumuls de pluie moins fréquents et des épisodes plus violents".

D'où l'intérêt de "stocker l'eau quand la pluie le permet", explique Jacques Molières. La législation permet aux agriculteurs, sur déclaration, de réaliser des retenues de moins de 50 000 m3, une démarche qu'il encourage fortement. "Il faudra être courageux et faire, dans l'Aveyron, une grosse retenue, tôt ou tard. Quand l'eau tombe, il faut la stocker". Lors de sa visite à la chambre d'agriculture aveyronnaise, fin 2022, le vice-président de la Région en charge de l'agriculture Vincent Labarthe avait annoncé le lancement d'un appel à projets, en 2023, pour la création de "petites retenues" afin de retrouver des capacités d’irrigation.

"Planter des haies" et "redonner de la vie aux sols"

En charge, avec ses quatre associés, de 140 brebis, 30 chèvres et six cochons, Claire Barré, agricultrice installée sur le Larzac, se remémore avec amertume l'été 2022. "Les bêtes sont soit sur prairies, soit sur les parcours. L'été dernier, elles sont passées beaucoup plus vite sur les parcours et nous avons dû acheter du foin", explique-t-elle. La citerne de l'exploitation s'est rapidement retrouvée à sec, les animaux ont donc bu de l'eau de ville.

Des dépenses supplémentaires pour l'exploitation, alors que le prix du foin a augmenté, tout comme celui des céréales. Pour le moment, les agriculteurs ont acheté la même quantité de foin que d'habitude. "Un peu risqué", reconnaît la jeune femme, qui explique que la sécheresse a des conséquences à long terme, les brebis piétinent les jeunes pousses qui ne peuvent donc pas se développer.

Pour elle, les retenues ne sont pas une solution à long terme, du fait de l'évaporation dont elles sont victimes. "Ce qu'il faudrait mettre en place le plus rapidement possible, c'est des haies", qui permettent aux sols de mieux retenir l'eau et dont les feuilles peuvent nourrir les animaux. "Encore faut-il avoir la possibilité de les arroser les premières années", souligne Claire Barré, qui plaide aussi pour des sols "le moins labourés possible", ce afin de "redonner de la vie aux sols".

Pour le moment, le prix des fromages bio produits pas les cinq associés n'a pas augmenté. "Si nos prix augmentent, ,qui va acheter nos produits ?", s'interroge l'agricultrice, qui se dirige plutôt, en cas de nouveau coup dur, vers "l'idée de réduire" son troupeau.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
L'immobilier à Rodez

450000 €

En exclusivité chez IMMO DE FRANCE, venez vite découvrir cet opportunité d'[...]

Toutes les annonces immobilières de Rodez
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?