VIDEO. Industrie du textile : comment le premier T-shirt "propre", en lin et 100 % français est né en Aveyron
Saviez-vous que, en moyenne, un T-shirt parcourt 48 000 kilomètres avant d’arriver dans votre armoire ? Fabien Burguière et Julien Hanchir proposent une alternative locale, avec un produit 100 % écoresponsable et fabriqué en France. Ils ont réussi à créer le premier T-shirt en lin réalisé à 100 % sur le territoire français.
En 2015, Fabien Burguière, alors âgé de 24 ans, mûrit un projet qui lui permettrait de répondre à son désir d’entreprendre et de lutter contre la mode jetable, tout en respectant trois valeurs qui lui sont chères : l’écologie, la consommation éthique et la localisation du travail. "Le T-shirt propre, c’est une marque de prêt-à-porter écoresponsable créée, ici, dans l’Aveyron en 2016. Une initiative familiale avec pour objectif de relocaliser la production textile sur le territoire et de fabriquer l’ensemble de nos vêtements en France", lance Fabien Burguière, le fondateur.

Le concept est né sur une terrasse de café
Dans cette aventure un peu folle mais surtout courageuse, il a été rejoint par Julien Hanchir, d’abord client, un entrepreneur aveyronnais. Concevoir le plus proprement possible, relocaliser les filières Maroquiniste de métier, amoureux du textile et du produit, il a construit l’atelier de confection situé dans la zone d’activité de Saint-Georges-de-Luzençon. "On se réapproprie des savoir-faire qui ont disparu. On a formé de nouvelles équipes grâce à des anciennes qui nous ont montré le métier. On arrive à faire de belles productions sur du lin et du coton", lance Julien Hanchir emballé par l’éthique du projet.

Un défi industriel et environnemental
Un vrai défi industriel et environnemental qui part d’un double constat. "La mode est la seconde industrie la plus polluante au monde. Il y a trente ans, le textile représentait 500 000 emplois en France. Aujourd’hui, on en a perdu 90 %, ce n’est plus que 50 000 emplois, déplore Fabien Burguière. On a tout à reconstruire, à relocaliser les machines, les compétences".
On a tout à reconstruire, à relocaliser les machines, les compétences
Avec un enjeu de taille, "proposer un vestiaire complet uniquement avec des ressources et des savoir-faire locaux". Le concept ingénieux du chef d’entreprise apparaît : concevoir un T-shirt le plus propre possible, c’est-à-dire conçu avec des matières naturelles responsables et un produit pensé pour durer dans le temps. Et pour fil conducteur : "Tout ce que l’on peut faire en France, on le fait en France".

La France, premier exportateur mondial de lin
Sept ans après le début de l’aventure, l’équipe aveyronnaise a réussi son pari de fabriquer le premier T-shirt 100 % made in France. Un t-shirt en lin. Et pour cause, peu le savent, la France est le premier pays producteur au monde de cette matière. "Elle produit 80 % du lin mondial. Malheureusement, la grande majorité est exportée en Chine ou dans les pays de l’Est pour être filée. Notre lin, lui, vient de Normandie".
Du champ au t-shirt, le parcours en France
En 2022, l’entreprise aveyronnaise a d’ailleurs participé à la relocalisation d’une filature à Béthune. "Il est donc filé dans le Nord-Pas-de-Calais. Le fil est ensuite tricoté à 50 km, dans la Somme, à Moreuil. Une fois transformé en tissu, il commence à descendre dans l’Aveyron". Avec une première escale, en Haute-Loire, où il est teint. "Aucun produit chimique nocif n’est utilisé avec une certification Oeko-Tex©". Puis, les rouleaux de tissu prennent la direction de Saint-Georges-de-Luzençon. C’est là que s’opèrent à la fois la découpe et la confection. Les T-shirts sont ensuite expédiés en France et en Belgique depuis l’entrepôt de logistique basé, lui, à Rodez qui centralise les commandes passées exclusivement sur internet.
"L’objectif, c’est de produire un T-shirt 100 % naturel. Que ce soit sur le biais, les étiquettes, les emballages, il n’y a pas ni plastique ni élasthanne. Par ailleurs, lorsqu’un T-shirt arrive en fin de vie, il est beaucoup plus facile pour les usines de recyclage de les retraiter".
Relocaliser les filières et réduire l'impact environnemental
Avoir un minimum d’impact sur la nature et un maximum d’impact sur l’économie locale, telle est le leitmotiv des deux associés. "Nous avons une traçabilité qui est millimétrée, de la teinture au tricotage en passant par les champs de lin. L’industrie du textile est encore assez opaque. Cela nous amène donc la certitude de savoir que tout est fait sur le territoire par nos partenaires. Et cela rassure les clients qui doutent", détaille encore Fabien.
Au total, entre six et huit personnes, "des temps pleins concrets", sont à la manœuvre dans l’atelier implanté au pied du viaduc de Millau. L’un des avantages d’allier la technologie au savoir-faire ancestral offre à la fois un gain économique et environnemental. "Le fait que cela soit une machine qui calcule où placer les patrons en fonction de la commande, cela permet de gaspiller le moins de matière possible et de limiter au maximum son impact environnemental".
1 000 T-shirts produits par semaine
Réaliser un T-shirt 100 % en lin a d’ailleurs été un vrai défi à relever. D’abord, parce que les savoir-faire existant avaient déjà été exportés à l’étranger. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une matière ultra-délicate à travailler, du champ - "elle est dépendante des aléas climatiques" - à la confection. Un travail qui porte aujourd’hui ses fruits puisqu’aujourd’hui, "seulement 0,4 % de T-shirts en lin français reviennent pour défaut. Notre exigence paye".
Coton bio, laine mérinos...
Deux modèles, homme et femme, dans cinq coloris différents sont à ce jour proposés (ils vont passer à sept d’ici l’été, NDLR), soit une centaine de patrons différents. "Nous proposons aussi des t-shirts en coton bio réalisés à 97 % en France". Et pour cause, le coton n’étant pas cultivé en France, l’entreprise se tourne vers l’Europe, "en Grèce, le pays le plus proche".
La durée de vie du T-shirt augmente avec la densité du maillage et se lit aussi dans les détails. Des coutures, doublées à la manche, à cinq fils au lieu d’un surjet simple dans l’ourlet du bas. Un biais doublant les coutures. Le T-shirt propre produit jusqu’à 1 000 T-shirts par semaine (40 000 en 2022) et 80 000 pièces toutes confondues par an. Et Fabien et Julien de saluer le travail de toutes les "petites mains" qui, au-delà de la technologie, œuvrent derrière.
Formation et recrutement
"S’il n’y avait personne sur les machines, rien de tout cela n’existerait. On dispose d’une super équipe. La formation et le recrutement, c’est la clé du process de fabrication". Après la découpe, le montage passe par une douzaine d’étapes (biais, colletage, épaules, manches, renforts, étiquette…).

Rien n’est jeté. Les chutes sont réutilisées et retravaillées. Certaines servant à réaliser des "tote bag" envoyés aux clients. "Même les étiquettes sont fabriquées en France. Elles sont en coton bio, tissées, coupées et imprimées en Haute-Loire". Avant de passer au contrôle qualité, le produit est repassé. "Chaque T-shirt est passé au peigne fin où l’ensemble des coutures, des mailles, les dimensions sont scrutées. Les produits non conformes et écartés sont donnés à des associations locales".
Objectif : "développer un vestiaire complet"
"Il y a deux ans, nous avons atteint notre objectif, c’est-à-dire concevoir un T-shirt le plus propre possible. On ne fera pas mieux au niveau impact environnemental. Notre nouveau défi, c’est de développer un vestiaire complet et d’habiller nos clients de la tête aux pieds, uniquement avec de la ressource locale".
En s’appuyant sur les matières avec lesquelles ils vont travailler : le lin bien sûr mais aussi la laine du mouton mérinos dans la région Paca. "Nous avons sorti le pull 100 % laine française cet hiver mais aussi un bonnet".
Redonner sa noblesse au vêtement
Cette éthique étiquette qu’ils sont fiers de coudre sur le T-shirt propre, Fabien et Julien veulent désormais "démocratiser au maximum l’initiative pour que la consommation locale et responsable redevienne la norme".
En soutenant la condition humaine. "Lorsqu’on a payé un T-shirt moins de 10 €, cela veut dire qu’il a coûté moins de 10 € à la fabrication". Et en redonnant sa noblesse au vêtement… "Notre ambition est que le T-shirt ne soit plus considéré comme l’assiette en plastique jetable de la mode…"
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