"Chacun donne ce qu'il veut" : la caisse de grève, le nerf de la guerre, exemple en Occitanie

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  • Les grillades alimentent les caisses pour les grévistes.
    Les grillades alimentent les caisses pour les grévistes. Midi Libre - GIACOMO ITALIANO
Publié le
Ludovic Trabuchet

Pour faire durer le mouvement, la solidarité s’organise pour les salariés grévistes partout en France. Reportage et éclairage avec un exemple, en Occitanie, dans l’Hérault.

Mardi 7 mars, sur les berges du Lez à Montpellier, dans l'Hérault, avant le début d’un nouveau défilé contre la réforme des retraites, un doux fumet de merguez fait frétiller les papilles. Le soir au Vigan, c’est hot-dogs au menu "pour réchauffer les cœurs", annonce une voix au micro alors que le ciel se fait menaçant.

"Le sandwich des manifestations joue un rôle"

Au-delà de l’image d’Épinal, le sandwich des manifestations joue un rôle… social. "Chacun donne ce qu’il veut en échange et ça vient alimenter la caisse de grève", traduit Fabienne, militante insoumise viganaise qui gère celle du jour. Ici, à chaque rendez-vous de contestation, on vend aussi des flambeaux pour 2 €. "Ça nous permet de réunir chaque fois autour de 500 €".

Et pour faire gonfler la cagnotte, des actions sont organisées depuis le début d’année. Mercredi, le film militant Debout les femmes de Gilles Perret a ainsi été projeté. "Le réalisateur a libéré les droits de ses films pour permettre l’organisation de soirées qui alimentent les caisses de grève. Chacun y donne selon ses moyens".

Les sommes récoltées sont ensuite redistribuées aux grévistes qui ont des difficultés à boucler les fins de mois à cause des retenues sur salaire pour jours non travaillés. Le principe est vieux comme Hérode, ou presque, puisque les premières caisses de solidarité sont apparues lors de la révolte de 1831 des canuts lyonnais, qui ont anticipé les pertes financières en mutualisant des fonds.

Avec la structuration des mouvements ouvriers, ces caisses se sont généralisées pour faire durer les contestations sociales dans le temps. Si elles ont connu un déclin au cours du XXe siècle, elles ont retrouvé de la vigueur vers 2010, aussi grâce aux réseaux sociaux qui facilitent leur organisation.

Jusqu’à 100 €

"Elles apparaissent d’autant plus nécessaires pour ce combat contre la réforme des retraites, dans ce contexte d’inflation et de salaires qui stagnent. Surtout avec un mouvement qui commence à s’installer dans le temps. Il est important que la perspective de perdre une journée de salaire ne freine pas la mobilisation", intervient Diane Arvieu, cosecrétaire du Snes-FSU 34.

Dans l’Éducation nationale, à l’échelle du département de l’Hérault, plusieurs caisses sont ouvertes. « Une première, gérée par le syndicat à destination des syndiqués. Une seconde, organisée par l’assemblée générale Éducation nationale 34 qui peut bénéficier à tous les personnels… Et de nombreuses autres dans chaque établissement ».
Dans tous les cas, c’est le salarié qui en fait la demande, en présentant ses bulletins de salaire pour prouver la perte de revenus.

"Un comité étudie ensuite chaque sollicitation, établit des priorités pour les personnels les plus précaires, et répartit la somme disponible", poursuit Diane Arvieu. Jusque-là, il n’y a pas eu un afflux de requêtes, "une seule, alors que la caisse du syndicat est bien remplie grâce aux dons de collègues retraités et que ça peut aller jusqu’à 100 €. Mais ce n’est pas facile de demander".

À Grabels, le personnel communal gréviste a pourtant pu ainsi compenser "l’équivalent de deux jours de salaires", relaye le maire LFI René Revol. Ce n’est pas lui qui l’a ouverte, ce sont les représentants syndicaux locaux, mais l’édile a abondé la caisse à hauteur de son indemnité de février. "Ma façon de soutenir le mouvement", dit-il, heureux que des citoyens « se soient spontanément présentés en mairie » pour apporter leur obole.

Comment donner ?

Des dons, on peut aussi en faire en ligne. Si chaque syndicat a sa caisse alimentée par les cotisations - avec un trésor de guerre actuel de 1 M€ à la CFDT -, la CGT en a ouvert une en 2016 à l’adresse www.caisse-solidarite.fr. Elle a depuis réuni 4,7 M€ et le montant disponible pour la campagne 2023 est de 885 000 €, somme qui peut bénéficier à tout salarié à condition d’avoir cumulé deux jours de grève consécutifs au minimum.

Parmi les donateurs, on trouve le vigneron gardois Paul Chabal, installé à Uzès. Hostile à la réforme, cet ancien militant très actif a trouvé sa façon de lutter : il a créé une cuvée spéciale “Caisse de grève” limitée à 200 bouteilles et vendues 15 € chacune. L’histoire ne dit pas en revanche si son vin se marie bien avec une merguez de la CGT.

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