Le RSA sous conditions expérimenté dans le bassin de Decazeville : les précisions du haut-commissaire à l'emploi en visite dans l'Aveyron

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  • Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises au ministère du Travail, sera en Aveyron ce lundi. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises au ministère du Travail, sera en Aveyron ce lundi.
    Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises au ministère du Travail, sera en Aveyron ce lundi. MAXPPP - Alexis Sciard
Publié le , mis à jour

Dans 19 départements, dont une partie de l'Aveyron, il faudra exercer 15 à 20 heures d'activité par semaine pour bénéficier du RSA. On vous explique comment va se dérouler l'expérimentation.

Lundi 13 mars 2023, le bassin de Decazeville va recevoir la visite de Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises au ministère du Travail. La raison : l'Aveyron fait partie des 19 départements pilotes où va être testée la mesure de RSA sous conditions.

On décrypte avec Thibaut Guilluy comment cette mesure va être mise en place, et pourquoi seule une partie du département sera concernée dans un premier temps.

En quoi va consister cette expérimentation, dont une partie de l'Aveyron est concernée ?

Le RSA a été mis en place en 1988, c'était le RMI : revenu minimal d'insertion. Sa vocation était de proposer un filet de sécurité pour donner les moyens aux personnes de s'inscrire dans une dynamique de retour à l'emploi et d'insertion. Mais année après année, on a collectivement désinvesti l'insertion. Et on ne donne pas les moyens, aujourd'hui, aux personnes allocataires du RSA d'être soutenus et accompagnés à la hauteur des besoins. 

Le rapport de la Cour des comptes l'a montré : en moyenne, c'est trois contacts par an pour un bénéficiaire du RSA, mails compris. Quand on a une recherche d'emploi, quand on a des problèmes de formation, quand on peut éventuellement avoir des problèmes de garde d'enfants - c'est le cas d'un petit 30 % des allocataires du RSA en Aveyron - eh bien, la question de l'accompagnement vers le retour à l'emploi ne peut pas se faire en trois clics.

Donc, la démarche, c'est de se demander : comment on va investir, j'ai envie de dire massivement, dans l'accompagnement personnalisé de chaque bénéficiaire du RSA. L'objectif (fixé par le ministre du Travail,- de l'Insertion et du Plein emploi, Olivier Dussopt) est que d'ici la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, il n'y ait plus un seul bénéficiaire du RSA qui ne soit pas accompagné avec tous les ingrédients pour s'en sortir.

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Quels genres de moyens vont être mis en place ?

Ça commence avec un référent de parcours. Une personne avec qui l'allocataire du RSA va pouvoir échanger, construire son parcours régulièrement avec des échanges quasi-hebdomadaires pour qu'ils puissent avancer en mettant au point des étapes. 

Donc, ça veut qu'au lieu d'avoir un conseiller pour 100, 200 voire 500 personnes suivies, l'expérimentation propose de renforcer le personnel pour avoir un ratio d'un conseiller pour 40-50 bénéficiaires. Ça va remettre au premier plan l'accompagnement humain, car on ne peut pas suivre des centaines de personnes à la fois, ce n'est pas possible.

Dans cette expérimentation, les allocataires du RSA doivent s'engager dans 15 à 20 heures d'activité par semaine. Qu'est-ce que ça implique ?

C'est le deuxième ingrédient, ces fameuses 15-20 heures qui ont souvent été caricaturées. On va le définir avec chaque personne, tous les jours de la semaine, et ces activités vont lui permettre de se rapprocher, peu à peu, de son projet et de son autonomie, et donc de l'emploi. Ça peut être un stage en entreprise, ça peut être des formations, passer un permis de conduire...

Mais ça peut être aussi de temps en temps, si la santé est un frein, de faire des démarches personnelles pour recouvrer ses droits à la santé... On peut proposer aux gens de se former s'il y a de l'illectronisme afin de maîtriser les compétences numériques... Et tout ça, c'est dans les 15 ou 20 heures. Le menu est large, car il doit s'adapter à chaque personne. 

Ça sera au référent, avec la personne, de construire un parcours intensif pour ne plus laisser les gens au bord de la route, comme c'est le cas aujourd'hui. Car 11 % des bénéficiaires du RSA se retrouvent aujourd'hui à l'emploi durable au bout de 7 ans. C'est une faillite collective. Eh bien, c'est à ça qu'on a envie de s'attaquer.

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Si les 15-20 heures ne sont pas respectées, qu'est-ce qu'il se passe ?

S'il a une formation par exemple, il faut bien qu'il soit présent. Et s'il ne vient pas, on ne va pas laisser faire. Ou s'il a une proposition d'emploi dans un domaine qui l'intéressait et qu'il n'en veut pas, il y a un problème aussi. Bien sûr, cette logique d'engagement doit aussi être respectée chez les employeurs.

Si ces heures ne sont pas respectées : en droit aujourd'hui, vous avez la possibilité de réduire l'allocation du RSA jusqu'à 80 % pour les bénéficiaires seuls, et jusqu'à 50 % pour les bénéficiaires dans un foyer avec plusieurs personnes. Et ça peut aller jusqu'à la radiation en dernier ressort. En cas de manquements, vous passez devant une équipe pluridisciplinaire qui va évaluer la situation, et le président du Département prendra une décision. Ça, c'est ce qu'il se passe aujourd'hui. Demain, ça n'a pas vocation à changer.

Simplement, vu que vous avez plus d'activité, vous avez plus de responsabilités. Quand on vous laisse tout seul, livré à vous-même, vous n'avez tristement de comptes à rendre qu'à vous-même. Demain, le bout de chemin devra se faire ensemble. L'objectif pour tout le monde, c'est que ça fonctionne, mais il y a un cadre. Il y a des règles du jeu. 

Vous savez, pendant 20 ans, je me suis occupé de l'insertion de personnes très éloignées de l'emploi : des personnes sans-abri, des personnes en situation de handicap, des femmes qui ont subi des violences, des réfugiés politiques... Donc, la difficulté, je la connais. Mais ce que je peux vous dire, c'est que le respect est quelque chose qui est dû à tout le monde. Et en demandant de l'exigence, c'est une marque respect et de reconnaissance. On veut remettre cette notion dans la politique du RSA.

Pourquoi l'Aveyron ?

L'Aveyron va donc faire partie de cette expérimentation. Quand va-t-elle commencer ?

19 départements ont été retenus, et oui, l'Aveyron a été choisi par les 45 candidats. Depuis plusieurs semaines, on travaille avec les services pour bâtir un projet de territoire. L'objectif, c'est de démarrer en avril.

Et il va falloir vite monter en puissance. Car vous avez des bénéficiaires du RSA qui viennent de s'inscrire, et d'autres qui sont là depuis 1, 5, 10 ans... L'objectif est d'apporter des réponses à 100 % des allocataires.

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C'est le bassin de Decazeville qui a été retenu, mais pas le reste du département. Des habitants se sont sentis stigmatisés et n'ont pas compris ce choix.

J'ai vu passer dans la presse ceux qui se demandaient pourquoi on prend tel territoire plutôt qu'un autre, mais c'est une critique absurde. On fait ça car on croit que pour faire du sur-mesure, c'est au niveau des bassins de vie et des bassins d'emploi que ça se passe. Régler un problème de logement ou de santé, ça se fait par la CPAM ou la maison de santé du coin, avec le maire, avec les associations... C'est la proximité qui permet d'organiser le rebond. A France Travail, on ne veut pas penser comme un politique de Paris, on construit sur un territoire. 

Bien sûr, à terme, ça sera tout l'Aveyron qui sera concerné, puisque ça sera aussi toute la France. Mais apprenons d'abord sur un premier territoire. Le plus vite on étendra le dispositif, le mieux ça sera. Mais parfois, à vouloir aller trop vite, on fait des choses normées qui ne fonctionnent pas. Là, on choisit la méthode du "ensemble, regardons comment ça peut fonctionner" et étendons-le ensuite. 

Ce n'est donc en rien stigmatiser un territoire que de l'avoir choisi, c'est au contraire un test au service du département. 

C'est le cas aussi dans d'autres départements ?

Oui, dans tous les départements à l'exception de la Creuse, on a retenu des bassins d'emploi, pour les mêmes raisons. 

Pourquoi avoir retenu l'Aveyron, qui est d'ailleurs le seul département d'Occitanie à faire partie de l'expérimentation ?

C'était important pour nous d'avoir des départements venant de toutes les régions de France. C'est un territoire rural et où il y a une vraie volonté politique de la part du Département. Puisqu'on est dans la co-construction des solutions, il faut bien des interlocuteurs qui ont envie de faire avancer l'avenir des allocataires du RSA. Le président du Département, Arnaud Viala, je peux vous dire, a été extrêmement motivé et convainquant. 

Il y a un certain nombre d'entreprises en Aveyron et un certain nombre de domaines qui ont des besoins d'emploi, donc cela nous semblait intéressant. 

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Recruter pour accompagner les 1 700 bénéficiaires de Decazeville

Il y a un budget de 20 millions d'euros au niveau national pour mettre en place cette expérimentation, à quoi va servir cet argent ?

L'insertion des bénéficiaires du RSA, c'est la compétence du Département. Mais dans cette réforme, on a envie de mettre en place un choc d'insertion, car depuis 30 ans il y a de plus en plus de bénéficiaires et les Départements ont de moins en moins de moyens en matière d'insertion.

Là, l'idée est que l'Etat vienne aux côtés du Département pour investir dans l'effort d'insertion. Car concrètement, pour accompagner les 1 771 allocataires du bassin d'emploi de Decazeville, il va bien falloir recruter des personnes ! 

C'est au Département, avec Pôle emploi et l'Etat, de discuter de la stratégie selon le territoire et ses problématiques. En tout cas, cet argent est donné au territoire lui-même pour pouvoir consolider les moyens d'accompagnement des personnes.

Visite du haut-commissaire ce lundi

Thibaut Guilluy sera en visite dans le bassin de Decazeville à la rencontre, le matin, avec une trentaine d'entreprises aveyronnaises avant un échange avec les insitutionnels. 

Le reste de la journée sera consacré à la visite d'un chantier d'insertion.

 

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Les commentaires (2)
Altair12 Il y a 1 année Le 13/03/2023 à 09:39

Il y a vraiment urgence à réformer ce RSA que les allocataires considèrent comme une rente à vie ! ! !

Rose-lyne Il y a 1 année Le 14/03/2023 à 07:12

C'est ben vrai ça!! distribuer une telle fortune sans conditions....