Réforme des retraites : Borne, LR, RN, Nupes... quelles sont les conséquences politiques du 49.3 ?

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  • Jusqu’à jeudi, les Insoumis ont joué la carte de la “bordélisation” de l’Assemblée. Un pari risqué.
    Jusqu’à jeudi, les Insoumis ont joué la carte de la “bordélisation” de l’Assemblée. Un pari risqué. MaxPPP
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Ludovic Trabuchet

Les trois mois de débats sur la réforme voulue par Emmanuel Macron, et surtout sa conclusion, ont abîmé de nombreux acteurs, à commencer par la Première ministre. D’autres en sortent renforcés.

1. Elisabeth Borne, fusible de Macron ?

Elle l’aurait dit elle-même, ce jeudi l16 mars lors d’une énième réunion à l’Élysée pour décider d’aller ou non au vote : Élisabeth Borne est "le fusible" du chef de l’État dans ce dossier électrique des réformes des retraites. Et son avenir est, en effet, désormais très incertain.

Dès lundi, elle devra affronter différentes motions de censures déposées par ses opposants. Ce n’est pas tant celles de LFI et du RN qui l’inquiéteront, celles-ci ne serviront que le jeu politique, comme ce fut le cas à l’automne, les uns ne votant pas pour celle des autres et vice-versa. En revanche, la motion déposée par le vétéran de l’Assemblée nationale, le centriste Charles de Courson, pourrait la mettre en danger. Membre du groupe indépendant Liot, parfaitement neutre, il n’aura aucun mal à rallier les voix de la Nupes et du RN. Soit, si tout le monde vote à l’unisson, 262 suffrages quand il en faut 287 pour obtenir une majorité. Si les LR récalcitrants vont au bout de leur démarche malgré les menaces d’exclusion, il en sera alors fini du gouvernement Borne.

Si la crainte d’une dissolution qui suivrait un tel coup de Trafalgar permet tout de même à la Première ministre de sauver son poste, elle n’en sera pas pour autant certaine de prolonger son bail à Matignon. Même certains ministres, dès jeudi, confiaient que l’échec que représente le passage en force par le 49.3 va rendre l’action du gouvernement très difficile. Trop ? Avant l’incendie, le fusible ne pourrait être qu’Élisabeth Borne. Elle serait alors restée en poste encore moins longtemps qu’Édith Cresson, démissionnaire le 2 avril 1992 au bout de 323 jours.

En cas de remaniement, des ministres semblent aussi menacés, certains plus que d’autres. Olivier Dussopt évidemment, qui a conduit le dossier des retraites. Ou ceux issus de la société civile, Éric Dupond-Moretti, François Braun et Pap Ndiaye qui, pour d’autres raisons, ne seraient plus dans les petits papiers du Président.

2. Vers l’implosion des Républicains ?

Au-delà d’Élisabeth Borne, le grand perdant de cette histoire pourrait être Éric Ciotti. Et avec lui, son parti Les Républicains. La formation de droite rêvait de peser à nouveau dans le débat politique, de faire la pluie et le beau temps en contribuant, par une majorité de circonstance, à l’adoption d’une réforme majeure qu’elle défend depuis des lustres. Raté. Certes, le recul de l’âge légal de départ à la retraite est entériné, mais par la force et cela parce que les LR n’ont pas réussi à tenir leurs troupes. Alors même que celles-ci sont devenues faméliques dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Peut-être l’échec de trop qui va de surcroît renforcer les fractures internes, donc amener à l’implosion. Il sera dur de s’en relever, surtout si une dissolution survient. De récents sondages ont révélé que les LR, aujourd’hui 61, perdraient encore plus de sièges.

3. Aurélien Pradié futur leader de LR ?

Il en est un tout de même, chez les Républicains, qui sort renforcé de cette bataille des retraites. Du moins, il a gagné en notoriété en s’imposant comme la clé de voûte de ces débats. Le Lotois Aurélien Pradié, candidat malheureux à la course à la présidence de LR cet hiver, depuis exclu de la direction du parti, a réussi à entraîner dans sa contestation une vingtaine d’autres députés. Il peut s’imposer comme le leader d’une droite "populaire", même s’il devra pour cela être patient. À court terme, il va surtout affronter une vague de critiques internes.

4. La stratégie Nupes validée ?

En off, un député LFI ne cachait pas, jeudi soir, sa satisfaction. "Certes la réforme est adoptée, mais en poussant l’exécutif au 49.3, on a tout de même obtenu une petite victoire." Celle d’avoir replacé la gauche au centre du jeu. Fantomatique pendant les cinq années du premier mandat d’Emmanuel Macron, elle a pesé à nouveau dans les débats. Et pas qu’un peu. Toutes les composantes de la Nupes ont par ailleurs tiré dans le même sens dans les moments stratégiques, ce qui peut valider le choix de l’alliance de juin dernier. Reste tout de même un écueil, et de taille, la forme. Beaucoup de Français retiendront aussi - et surtout ? -, la "bordélisation" de l’hémicycle par les Insoumis.

5. Le RN, grand gagnant de cette crise ?

Plus que la Nupes, le grand gagnant de la bataille des retraites pourrait d’ailleurs être le Rassemblement national. Fidèle à sa stratégie dans ce genre d’épisode, le parti de Marine Le Pen s’est fait discret dans les débats. Une opposition plutôt molle qui lui a permis de compter les points, sans dégrader son image.
Les sondages que différents médias ont commandés ces dernières semaines montrent d’ailleurs qu’en cas de dissolution, donc de nouvelles élections législatives, c’est bien le RN qui gagnerait des sièges au détriment de LR et de Renaissance. Pas assez, toutefois, pour obtenir une majorité absolue. Le pays n’en serait pas plus gouvernable.

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Les commentaires (1)
Altair12 Il y a 1 année Le 17/03/2023 à 08:24

Le gouvernement s'est totalement disqualifié en voulant imposer une réforme contre la volonté du peuple ; il en est de même pour les députés centristes et LR qui s'apprêtaient à la voter !
De Gaulle disait : "On ne peut rien faire contre la volonté du peuple" ! Tous ces gens l'on semble-t-il oublié !
Espérons à présent que les "représentants du peuple" (si on peut encore les nommer ainsi) voteront la motion de censure et sanctionneront ce gouvernement inique ! ! !