"Avec la stimulation magnétique transcrânienne, le cerveau réapprend à aller mieux" (Dr. Alexis Bourla, psychiatre)

  • La stimulation magnétique transcrânienne permettrait de traiter un certain nombre de maladies neuropsychiatriques, parmi lesquelles la dépression.
    La stimulation magnétique transcrânienne permettrait de traiter un certain nombre de maladies neuropsychiatriques, parmi lesquelles la dépression. metamorworks / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - La stimulation magnétique transcrânienne, la rTMS, est une méthode qui permet de traiter des patients atteints de dépression. Elle présente l'avantage d'entrainer très peu d'effets secondaires. De plus en plus de praticiens à travers le monde s'initient à cette thérapie innovante, comme le Dr Alexis Bourla. Psychiatre, spécialiste en neurostimulation et dépression résistante, à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, il nous explique la rTMS et son efficacité pour soigner la dépression.

Qu’est-ce que la stimulation magnétique transcrânienne, et comment fonctionne-t-elle ?

Il s’agit d’une technique thérapeutique destinée à traiter un certain nombre de maladies neuropsychiatriques, parmi lesquelles la dépression résistante, mais aussi les douleurs neuropathiques. C’est une technique de stimulation non invasive du cortex cérébral qui fonctionne à l’aide d’une bobine apposée sur la tête du patient et qui permet, grâce à un champ magnétique généré par cette bobine, de provoquer une excitation, ou au contraire une inhibition, de la zone cérébrale en regard.

Les impulsions magnétiques vont stimuler des zones du cerveau différentes en fonction de la pathologie concernée. La stimulation va entraîner la dépolarisation des neurones à différentes vitesses et aider la zone en question à mieux se "connecter" aux autres aires cérébrales. On redonne au cerveau le pouvoir de "calmer" et d’inhiber d’autres zones impliquées dans la pathologie grâce aux circuits neuronaux stimulés. La rTMS offre une nouvelle fenêtre sur le cerveau.

Quelles pathologies la rTMS traite-t-elle ?

Les deux indications approuvées dans la littérature internationale médicale sont la dépression résistante et les douleurs neuropathiques. La rTMS est traitée pour la dépression dans la majorité des pays développés, comme la France, Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie. Elle est aussi efficace pour traiter d'autres pathologies telles que les TOC, l’addiction au tabac (récemment autorisé aux Etats-Unis), le syndrome stress post-traumatique, les troubles anxieux, mais aussi la schizophrénie. En neurologie, de nombreuses études montrent l’intérêt de la technique pour d'autres types de douleurs, comme la fibromyalgie. Des essais sont en cours pour la maladie de Parkinson, et la maladie d’Alzheimer.

Précisément, comment la rTMS va agir sur le cerveau pour soigner la dépression résistante ?

La rTMS va remettre à la "normale" le fonctionnement du cerveau. Le cortex préfrontal est le "chef d’orchestre" du cerveau. Les aires cérébrales sont connectées les unes aux autres, et lorsque le cerveau fonctionne bien, cette zone du cortex va activer ou inhiber les autres aires à l’aide de projection de neurones. Dans le cas de la dépression, le système limbique (une zone en profondeur dans le cerveau) va dysfonctionner, générant angoisse, tristesse et autres symptômes. Quand on va bien, on est capable d’inhiber nos propres émotions négatives sans même s’en rendre compte. A l’inverse, en dépression, le cortex préfrontal n’en est plus capable. La rTMS va aider à libérer de la sérotonine, la dopamine et le GABA dans la circulation cérébrale au niveau des aires cérébrales concernées mais même à distance. Le cerveau retrouve sa capacité à se contrôler, et à gérer les émotions. Le cerveau réapprend à aller mieux.

Pouvons-nous mesurer l'efficacité de la rTMS sur les patients atteints de dépression?

Les études montrent qu’environ 60% des gens s’améliorent. Au terme de la cure, 30% sont en rémission et 30% en "réponse". On parle de "réponse" lorsque les symptômes des patients sont divisés par deux. Si le patient a bien répondu au traitement, ses symptômes s’atténuent progressivement, la tristesse se fait moindre, la concentration s’améliore, et il retrouve le sommeil. Le traitement a le plus souvent des effets progressifs, mais certains patients décrivent des effets plus rapides. Il est difficile de donner des chiffres exacts sur le nombre de personnes en France qui ont recours à la rTMS. On estime que plus de 100 centres la pratiquent, majoritairement des hôpitaux psychiatriques, CHU, des cliniques privées, centres hospitaliers non universitaires et des cabinets libéraux.

La rTMS est-elle adaptée à tout le monde ?

En France, la rTMS est seulement accessible aux patients adultes car le corps médical reste réticent pour la pratiquer sur les mineurs. Mais en Espagne, elle est utilisée pour traiter des enfants atteints du trouble du spectre autistique. En Angleterre, ils l’utilisent pour traiter les femmes enceintes qui souffrent de dépression car c’est un traitement qui a moins d’effets indésirables potentiels que les médicaments. La seule contre-indication formelle est le cas où les patients disposent d’implants métalliques intracrâniens, comme les personnes ayant un pacemaker. La rTMS est globalement très bien tolérée. Mais il peut tout de même arriver que des maux de tête, ainsi que de la fatigue apparaissent pendant la cure. Il existe un risque de crise d'épilepsie, rarissime cependant.

Combien de temps dure une cure de rTMS ?

Une cure de rTMS dure six semaines, avec en général une séance par jour. Pour la dépression, trente séances sont recommandées (donc six semaines de traitement), et on estime que les effets se ressentent au bout de quinze séances environ. Certains patients dits "répondeurs tardifs" ne ressentent les effets qu’entre la vingtième et la trentième séance, voire après la fin de la cure. Une séance dure généralement entre vingt et trente minutes, mais certains protocoles dits "Theta-Burst" permettent de faire des séances plus courtes (entre trois et dix minutes). Dans d’autres indications, la cure peut être plus courte (dix jours), par exemple pour les douleurs. Il existe également un protocole très intensif pendant cinq jours, que l’on appelle le protocole de Stanford, et qui commence à être proposé dans quelques centres très spécialisés en France.

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