Réforme des retraites : ces soignants de Decazeville abîmés par le travail ne s'imaginent pas travailler jusqu'à 64 ans

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  • Sylvie, 55 ans, à gauche, et Stéphanie, 48 ans, à droite.
    Sylvie, 55 ans, à gauche, et Stéphanie, 48 ans, à droite. La Dépêche du Midi - B. D.
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Béatrice Dillies

Il est un sujet dont on parle finalement peu avec la réforme des retraites, c'est celui de la pénibilité au travail. Nous avons sondé des habitants du bassin qui ont accepté d'en parler. Aujourd'hui, la parole est à Sylvie, aide-soignante, et à Stéphanie, ASH à l'hôpital de Decazeville.

"Dans ma tête, j'ai envie de continuer à faire le travail que j'aime. Mais si mon corps ne suit pas..." A 55 ans, Sylvie est perplexe. Aide soignante (AS) à l'hôpital de Decazeville depuis 1999, elle apprécie toujours autant le contact avec les patients, mais le projet de réforme des retraites l'a obligée à se projeter sur la suite.

"Même si je le voulais pour raison financière, je ne pourrai pas"

Bilan des courses : elle devrait avoir droit à une pension de 981 € par mois si elle s'arrête à 60 ans, 1273 € si elle s'arrête à 62 ans et 1619 € au mieux si elle s'arrête... à 67 ans. "J'ai commencé à travailler à 16 ans, mais je me suis arrêtée deux fois trois ans pour élever mes deux enfants et éviter les frais de nounou, explique Sylvie. Cela dit, 67 ans, c'est inconcevable. Même 64 ans. Même si je le voulais pour raison financière, je ne pourrai pas."

"Tous sensibles aux roubles musculosquelettiques"

Son métier, Sylvie en parle comme d'un travail de force. "On est tous sujet aux troubles musculosquelettiques, dit-elle. Il y a 9 ans, ça m'a coûté mes deux épaules. J'ai commencé par une périarthrite calcifiante et ça a fini par me bousiller les tendons. Après mon arrêt de travail, le médecin ne voulait pas que je reprenne. Je lui ai demandé si c'est lui qui allait payer mes factures et j'ai repris contre avis médical. J'ai aussi un pincement discal en bas du dos".

"On est spectateurs de la tristesse des gens, de la misère..."

"Je ne l'ai pas déclaré en accident du travail, mais j'ai fait ça en ramassant une patiente qui était tombée. Et je ne parle pas de la fatigue morale. Être confronté aux patients Alzheimer qui crient la nuit, aux patients qui décompensent, être face à la mort, c'est un stress. On est spectateur de la tristesse des gens, de la misère de certains patients aussi parfois."

Et ce stress peut avoir des conséquences. En juin 2022, Sylvie a fait un AIT (accident ischémique transitoire). Elle s'est arrêtée trois semaines et a repris le travail de nuit. "En journée, j'avais 22 de tension", soupire l'AS partagée entre son amour pour son travail et son envie de sauver sa peau. "J'aurais 10 ans de moins, j'aurais tout arrêté pour faire autre chose", finit-elle par avouer.

Trois hernies discales rédhibitoires

Un choix existentiel que Stéphanie a bien été obligée de faire après plusieurs années comme ASH (agent de services hospitaliers) faisant fonction d'AS. "Je suis rentrée à l'hôpital à 20 ans, en 1994. Dix ans après, j'ai commencé à avoir des douleurs au dos. J'ai serré les dents et j'ai continué. Mais à 35 ans, on m'a découvert trois hernies discales".

La médecine du travail m'a autorisé à reprendre le travail six mois après en me disant de pas porter de poids au-delà de 10 kg et d'éviter les mouvements en torsion. Mais rien n'a été prévu pour ça. Et j'ai continué à me péter le dos." Une dépression plus tard, l'hôpital a fini par lui proposer un reclassement dans l'administration. "Depuis, je revis", confie Stéphanie. "Je profite de mes repos. J'ai retrouvé mon corps."

Prendre leur retraite "en forme"

Il n'empêche, Sylvie et Stéphanie ont envie de prendre leur retraite "en forme", donc à un âge qui tienne compte de la pénibilité imposée par leur métier pendant tant d'années. Elles conviennent que le Ségur de la Santé et les diverses primes qui sont venues bonifier leur salaire ces dernières années ont rétabli une forme de justice, en lien avec leur investissement.

Aujourd'hui, Sylvie gagne 2000 € nets par mois et Stéphanie 1800 €. "Merci le Covid", sourient les deux employées de l'hôpital. Mais elles ne cotisent pas pour la retraite sur les primes et sont donc éligibles à de faibles pensions une fois leur carrière professionnelle terminée. Raison de plus selon elles pour tenir compte de la pénibilité au travail.

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Les commentaires (1)
Milsabords Il y a 1 année Le 21/03/2023 à 17:09

A part nos sénateurs, qui s'imagine travailler en bonne santé jusqu'à 64 ans ? Les prétendues économies seront vite englouties par la sécu dans le surcoût généré par toutes les pathologies plus ou moins handicapantes qui apparaissent vers la soixantaine nuisant gravement à la productivité de l'individu ...