INTERVIEW. Maison d’arrêt de Druelle : pourquoi l'établissement est resté un "modèle" ?
Représentante des avocats aveyronnais, Marie-Pascale Puech-Fabié a récemment fait valoir son droit de visite des lieux de privation de liberté à la maison d’arrêt de Druelle. Et loin des critiques récurrentes, elle assure que l’établissement est resté "modèle". Entretien.
Depuis la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire promulguée en 2021, les bâtonniers ont accès aux lieux de privation de liberté, à l’instar des parlementaires. Vous avez récemment fait valoir ce droit de visite à la maison d’arrêt de Druelle. Pourquoi cela ?
Tout d’abord, il faut saluer cette loi, c’est une véritable avancée qu’on doit au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. C’est un prolongement des droits de la défense, nous sommes au cœur de la problématique des conditions de détention et il est important de connaître l’environnement dans lequel évoluent certains de nos clients. Jusqu’alors, nous n’avions accès qu’à des lieux limités comme les parloirs ou les commissions de discipline.
Présenté comme modèle à son inauguration en 2013, l’établissement souffre depuis plusieurs années de nombreuses critiques : surpopulation dite "endémique", matelas au sol, colère des surveillants, agressions en hausse…
C’est justement par rapport à toutes ces critiques que j’avais hâte de voir l’intérieur de cette maison d’arrêt. Je m’attendais même au pire ! Et je ne vous cache pas qu’en ressortant de ma visite, je présenterai toujours cette prison comme modèle. Certes, il y avait 133 détenus pour 130 places, mais on est loin des chiffres alarmistes d’autres établissements. Ne noircissons pas le tableau, cette maison d’arrêt n’a rien à voir avec d’autres centres de détention de la région et de l’Hexagone dans lesquels les conditions sont indignes… Les détenus le disent eux-mêmes d’ailleurs : deux d’entre eux m’ont confié qu’ils avaient fréquenté d’autres établissements et que pour rien au monde, ils aimeraient quitter Druelle !
Qu’est-ce qui différencie cette maison d’arrêt de ces autres établissements pénitentiaires, régulièrement pointés du doigt pour des conditions de détention indignes, selon vous ?
J’ai tout d’abord été frappé par la propreté des lieux. Je n’ai vu aucun nuisible, comme ailleurs, les communs et les cellules sont très bien entretenus, il n’y a pas de dégradations… Puis, une autre chose frappante est l’ambiance bon enfant qu’il y règne. En général, lorsque vous entrez dans une prison, il règne un brouhaha, on entend des détenus crier, insulter. Ici, tout était calme. On est vraiment loin de l’idée que je m’en faisais ou que certains s’en font.
J’ai également été surprise par le suivi médical des détenus, surtout lorsqu’on connaît les difficultés pour se faire soigner à Rodez. À la prison, il y a deux infirmières en permanence, un médecin urgentiste le matin, deux psychiatres qui interviennent deux fois par semaine, un dentiste tous les vendredis après-midi, une psychologue… Et dans l’unité médicale, tous les équipements sont modernes. C’est également le cas ailleurs, dans les salles de classe, où les formations supérieures sont très prisées, dans les ateliers, où 20 détenus travaillent quotidiennement, dans l’unité de vie familiale où les détenus peuvent recevoir leur famille, leurs enfants durant plusieurs jours…
"Les surveillants mériteraient d'être plus nombreux"
N’existe-t-il pas une certaine dichotomie à parler positivement d’un lieu de privation de liberté…
En France, je dois effectivement l’une des rares représentantes des avocats à parler aussi bien d’une prison ! Mais comme je l’ai dit, cela ne sert à rien de noircir le tableau. Ce qu’il se fait à Druelle doit être mis en avant, car on pourrait le généraliser ailleurs. Cela offre davantage de perspective de réinsertion pour les détenus que lorsqu’ils sont enfermés dans ce qu’ils appellent "les jungles"…
Régulièrement, les représentants syndicaux des surveillants pénitentiaires pointent du doigt le fait que de nombreux détenus effectuant des longues peines sont incarcérés dans la maison d’arrêt, initialement prévue pour des petites peines…
Effectivement, j’ai entendu cela et il y a des détenus en attente d’un jugement criminel ou qui purgent de longues peines. Mais durant ma visite, de plusieurs heures, je ne me suis jamais senti en danger ! Ce qui est quand même rare si l’on compare à d’autres établissements avec des détenus particulièrement agités. Ce qui m’a davantage frappée à Druelle, c’est le jeune âge des détenus. La moitié d’entre eux ont entre 18 et 25 ans…
S’il y a un point à améliorer dans cette maison d’arrêt, lequel serait-il ?
C’est difficile de répondre. Ma sensibilité écologique me ferait peut-être dire qu’il y a des choses à travailler en termes d’économie d’énergie car dans toutes les cellules vides, les lumières, les télévisions, les radios étaient allumés… Mais ça, c’est presque du détail j’ai envie de dire.
En revanche, comme ailleurs, les surveillants mériteraient d’être plus nombreux, mais le problème de recrutement dans l’administration pénitentiaire est davantage national que local.
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