Réforme des retraites : comment Emmanuel Macron peut-il sortir de la crise ?

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    Emmanuel Macron va-t-il faire le dos rond ? MAXPPP
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Christelle Bertrand

La Première ministre Elisabeth Borne devrait prendre la parole en début de semaine prochaine.

"Puisque dissoudre ou remanier ne servirait à rien et qu’il ne veut pas de référendum, il a les mains vides, Emmanuel Macron est nu. Donc la seule chose qu’il peut faire, c’est continuer. " Ainsi parlait, ce vendredi 24 mars, un chercheur souvent reçu à l’Élysée. Alors que la colère a redoublé,la veille, dans les rues des villes de France, que les relations diplomatiques du pays commencent à en souffrir, dans les cercles du pouvoir, on semble démuni. Personne ne sait ce que pourrait, à court terme, dire ou faire le Président afin d’apaiser les tensions.

Lui-même vendredi, lors de son intervention à Bruxelles, n’a ouvert aucune porte, affirmant : "Il y a sur la réforme des retraites un chemin démocratique qui doit se poursuivre, c’est le travail du Conseil constitutionnel et sa décision." Le Président n’entend donc rien faire avant cela.

"Il ne reparlera pas à moins qu’il se passe quelque chose de grave. Ça n’est pas une intervention politique qui va calmer les jeunes qui mettent le feu. On compte donc sur un retournement de l’opinion publique. Quant aux manifestants pacifistes, ils vont peu à peu rentrer chez eux. On fait donc le dos rond, c’est une sorte de guerre des nerfs qui commence", nous explique-t-on dans un ministère.

"Ne rien faire, c’est un pari risqué"

"Ne rien faire, c’est un pari risqué car s’il ne marche pas la seule porte de sortie qu’il restera au Président sera de ne pas promulguer la loi. Et même si ce pari réussit cela provoquera un ressentiment social énorme qui profitera inévitablement au RN", assure notre chercheur. " Le risque, c’est que la rue lui impose ses choix politiques à venir. Si ça continue à mal se passer dans trois semaines, que fera-t-il ? Il peut se voir imposer une dissolution qui renforcera le RN", s’inquiète un député Modem.

Certains pensent que c’est à Élisabeth Borne d’intervenir. "La question qui se pose à nous aujourd’hui c’est comment occuper l’espace médiatique, comment éviter que l’on ne parle que des manifestations. La Première ministre aurait dû prendre la parole très vite pour refixer les priorités. Elle doit le faire en début de semaine prochaine", nous assure un conseiller. En outre, l’Élysée a demandé à tous les ministres de tenter de mettre de nouveaux sujets dans l’atmosphère afin de faire diversion.

Mais si l’Élysée, les ministres et la majorité ont peu d’idées pour agir à court terme, tout le monde réfléchit aux meilleurs moyens de rebondir lorsque l’orage sera passé. " Il y aura des leçons à tirer sur le fond et sur la forme. On devra mener une politique plus sociale et plus rurale", nous affirme un député qui ajoute : "Il nous faudra des objets qui prennent en compte le rapport au travail et particulièrement aux métiers pénibles. La loi Grand âge devra être mise en avant et, concernant les retraites, on pourrait proposer un rendez-vous tous les cinq ans."

Du côté des cadres de Renaissance, on fourmille aussi d’idées : "On pourrait cocontruire l’agenda parlementaire avec les groupes qui veulent bien travailler avec nous parce que jusqu’à présent on leur a seulement demandé de voter ce qui était dans le programme du Président. Désormais on pourrait discuter avec eux en amont, leur demander ce que sont leurs lignes jaunes", imagine l’un d’eux.

À court terme, en tout cas, la situation semble bel et bien figée du côté de l’Élysée qui, vendredi, n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Emmanuel Macron, qui a prévu de reprendre la parole dans trois semaines, semble résolu à laisser les forces de l’ordre gérer la crise. "Durant les "gilets jaunes", le pouvoir n’a réagi que quand les manifestants se sont approchés de l’Élysée et que l’on a demandé à tous les ministères de détruire les documents sensibles. Si on en arrive là, le parti de l’ordre ce sera fini", assure un visiteur du soir suggérant ainsi que le Président ne négocie que lorsqu’il y est réellement contraint.

"L’usage excessif de la force" par la police pointé du doigt

La préfecture de Police de Paris a annoncé, vendredi, une saisine de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), après la diffusion d’un enregistrement audio par Le Monde et Loopsider.

On y entend plusieurs policiers des brigades de répression de l’action violente motorisées, (BRAV-M) tenir des propos menaçants et insultants à l’égard de manifestants, dont l’un semble recevoir des claques. "Ces propos sont inacceptables", a reconnu le préfet de police, Laurent Nuñez. "Nous soutenons les policiers, ce qu’ils font en ce moment est remarquable, mais nous exigeons une déontologie qui soit irréprochable", a-t-il ajouté.

Le Conseil de l’Europe a pointé, lui, "l’usage excessif de la force" envers les manifestants. À l’issue des heurts jeudi avec les forces de l’ordre, 457 interpellations ont eu lieu en France et 441 policiers et gendarmes ont été blessés, a indiqué vendredi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

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