Dans les Landes, réutiliser les eaux usées pour anticiper les sécheresses

  • Mais "placer la barre trop haut" pourrait compromettre financièrement ces projets, s'inquiète la FDSEA.
    Mais "placer la barre trop haut" pourrait compromettre financièrement ces projets, s'inquiète la FDSEA. GAIZKA IROZ / AFP
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ETX Daily Up

(AFP) - Dans les Landes, des eaux usées alimentent depuis cinq ans l'irrigation de cultures agricoles, un exemple de "réutilisation" encore rare en France mais qui pourrait se développer pour économiser la ressource.

Lorsque l'agglomération de Mont-de-Marsan (54.000 habitants) a récupéré, en 2007, la gestion d'un réseau géothermique pour chauffer une partie des bâtiments publics et de la base militaire locale, ces eaux "pures" mais atteignant naturellement 40°C étaient rejetées à la rivière une fois utilisées.

La pratique ayant été interdite depuis, car dangereuse pour la vie aquatique, il a fallu trouver une autre solution.

Entre les projets "poudre aux yeux" de récupérer cette eau pour l'arrosage des golfs ou le nettoyage de la voirie, et ceux "très couteux" et "sans garantie de succès" de la réinjecter dans le sous-sol, l'agglomération landaise a opté depuis 2017 sur une réutilisation pour irriguer les cultures, explique Patrice Marboutin, directeur "cycle de l'eau" de la collectivité.

Ce projet de 2,5 millions d'euros financé à 60% par des fonds publics, dont ceux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), a été soutenu par l'ensemble des syndicats agricoles, sans contestation majeure des défenseurs de l'environnement.

- Garanties -

"On conserve la géothermie pour les urbains, on sécurise les agriculteurs et on protège l'environnement, le projet coche toutes les cases", estime Julien Rabe, chargé de la gestion de l'eau à la Chambre d'agriculture, devant un vaste cratère creusé dans un ancien champ de maïs de six hectares et recouvert d'une bâche géotextile.

Ce réservoir stocke 300.000 m3 d'eaux usées et les restitue à trois agriculteurs qui, en échange, ne prélèvent plus rien alentour et entretiennent le réseau de canalisation et les pompes.

Pour Jacques Labarchède, exploitant de 59 ans relié à l'ouvrage, "c'est une grosse épée de Damoclès de moins sur la tête", alors que les sécheresses, comme celle de 2022 qui a anéanti "60% des productions" chez ses voisins, et les restrictions d'irrigation menacent de se répéter à l'avenir avec le changement climatique.

Cette "eau sécurisée" lui permet de semer tournesol, soja et maïs en "cultures sous contrat", garanties et rémunératrices, et de consolider l'avenir de sa ferme à l'heure où le renouvellement des générations inquiète la profession, explique-t-il.

La réutilisation des eaux géo-thermales "a servi d'exemple", poursuit M. Rabe : la Chambre d'agriculture et les pouvoirs publics locaux ont d'autres projets en lien avec des stations d'épuration. Le plus avancé vise à acheminer, en 2026, les eaux retraitées d'une installation de Mont-de-Marsan vers une centaine d'agriculteurs afin qu'ils ne pompent plus dans une rivière à l'est de la ville.

- Très chère eau -

En France, moins de 1% des eaux usées sont directement réutilisées, le reste étant rejeté dans les cours d'eau, alimentant leur débit tout en s'y diluant. Développer la "réut'", selon le jargon des experts, est une piste étudiée par le gouvernement dans le cadre de son futur "plan eau".

Pour être déployé, ce procédé "ne doit pas avoir de conséquences sur la santé publique, ni le débit des cours d'eau", relève Bernard Barraqué, directeur de recherches émérite au CNRS, et spécialiste de la gestion publique de l'eau.

Sébastien Loubier, économiste de l'eau à l'Inrae, considère que le rejet des eaux usées dans les cours d'eau constitue, déjà, une forme de réemploi et que bâtir un réseau de distribution ad hoc serait trop onéreux : la "réut'" ne doit être envisagée selon lui "qu'au cas par cas" ou pour des situations d'urgence, "quand on a le nez dans le mur".

Mais "si demain on n'a plus d'eau, on ira chercher des ressources bien plus profondes et ça coûtera aussi des millions", rétorque Patrice Marboutin à l'appui de son projet de réutilisation des eaux de la station d'épuration montoise à des fins d'irrigation, évalué à 20 millions d'euros.

Chez les agriculteurs landais, le Modef, syndicat minoritaire, réclame "des garanties" sur la qualité de l'eau retraitée pour la réutiliser en maraîchage ou en agriculture bio. Mais "placer la barre trop haut" pourrait compromettre financièrement ces projets, s'inquiète la FDSEA.

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