DOSSIER (1/4). Immobilier en Aveyron : le marché a atteint son sommet sur l’Aubrac, après l'embellie, l'accalmie

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  • Yann Fraysse, à la tête de l'agence Nord-Aveyron Immobilier qui envisage de déménager agrandir son agence de Laguiole.
    Yann Fraysse, à la tête de l'agence Nord-Aveyron Immobilier qui envisage de déménager agrandir son agence de Laguiole. Centre Presse Aveyron - O. C.
Publié le , mis à jour

Le retour à la campagne entamé depuis une décennie et amplifié avec le Covid retombe sur le Nord-Aveyron comme partout ailleurs à cause des taux élevés du crédit et de l’inflation. Si les Aveyronnais de Paris représentent encore 10 % des transactions, la clientèle venue du Sud s’empare du marché. L’axe Bozouls-Espalion-Laguiole est toujours largement plébiscité pour s’installer. L’Aubrac est tendance au point même d’alimenter le rêve chimérique de s’offrir un buron sur le plateau. Or, l’offre est moindre que la demande et surtout, le prix freine les acquisitions comme les rénovations.

L’embellie touche à sa fin sur Espalion et le Nord-Aveyron. "Nous avons senti un gros ralentissement sur le dernier trimestre 2022 avec des ventes divisées par deux", fait remarquer Anthony Baruchello, directeur d’agence Laforêt à Laguiole. Un constat qui découle de multiples facteurs : crédit au taux élevé, inflation, incertitude liée au contexte international. In fine, les coûts ont augmenté de 10 à 15 %. Toutefois, il convient de rester mesuré. "Le marché espalionnais reste très stable. On ne tient pas les biens. Le problème vient du coût de la rénovation qui fait réfléchir les clients. Désormais, ils consultent au compte-goutte les corps de métiers, maçon, couvreur, pour se lancer ou non dans une restauration", explique Fabien Conquet, en charge des transactions au sein de Nord-Aveyron Immobilier depuis 2004. Autant dire qu’il a vu l’évolution du marché. La crise de 2008 à 2012, suivi du retour à la campagne. "On sent qu’on est à un sommet car les crédits flambent. Les gens se questionnent."

L’emballement du Covid

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. La crise du Covid a suscité un afflux dans la campagne qui aujourd’hui s’essouffle. L’axe Bozouls, Espalion, Laguiole garde toutefois la cote. "Le marché est extrêmement porteur depuis 2016 avec des taux bas, accentué avec le Covid. Un rendez-vous le matin à Mur-de-Barrez, l’après-midi à Saint-Chély, le Covid a été très porteur avec une douzaine de ventes par mois", confie Anthony Baruchello qui a eu du nez en ouvrant l’agence laguiolaise en 2019, soit juste avant le Covid. "C’était un coup de poker. Maintenant, il faut trouver des négociateurs." Pour cette raison, ce dernier est en phase de restructuration de son équipe à l’agence de Laguiole. Et il n’est pas le seul à sentir le vent tourner puisque Nord-Aveyron Immobilier qui compte quatre bureaux (Espalion, Laguiole, Saint-Geniez, Séverac), deux vitrines (Entraygues et Sainte-Geneviève) s’apprête à déménager et agrandir son agence de Laguiole.

"Laguiole, c’est mythique"

Laguiole, nerf de la guerre, donc. "Laguiole c’est mythique", dit en ce sens Fabien Conquet. Un mythe entretenu par quelques familles qui font monter le marché au risque de ne pas être à la portée de toutes les bourses. Ce que déplore Anthony Baruchello : "Il y a très peu de vente à Laguiole car c’est extrêmement coté. Qui peut se payer à Laguiole 300 000 € les 100 m2 ? Les gens veulent être sur l’Aubrac, certains disent encore : Je veux acheter un buron, c’est surréaliste. Laguiole pourrait s’ouvrir s’il y avait plus de terrains, ce qui est un comble à Laguiole. Des villages comme Soulages-Bonneval ont anticipé en proposant des lotissements. Laguiole a un projet qu’on entend parler depuis des années, le village se rend compte de la réalité au dernier moment et les gens gueulent car ils ne peuvent pas construire. C’est très problématique car il y a une économie à Laguiole et les employés ne peuvent pas y habiter. Du coup, les gens s’installent à Espalion."

Rénovation trop cher

Un frein qui ne risque pas de relancer le marché au vu de la conjoncture et de l’annonce du futur plan local d’urbanisme intercommunal (Plui) avec la lutte contre l’étalement urbain visant à inciter la restauration. Or, le coût est exorbitant, le prix au mètre carré ayant doublé. Sans parler de la vétusté des biens immobiliers. Le centre bourg de Mur-de-Barrez en a encore vu les effets le Noël dernier avec une chute de cheminée, heureusement sans danger. "Les constructions sont à l’arrêt, on va le ressentir dans les prochains mois", glisse un conducteur de travaux qui, actuellement, mène encore de front une soixantaine de chantiers. Les agences se restructurent, les constructeurs s’adaptent.
Après l’embellie, l’accalmie, donc. Celle-ci reste profitable au territoire qui poursuit à dose homéopathique son regain à la campagne. "Les gens du Sud ont beaucoup acheté et nous avons aussi beaucoup de Ruthénois qui achètent une résidence secondaire. Ils veulent souffler et se mettre au vert." Cela équilibre le départ des Nord-Aveyronnais qui se rapprochent de Rodez pour la santé et les services. Le marché se tend mais Fabien Conquet qui a le recul, a constaté un triplement des transactions depuis son arrivée en 2004 et aujourd’hui.
 

Ce n’est plus l’Eldorado pour les Parisiens

L’acquisition l’an dernier du château d’Entraygues (photo ci-dessous) par la famille Costes représente l’arbre qui cache la forêt. Les Aveyronnais de Paris constituent aujourd’hui 10 % des transactions sur le Nord-Aveyron. "Ce sont les dernières années des Aveyronnais de Paris. Il est difficile d’imposer à son enfant de venir en Aveyron. Les jeunes, y compris 30-50 ans, vont à l’étranger. Le rituel de passer l’été en Aveyron est fini. Le problème d’accessibilité dans notre région constitue aussi un frein", explique Anthony Baruchello, directeur de l’agence immobilière Laforêt à Laguiole, (en photo ci-dessous avec son équipe.) "L’enfant Parisien qui veut garder la maison natale sur l’Aubrac, c’est moins le cas", ajoute en ce sens Fabien Conquet, de l’agence Nord-Aveyron Immobilier. Le retour de Jean Delmas, ancien brasseur à Paris, revenu au pays, et actuellement maire de Lacroix-Barrez, en est un exemple. Sur ces trois enfants, seul un fils a fait le choix de revenir en Aveyron. Il reprendrait d’ailleurs la restauration du centre Azuréva fermé à Brommat. Les affaires restent les affaires. Mais cela est désormais à la marge. L’Aveyron n’est plus l’Eldorado pour les Parisiens. Cela ne l’est plus aussi pour les étrangers. La clientèle étrangère a déserté le plateau. Quelques Belges et Hollandais s’installent mais ce n’est pas significatif. Loin, en comparaison, du débarquement des Anglais. Le départ de ces derniers s’est évidemment accentué avec le Brexit.

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