Fermeture des petites maternités : à Decazeville, cinq ans après, "les femmes sont en danger"

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  • La fermeture de la maternité à Decazeville a provoqué de nombreuses manifestations et de vives contestations.
    La fermeture de la maternité à Decazeville a provoqué de nombreuses manifestations et de vives contestations. La Dépêche du Midi - BHSP
Publié le , mis à jour
Adrien Valette

À l'aune d'un récent rapport préconisant la fermeture des petites maternités françaises, nombreuses sont les réactions d'angoisses et d'inquiétudes dans un contexte où beaucoup de maternités ont fermé ou sont menacées de fermeture. Immersion et réactions à Decazeville, en Aveyron, où la fermeture de la maternité en juillet 2017 met en exergue un enjeu de prime importance : la lutte contre les déserts médicaux.

Les petites maternités doivent-elles fermer ? C’est ce que préconise le rapport choc du professeur Yves Ville, grand nom de l’obstétrique, chef de service à l’hôpital Necker de Paris. Des préconisations qui, à l’aune d’un contexte marqué par le manque de personnel, suscitent colère et inquiétude. Conséquence des fermetures ? L’indéniable allongement du temps de trajet vers la maternité pour les femmes enceintes, notamment en milieu rural.

Plus d'accouchements depuis 2017

Au cœur d’un ancien bassin minier, située à environ 40 kilomètres au nord-ouest de Rodez, la maternité de Decazeville n'est plus autorisée à pratiquer des accouchements depuis 2017. Elle est depuis transformée en Centre périnatal de proximité (CPP).

Le maintien des petites maternités, celles qui font naître moins de 1 000 bébés par an, est "illusoire", selon les propos du professeur Yves Ville. "Seulement, en 2017, la maternité de Decazeville était déjà sur la sellette. Il fallait procéder à plus de 300 accouchements. Aujourd'hui, la barre est fixée à 1 000. Quelle sera la prochaine étape", fustige Pascal Mazet, aide-soignant au centre hospitalier de Decazeville, secrétaire départemental CGT Santé et conseiller régional PCF.

Faut-il alors sacrifier une centaine d'établissements comme le propose Yves Ville ? Pas question, assure-t-il : "Le suivi avant et après grossesse y serait toujours assuré mais les femmes n’y accoucheraient plus".

Le problème majeur concerne la formation des gynécologues et des sages-femmes

"Faux", rétorque Pascal Mazet. Aucune femme n’est revenue à Decazeville. Accoucher dans le grand centre avant de repartir dans la petite maternité n’a aucun sens. C’est simplement pour nous faire avaler la pilule", gronde-t-il. Et d'insister : "Le problème majeur concerne la formation des gynécologues et des sages-femmes. Problème vieux de 30 ans et qui n’a toujours pas été résolu". Faute de blouses blanches, plus de 30 % des maternités en France ont fermé en 20 ans.

À Decazeville, la fermeture de la maternité "pose un problème d’accès aux soins", assure Jean-Marie Couderc, membre de Tous Ensemble, collectif rassemblant tout à la fois élus et syndicats locaux unis pour la défense des services publics. "Depuis 2017, les femmes enceintes doivent se déplacer à Rodez, Villefranche-de-Rouergue, Aurillac ou Cahors. La maternité de Figeac étant elle aussi fermée. On peut aujourd’hui parler de désert médical pour les femmes enceintes. Beaucoup d’accouchements se font dans les camions de pompiers ou à la maison", assure-t-il. "Les femmes sont tout simplement en danger", s’insurge Pascal Mazet.

"J’espérais juste arriver à temps à la maternité"

"J’ai trois enfants. Les deux premiers sont nés à Decazeville et pour mon dernier, j’ai dû aller accoucher à Rodez", explique Émilie. Pour cette jeune maman, l’absence d’une maternité à proximité de chez elle a été une source de stress. "Ma préoccupation principale a été de savoir si j’aurais le temps d’arriver jusqu’à la maternité de Rodez. J’espérais juste arriver à temps à la maternité. J’ai stressé pendant 9 mois", avoue-t-elle.

Un stress qui, ipso facto, se répercute sur l’entourage qui, lui aussi, subit l'inévitable l’allongement du temps de trajet. "J’ai accouché à Decazeville en 2012, puis en 2016, quelques mois avant sa fermeture et la qualité des soins était pourtant exemplaire", assure la jeune maman qui poursuit : "Beaucoup de femmes ici dans le bassin accouchent chez elles ou dans le camion de pompier. Personnellement, pour mon troisième enfant, j’ai eu du faux travail pendant trois jours, j’ai donc été pris en charge suffisamment tôt, mais le travail en lui-même a duré à peine 20 minutes. Ça aurait très bien pu m’arriver…", réalise-t-elle.

Et ce n'est certainement pas Céline*, sage-femme au sein du CCP à Decazeville qui va dire le contraire : "Toutes les semaines, on assiste à des accouchements sur la route. C’est malheureusement fréquent".

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