Réforme des retraites : le gouvernement refuse la "médiation" demandée par les syndicats

  • Toujours pas de compromis entre les syndicats et le gouvernement.
    Toujours pas de compromis entre les syndicats et le gouvernement. Centre Presse Aveyron - Mathieu Roualdès
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Nicolas Drusian avec Reuters

Le torchon brûle toujours entre la tête de l'Etat et les organisations syndicales, en ce dixième jour de mobilisation contre la réforme des retraites.

Le gouvernement français a provoqué la colère des syndicats en rejetant abruptement leur demande de "pause" de la réforme des retraites le temps de mener à bien une "médiation", alors que les Français sont de retour dans la rue mardi 28 mars 2023 pour une dixième journée de mobilisation qui fait craindre une nouvelle déferlante de violences.

Après les violents affrontements qui ont marqué la précédente journée de manifestations, jeudi, mais aussi un rassemblement contre une "méga-bassine" ce week-end à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), l'intersyndicale n'entend pas relâcher la pression sur l'exécutif. Invité mardi matin sur France Inter, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé l'exécutif à un "geste fort", une "pause" de la réforme.

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"Il y a une profonde contestation. Ce serait une folie de la part de ceux qui nous gouvernent de ne pas prendre le temps de temporiser", a déclaré le dirigeant du syndicat réformiste, qui a confirmé avoir eu l'Elysée au téléphone la semaine dernière. "Il faut qu'on rentre dans un processus de médiation. Il faut qu'on mette sur pause la mesure" de relèvement de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, a-t-il plaidé, précisant s'exprimer au nom de l'intersyndicale.

Le secrétaire général sortant de la CGT, Philippe Martinez, a confirmé au départ d'une manifestation à Clermont-Ferrand que l'ensemble des syndicats étaient sur la même ligne, ajoutant que l'intersyndicale allait formuler cette proposition par écrit au président Emmanuel Macron.

L'exécutif joue la montre

Cette proposition a été bien accueillie par les élus du parti centriste MoDem, membre de la coalition gouvernementale, mais elle a été presque aussitôt repoussée par le porte-parole du gouvernement. "Nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'avoir une médiation quand on peut se parler directement", a déclaré Olivier Véran à la sortie du conseil des ministres.

Emmanuel Macron s'est dit vendredi disposé à recevoir l'intersyndicale pour discuter de sujets liés au travail, mais pas des retraites, une fois que le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur le texte de loi, position qu'a réitérée mardi le porte-parole du gouvernement. "Nous proposons de discuter pour avancer, non pas pour revenir en arrière sur une loi qui vient d'être adoptée", a asséné Olivier Véran.

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Cette nouvelle fin de non-recevoir, après le refus d'Emmanuel Macron d'inviter les syndicats pendant que le projet de loi suivait son parcours parlementaire, a provoqué la colère de Laurent Berger. "C'est insupportable que la réponse soit une fin de non-recevoir", a tempêté le leader de la CFDT avant le départ de la manifestation parisienne. "On ne peut pas dire qu'on nous tend la main", a-t-il déploré.

Commentant l'intransigeance du gouvernement, le député Charles de Courson, membre du groupe parlementaire Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), à l'origine de la motion de censure qui n'a été rejetée que pour neuf voix la semaine dernière à l'Assemblée nationale, l'a invité à sortir de sa bulle. "Ceux qui dans la majorité tablent sur un pourrissement de la situation devraient méditer sur ce qui se passe en Israël", a-t-il cinglé, après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a dû se résoudre lundi à mettre en pause sa très contestée réforme de la justice après de gigantesques manifestations.

Fortes perturbations

L'unité historiquement exceptionnelle de l'intersyndicale, qui réunit les huit principaux syndicats de travailleurs et cinq organisations de jeunesse, ne donne pour le moment aucun signe de faiblesse, malgré le durcissement du mouvement dont les deux camps se rejettent la responsabilité. Alors que les opérations coup de poing, blocages, barrages filtrants et manifestations non déclarées se multiplient depuis le recours du gouvernement à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter son projet de loi sans vote à l'Assemblée nationale il y a bientôt deux semaines, il semblait y avoir moins de monde dans la rue ce mardi, par rapport à jeudi, de l'aveu même des responsables syndicaux.

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En revanche, les perturbations dues aux grèves restaient importantes dans les transports, l'éducation, la collecte des ordures et surtout l'énergie. Six des sept raffineries de pétrole françaises étaient ainsi à l'arrêt ou en fonctionnement réduit lundi soir, ce qui se traduit par des difficultés d'approvisionnement dans les stations-service.

Environ 17% des stations manquaient d'au moins un type de carburant mardi matin au niveau national, selon le ministère de l'Energie, un chiffre qui s'élève à 29% en région parisienne qui était jusqu'à présent relativement épargnée par ces difficultés.

La réponse policière fait débat

Autre motif d'inquiétude pour l'exécutif, le rajeunissement du mouvement de contestation, avec l'arrivée dans les cortèges de nombreux étudiants et lycéens la semaine dernière et des blocages de plus en plus nombreux d'universités, une vingtaine mardi matin selon le syndicat étudiant UNEF. L'attention des pouvoirs publics se portait à court terme sur le risque d'affrontements après le déferlement de violences qui a marqué la précédente journée de mobilisation, à Paris comme dans les grandes villes, ce qui a entraîné notamment le report de la visite d'Etat du roi Charles III.

De nouveaux affrontements entre manifestants et policiers étaient rapportés mardi dans plusieurs "points chauds" de la contestation, comme Rennes, Nantes ou Rouen, tandis qu'à Paris, la préfecture de police signalait la présence d'un "bloc de plusieurs centaines de personnes" potentiellement violentes en tête du cortège syndical.

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Citant des "risques très importants" de troubles à l'ordre public, le ministre de l'Intérieur a annoncé qu'un dispositif de sécurité qualifié de "sans précédent" était en place, avec 13.000 policiers et gendarmes mobilisés à travers le pays, dont 5.500 à Paris. Gérald Darmanin a accusé pendant une conférence de presse "des éléments radicalisés issus de la gauche et ultra-gauche" de vouloir "pousser la France à feu et à sang".

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a pour sa part défendu ses "troupes" mardi sur France Inter alors que de nombreuses voix de sont élevées ces derniers jours, en France comme au Conseil de l'Europe, pour dénoncer une "réponse disproportionnée" des forces de l'ordre et des "violences policières", parfois corroborées par des enregistrements. "Les interventions policières sont systématiquement proportionnées", a-t-il affirmé, en invitant la défenseure des droits, particulièrement critique à leur égard, à se rendre avec lui en salle de commandement

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