L'Italie veut interdire la viande de laboratoire

  • L'Italie dit non à la viande de synthèse.
    L'Italie dit non à la viande de synthèse. HQuality Video / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Alors que l'Italie a annoncé la candidature de sa cuisine au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco il y a quelques jours seulement, le gouvernement transalpin entend la préserver en interdisant les steaks ou tout autre aliment cultivés sous microscope.

Rigatoni al ragù, tagliatelle carbonara et osso bucco sont-ils mis en danger par les innovations technologiques en matière de viande de laboratoire ? Le rapprochement pourrait paraître fantasque. Et pourtant, l'Italie le croit, en tout cas le ministre de l'Agriculture qui a ajouté à son titre, lors de sa nomination, être responsable aussi de la souveraineté alimentaire de la botte transalpine. Les députés italiens ont adopté un projet de loi visant à prohiber non seulement la production des steaks et autre nourriture fabriqués sous microscope, mais aussi leur importation tout comme leur exportation. Le gouvernement est très sérieux à ce sujet et prévoit une amende de 60.000 euros pour ces entreprises fabriquant des alternatives végétales pouvant être tentées de céder aux initiatives de ces food tech, rapporte le Guardian.

Ce type d'aliments, décrit en Europe comme de la "novel food" au même titre que les insectes, n'est pourtant pas autorisé à la commercialisation au sein de l'Union (contrairement aux grillons et aux vers de farine, entre autres). Et ce n'est pas près de l'être, de l'avis de l'Inrae. "En Europe, on ne peut pas utiliser des implants hormonaux avec des animaux en élevage traditionnel, contrairement aux Etats-Unis, en Amérique du Sud ou en Australie. Le législateur européen considère que rajouter un supplément d'hormones, à celles déjà existantes chez l'animal pourrait potentiellement représenter un risque. Cela serait donc difficile de comprendre que l'Europe accepte que l'on ajoute des hormones pour produire de la 'viande de culture'", nous avait confié Jean-François Hocquette, chercheur à l'Institut national de recherche pour l'alimentation. Dans le monde, il n'y a qu'à Singapour que la distribution de viande de synthèse a reçu un feu vert.

Au nom des traditions culinaires italiennes

Toujours est-il qu'au-delà de la question sanitaire, l'Italie craint aussi pour la préservation de son identité culinaire. Le ministre de la Santé, Orazio Schillaci, a ainsi évoqué la potentielle disparition du régime méditerranéen si les recherches en matière de nourriture produite in-vitro continuent dans ce sens. Le ministre de l'Agriculture, Francesco Lollobrigida, quant à lui, entrevoit ces innovations comme un danger pour les traditions italiennes. A noter que cet avis ne fait pas consensus au sein de la classe politique italienne. Au cours de ces dernières années, l'Italie n'a eu de cesse de s'inquiéter pour la conservation de son héritage culinaire, adoptant tour à tour des mesures pour éviter que la street-food ne grappille trop le business de la restauration. Ce fut le cas à Venise en 2017 où la municipalité ne veut plus autoriser de nouvelles enseignes de fast-food. On se souvient que l'ouverture d'un McDonald's tout près du Vatican un an plus tôt avait fait polémique.

En Europe, l'Italie est pourtant (pour l'instant ?) bien seule à s'opposer aux recherches en matière de viande et d'aliments de synthèse. Selon un rapport du Digital Food Lab, plus de neuf milliards d'euros ont été investis dans les entreprises de food tech (sachant que cela n'inclut pas uniquement les recherches en matière de viande de laboratoire) en 2021. En 2020, l'enveloppe ne s'élevait qu'à trois milliards d'euros. La frénésie s'est toutefois calmée, puisque les investissements ont reculé de 36% entre 2021 et 2022.

L'Italie, un exemple à contre-courant en Europe

Plus en détails, quand on ne prend en compte que les montants consacrés au développement de nourriture de synthèse, le troisième pays à mettre le plus la main à la poche se situe bien en Europe. Il s'agit des Pays-Bas. Le pays des tulipes est celui de Mosa Meat, la fameuse entreprise qui a mis au point le tout premier burger composé de steak in-vitro en 2013. Elle se targue même d'avoir obtenu l'accompagnement de la star Leonardo DiCaprio en tant qu'investisseur. Selon un rapport publié par le cabinet britannique GovGrant, les Pays-Bas ont investi près de 124 millions de livres (environ 140 millions d'euros) en 2022 pour développer les techniques de viande de laboratoire, se situant loin derrière les plus gros leaders mondiaux, à savoir les Etats-Unis (1,3 milliard de livres, soit environ 1,5 milliard d'euros) et Israël (475 millions de livres, soit environ 538 millions d'euros). Abritant l'entreprise HigherSteaks, le Royaume-Uni est cinquième (28,55 millions de livres, soit environ 32 millions d'euros), la France est neuvième (10,70 millions de livres, soit environ 12 millions d'euros) et l'Espagne dixième (10,12 millions de livres soit environ 11,5 millions d'euros).

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