Sécheresse : le manque d’eau met l’hydroélectricité au ralenti en Aveyron

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  • Les barrages du Lévézou, comme celui de Pareloup sont partie prenante du complexe.
    Les barrages du Lévézou, comme celui de Pareloup sont partie prenante du complexe. Archives Yves Estivals
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ROUX Alexis

Le complexe hydroélectrique du Pouget, près de Saint-Victor-et-Melvieu, est un colosse en Aveyron. Ses infrastructures, réparties en 8 barrages entre Tarn et Lévézou constituent un monstre hydroélectrique. Pourtant, à cause de la sécheresse, plusieurs défis se posent à EDF.

Composé de 6 usines, 8 barrages et de 19 turbines de production, basé en Sud-Aveyron entre vallée du Tarn et lacs du Lévézou, le complexe hydroélectrique du Pouget fait figure de colosse dans la production de cette énergie renouvelable. Il faut dire que le site, notamment représenté par ses différents barrages comme celui du Truel ou de Pont-de-Salars par exemple, représente bien la place que tient le département dans la transformation d’eau en énergie électrique.

"Pour EDF, l’Aveyron est le deuxième département de France le plus productif en termes d’hydroélectricité", présente ainsi Christophe Cortie, directeur d’EDF hydro Tarn-Agout, qui a donc la gestion des complexes répartis sur ces deux cours d’eau.

"Le barrage du Truel dispose notamment de la turbine la plus puissante du pays", poursuit-il, faisant référence au groupe 4 de l’usine du Pouget, représentant à lui seul, un potentiel de production de 285 MW, sur les 480 du complexe. Annuellement, ils permettent d’alimenter la consommation d’électricité de 220 000 habitants.

"En plus, tout cela fonctionne sur un système innovant", loue Christophe Cortie. Ceci s’explique par la diversité des infrastructures du complexe. Du lac de Pont-de-Salars et de Pareloup jusqu’au Tarn, EDF peut jouer avec cette "immense batterie de stockage" pour affiner les différents niveaux d’eau.

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- 40 % de production

Grâce à un large système technique de conduite forcée, il est même possible de faire remonter l’eau stockée à l’usine du Pouget, située à 285 m d’altitude, jusqu’au barrage de Saint-Amans, situé lui à 727 m. Pourtant, malgré toutes ces facultés techniques, l’hydroélectricité, qui représente environ 12 % de la production énergétique nationale, est aujourd’hui à un tournant de son histoire. "L’année 2022 a été très particulière, reconnaît le directeur. Elle a été très sèche, et ce, très tôt dans l’année, le manque d’eau a été très difficile à gérer et nous nous sommes retrouvés dans une situation de soutien d’étiage de juin jusqu’à fin octobre." Or, dans ces périodes de sécheresse, le besoin de productivité peut quelquefois être mis de côté. "On a un rôle dans la gestion de l’eau. Que ce soit au niveau des réserves d’eau potable, sur la question de l’étiage et sur les enjeux touristiques des lacs", précise Christophe Cortie. Ainsi, l’année 2022 a fait le fruit d’une gestion "économique et prudente", qui a vu la production du complexe chuter de 40 % par rapport à celui d’une année normale.

Mais, même avec ces baisses conséquentes de production, le personnel d’EDF se veut rassurant. "Nous ne sommes pas là pour faire du volume mais pour produire au bon moment. La force de l’hydroélectricité, c’est d’être une énergie stockable et pilotable."

Ainsi, les économies en eau réalisées cet été ont permis de garantir un meilleur fonctionnement cet hiver, en pleine période de crise énergétique.

Se concerter et innover

Si la concertation auprès des différents acteurs institutionnels, politiques et environnementaux a permis de surmonter la crise en 2022, au vu des projections climatiques, les situations de sécheresse devraient régulièrement apparaître. "L’hydroélectricité a forcément de l’avenir en tant qu’énergie décarbonée. L’enjeu c’est d’anticiper afin d’éviter d’entrer en crise, présente Christophe Cortie. Il faut également voir comment nous pouvons faire évoluer nos outils pour améliorer la situation."

Car à l’image du groupe 4, les outils de dernière génération affichent des productivités records sans utiliser d’eau supplémentaire. "Par exemple à Montahut dans l’Hérault, on a un projet de surpuissance où installer une roue plus performante permet un gain de rendement de 3 % et de 6 MW sans altérer l’environnement", explique celui qui a en charge l’ensemble des usines hydroélectriques basées sur les bassins du Tarn et de l’Agout.

Seul problème, les innovations ont un coût. Et l’avenir pourrait rebattre les cartes. Au Pouget, la concession entre EDF et l’État arrive à son terme en 2027. Alors forcément, sans garanties et "visibilité" sur la suite, il paraît difficile pour le premier producteur d’électricité en Europe de consacrer plusieurs investissements. " Jusqu’en 2027, on continue à gérer le site comme on l’a toujours fait. Maintenant, on espère une réglementation favorable, livre Christophe Cortie. C’est sûr qu’on ne va pas investir des millions si on est certains de perdre la gestion du complexe dans 4 ans." Affaire à suivre.

Un autre impact : la réforme des retraites

La manifestation contre la réforme des retraites n’épargne pas l’hydroélectricité. Au complexe du Pouget, l’écrasante majorité des salariés participe aux mouvements de grève. Un militant local de la CGT raconte comment se déroulent les événements. "On participe au mouvement depuis le 19 mars en se rendant sur toutes les manifestations. On met les machines à zéro vers 15 h, jusqu’à 22 h. Lorsque des mauvaises nouvelles tombent, comme le jour rejet de la motion de censure, on le fait jusqu’au lendemain matin, avec l’usine à l’arrêt toute la nuit." Sur place, entre 22 à 25 des 29 salariés actuellement présents sur le site sont en grève, ce qui freine fortement la productivité de l’usine. "On ne crée pas de pertes en termes d’eau, par contre, comme il n’y a pas de production, cela coûte très cher à l’État qui doit compenser en important. Acheter 480 MW au prix actuel de l’énergie c’est énorme. Notre mobilisation a un impact réel."
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