Paris-2024 : "Un énorme défi sécuritaire", prévient le député aveyronnais Stéphane Mazars

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  • Stéphane Mazars sur l’augmentation du budget de l’épreuve annoncée en décembre dernier : "à date, on peut dire qu’il n’y aura pas d’impôt olympique. Soit des économies sont réalisées, soit ce sont de nouveaux partenaires qui seront démarchés."
    Stéphane Mazars sur l’augmentation du budget de l’épreuve annoncée en décembre dernier : "à date, on peut dire qu’il n’y aura pas d’impôt olympique. Soit des économies sont réalisées, soit ce sont de nouveaux partenaires qui seront démarchés." CPA - José A. Torres
Publié le
Aurélien Parayre

Dans un peu plus de quinze mois, le 26 juillet 2024, Paris et la France accueilleront le monde de l’olympisme. Dans cette course contre la montre qu’est la préparation du plus gros évènement planétaire, le député Renaissance de la 1re circonscription de l’Aveyron Stéphane Mazars joue un rôle primordial. Rapporteur notamment d’une loi dédiée, votée par le sénat et l’assemblée nationale non sans émoi ces derniers jours, avant une promulgation attendue courant avril. Entretien.

Vous êtes le rapporteur de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques (JOP). D’abord, pourquoi vous pour tenir ce rôle ?

C’est la deuxième loi olympique que nous votons. La première l’avait été en 2018. Elles existent vis-à-vis de la nécessité de mettre nos textes en adéquation avec les exigences d’une telle organisation. En 2018, j’étais rapporteur pour la commission des lois. J’étais donc déjà impliqué. Là, je suis à la commission des affaires culturelles, sports et éducation. Et cette dernière était saisie pour avis sur l’ensemble du texte. J’ai été désigné rapporteur car j’avais déjà cette première expérience. Je suis également identifié comme député qui s’intéresse beaucoup au sujet du sport en général et des Jeux olympiques. Et j’ai aussi été désigné par l’assemblée pour la représenter au sein du comité d’éthique du comité d’organisation des JOP. Enfin, avec un autre député (M. Peu, communiste, Seine-Saint-Denis), nous élaborons un rapport d’évaluation sur l’impact des Jeux dans notre pays (dans le cadre d’une mission parlementaire).

De quoi parle-t-on quand on évoque cette fameuse loi JOP ?

C’est une loi qui, pour la moitié des articles, concerne les sujets de sécurité. Le défi N°1 que la France et Paris ont à relever, c’est celui de la sécurité. Plus de 10 millions de spectateurs viendront dans le pays. Il faut être au rendez-vous de la sûreté. Avec une menace terroriste toujours là, des menaces cyber de plus en plus importantes, des foules à gérer… On sait que ce n’est pas toujours facile, la finale de la Ligue des champions nous l’a montrée (lire plus bas). Et puis, l’organisation complique un peu les choses puisque la cérémonie d’ouverture ne se fait pas dans un lieu fermé, comme habituellement, mais sur la Seine et pour laquelle on attend 600 000 spectateurs !

Vous le déplorez ?

Non. Au contraire, c’est ce qui va rendre ces Jeux encore plus merveilleux que ceux qui les ont précédés. Cette cérémonie unique est enthousiasmante ; mais en termes de sécurité, cela va demander une grosse exigence.

Justement. Dans un rapport que vous avez réalisé dans le cadre de votre mission parlementaire, paru en février, vous évoquiez le besoin de 20 000 agents de sécurité, et surtout le fait qu’il n’y en avait jusque-là que 10 000 recrutés…

Oui. C’est une grande difficulté. Dans la sécurité, il y a ce qui relève de l’état, des forces de sécurité intérieure qui seront mobilisées en masse sur la voie publique et hors les sites olympiques : police, gendarmerie et un peu l’armée. Et puis, sur les sites olympiques, c’est le comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques (COJOP) qui gère la sécurité via le secteur privé. Or, on sait qu’aujourd’hui, il y a un vrai défi car ces entreprises de sécurité ont de plus en plus de mal à recruter. Le secteur mène des actions, comme l’augmentation des salaires en janvier dernier via une négociation collective de branche. Mais, à date, je continue à dire que ce sera très, très difficile d’être au rendez-vous du recrutement de ces agents. Et on attire l’attention du gouvernement pour qu’il y ait un plan B qui soit assuré par l’armée ou les forces de sécurité intérieures.

Pensez-vous aujourd’hui que ce plan B est encore évitable ?

Ça va être très difficile. Et comme c’est une responsabilité qui incombe au COJOP, ce sera à ce dernier de l’assurer financièrement. Cela fait également écho avec la loi olympique, puisque dans cette dernière, on a beaucoup travaillé sur les dispositifs qui permettront à ceux qui ont la charge de sécurité d’avoir des moyens pour les aider.

On allait y venir. Et notamment, à l’article 7, qui a d’ailleurs été pas mal débattu au sein de l’hémicycle, avec l’arrivée de la vidéosurveillance algorithmique. Vous, personnellement, étiez-vous favorable à la VSA ?

Oui, oui. Beaucoup de choses ont été dites, et pas forcément conforme à la réalité. Déjà, la vidéosurveillance augmentée, ce n’est pas de la reconnaissance faciale. Aujourd’hui, des opérateurs humains captent déjà des images de vidéosurveillance, vidéoprotection ou via des drones. Ils les regardent en temps réel, les analysent et sont en alerte si des choses posent problème. Le système de l’intelligence artificielle avec ce traitement algorithmique, c’est la possibilité de prédéfinir des situations jugées comme atypiques et qui vont attirer l’attention de l’opérateur humain. Par exemple, on prédéfinit un sens de circulation à l’entrée d’un stade. Et s’il apparaît un flux contraire sur l’écran, une alerte sera donnée à l’opérateur. Ou encore si on prédéfinit qu’il ne faut pas de bagage dans telle zone et qu’il y en un, là encore ça attirera l’attention de l’opérateur. Ce qui permettra à un autre agent sur place de procéder à une levée de doute. C’est véritablement une aide à la décision. Prenons encore l’exemple de la Promenade des Anglais (lors de l’attentat terroriste du 14 juillet 2016 à Nice) : s’il a été prédéfini que ce jour-là, à cette heure-là, à cet endroit-là, il ne doit pas y avoir de camion qui circule, vous avez dans la salle opérationnelle une attention attirée. On ne dit pas que tout aurait été évité, mais peut-être une alerte donnée plus tôt et une intervention plus efficiente.

Entendez-vous les inquiétudes des partis de gauche, mais également des organisations défendant les droits de l’homme ?

Tout à fait. Et, effectivement, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de biais. Que l’on respecte bien les libertés individuelles, qu’il n’y ait pas un traitement systématique de choses qui pourraient être connotées et attentatoires à la liberté individuelle. Et répondant à ça, il faut déjà préciser que c’est une mesure à titre expérimental. On espère que l’opérateur privé en charge de l’algorithme nous permettra de le mettre en place dès la coupe du monde de rugby (8 sept. – 28 oct. 2023), avant les JO. Et à l’issue de ces deux évènements, une commission sera chargée d’analyser les avancées de cette expérimentation pour voir si cela mérite d’être pérennisé ou pas. Ensuite, il y a un certain nombre de garanties apportées. La plus grande d’entre elles par la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés), associée au processus de A à Z. Cela fait partie des éléments qui ont été travaillés dans cette loi olympique pour répondre à l’énorme défi sécuritaire.

Vous évoquiez ce qu’il s’est passé au stade de France en mai 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions de football. Quel regard portez-vous sur ce fiasco ?

Soyons clairs : l’image de la France en termes de pays ayant la capacité à organiser et à accueillir les grands évènements sportifs en a pris un coup. Et ça en 2022, donc à seulement deux ans des Jeux. Donc forcément, ce n’est pas quelque chose qui est positif. Mais il y a deux-trois articles dans la loi JOP concernant les retours de cette mauvaise expérience.

Alors concrètement, qu’est ce qui a été mis en place pour éviter ce genre de problèmes ?

On a créé deux nouveaux délits. On a ainsi introduit dans le code du sport, le fait de s’introduire par fraude ou par force dans une enceinte sportive ou une fan zone. On a créé aussi un délit qui consiste, quand on est dans le stade, à s’introduire sans motif légitime sur l’aire de jeu, en réunion, en récidive. Pour les très grands événements sportifs, les organisateurs doivent également dorénavant mettre en place un système de billetterie électronique infalsifiable. Aussi, pour les évènements de plus de 300 spectateurs, l’organisateur pourra mettre en place un système de portique millimétrique (à l’image de ceux en action dans les aéroports). Cela permet de fluidifier l’entrée des spectateurs.

Entre la gestion pour le moins délicate ce soir-là des forces de l’ordre et l’excuse à chaud des 30 à 40 000 faux billets depuis démontée officiellement ; selon vous, le ministre de l’intérieur Gérald Darminin aurait-il dû faire un mea culpa l’amenant à démissionner ?

Non, non. Il y avait un moyen de transport à l’arrêt, de la délinquance de droit commun greffé dessus, quelques supporters avec de faux billets… C’était une conjonction d’éléments très défavorables qui a amené à ce fiasco. Ce qu’il s’est passé en réalité, on le sait depuis l’enquête du sénat, mais quand on a demandé au ministre de réagir à chaud, il n’avait pas tous les éléments en main. Ce qui est important, c’est qu’on ait depuis un vrai retour d’expérience. Même vis-à-vis des supporters anglais, je pense que le discours a changé. On a été capable de leur dire : "écoutez, on a compris que vous n’étiez pas à l’origine de toutes les difficultés ce soir-là".

Et l’actuelle situation sociale du pays, les manifestations, la radicalité qui s’installe aussi : est-ce de nature à vous inquiéter pour les JO, notamment par rapport à la préparation des forces de l’ordre ou au climat ambiant qui pourrait, même si c’est la fête du sport, être relativement dur ?

C’est du sport et c’est la fête. J’espère que ça ne va être que ça ! Ce que j’attends de ces JO, c’est justement qu’on puisse tous s’inscrire dans une dynamique festive, que ce soit un grand moment de cohésion nationale. On voit bien que depuis de nombreux mois, notre société est de plus en plus clivée, divisée, radicalisée ; et j’espère qu’on va petit à petit se projeter sur cet évènement majeur pour notre pays.

De manière générale, comment estimez-vous l’état de préparation dans le pays ?

Globalement, on est plutôt dans les clous et au rendez-vous de ce qui avait été promis.

Tiendra-t-on le budget ?

Oui, pour le moment, les budgets sont tenus, à euro constant. Bien évidemment, les organisateurs prennent de plein fouet, les problèmes de fournitures, de main-d’œuvre et surtout l’inflation. Donc, il y a eu une réévaluation du budget du COJOP en décembre dernier.

Une hausse de combien ?

Entre 10 et 15 %, grosso modo correspondant à l’inflation (le budget total s’élève ainsi à 4, 4 milliards). Mais aujourd’hui, à date, on peut dire qu’il n’y aura pas d’impôt olympique. Soit des économies sont réalisées, soit ce sont de nouveaux partenaires qui seront démarchés.

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Les commentaires (1)
Palourde Il y a 1 année Le 09/04/2023 à 08:42

Pendant qu'il parle de çà , ils croient qu'on oublie la réforme des retraites ? Ha ha