Sophie Binet : jeune, écolo, féministe, est-elle un tournant pour la CGT et le syndicalisme ?

  • La nouvelle secrétaire générale détonne aussi par ses idées.
    La nouvelle secrétaire générale détonne aussi par ses idées. MaxPPP
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Christelle Bertrand

La nouvelle secrétaire générale de la CGT ne cochait, sur le papier, aucune case pour être élue. C’est pourtant elle qui prend la succession de Philippe Martinez. Peut-être un tournant pour la CGT.

Elle n’est pas passée inaperçue, mercredi, sur le perron de Matignon : écharpe mauve et poing levé. C’est aussi sa candeur qui aura marqué la séquence comme un évident contraste avec la moue faussement fâchée de son prédécesseur Philippe Martinez. Sophie Binet, la nouvelle secrétaire nationale de la CGT, à ce point commun avec l’Emmanuel Macron de 2017, c’est que personne ne l’attendait à ce poste. Pas même elle : "C’est incroyable ce qui lui arrive. Elle n’a pas dormi pendant les dernières 48 heures, a rédigé sa première prise de parole en 20 minutes", relate un de ses très proches. Son élection est le fruit d’un compromis entre les soutiens de Philippe Martinez et ceux de l’aile dure de la centrale syndicale. L’effet de surprise aura été total car tout étonne chez elle.

Tout d'abord chez la Jeunesse ouvrière chrétienne

Son parcours tout d’abord : à l’adolescence, elle rallie les rangs de la Jeunesse ouvrière chrétienne. Puis, étudiante, elle milite à l’Unef à Nantes, participant notamment au mouvement contre le Contrat première embauche de 2006. Parallèlement, jeune conseillère d’éducation, elle adhère au Parti socialiste. En 2008, lors du congrès de Reims, elle signe la motion d’Un monde d’avance dirigé par Benoît Hamon. "Dans ma section du PS du Xe arrondissement parisien, j’ai vu arriver cette jeune militante, elle était très attachée au syndicalisme étudiant, on a eu de belles discussions car elle voulait nous prendre, nous les strauss-kahniens, sur notre gauche, et nous lui expliquions qu’elle avait tort", se souvient l’ancien conseiller régional socialiste d’Île de France, Pierre Kanuty.

Un féminisme pas anti-mec

À l’époque, Sophie Binet prend très au sérieux tractages et réunions politiques. "Elle était passionnée, mais pas du tout sectaire, pas dans le discours misérabiliste. Elle avait un véritable ancrage dans la réalité sociale et un féminisme pas anti-mec", complète Pierre Kanuty. Ce qui ne l’empêche pas de devenir amie avec la militante Caroline De Haas. Elles s’opposent ensemble à la loi Travail du gouvernement de Manuel Valls. "C’était une expérience incroyable, notre duo avait hyper bien fonctionné. On avait élaboré le contenu d’un site opposé à la loi en 48 heures, moi avec la casquette communication, elle sur le fond et la technique du sujet", détaille Caroline De Haas.

"Le symbole d’un chantier nouveau à la CGT"

"C’est une bonne camarade, elle ne tient pas les gens à distance. Quand elle écoute quelqu’un parler et qu’elle est d’accord, elle opine ce qui montre qu’elle n’est pas blasée. Elle a une très grande capacité d’écoute", assure Pierre Kanuty.

De sa vie privée, on ne sait rien, sinon qu’elle est en couple avec un officier de la marine marchande et qu’elle est la maman d’un petit garçon de 4 ans. "Elle coche beaucoup de cases en termes de nouveauté : c’est une femme, de surcroît sans doute la plus jeune responsable qu’a eu ce syndicat et elle offre moins de prise à la caricature désobligeante que Philippe Martinez c’est bien pour elle mais c’est bien aussi pour la CGT", assure un élu socialiste qui ajoute : "Ça va peut-être mettre fin au concours de testostérone chez les leaders syndicaux d’autant que le successeur de Laurent Berger sera peut-être une femme." Du côté de la majorité présidentielle le profil de Sophie Binet fait sourire au contraire : "Je la trouve très candide mais je pense qu’elle ne devrait pas car elle va avoir fort à faire avec les vieux cégétistes un peu machos, elle va vite entrer dans le dur", souligne un conseiller.

Un profil et des idées qui détonnent

Mais il n’y a pas que le profil de la nouvelle secrétaire générale qui détonne, ses idées aussi. Tout d’abord dans un monde vu comme productiviste, ses convictions écologistes pourraient opérer un vrai changement d’époque pour la CGT. Elle a lancé durant l’automne 2022 le “Radar travail et environnement”, pour aider les salariés et fonctionnaires à "peser sur la transformation écologique de leur entreprise ou collectivité".

Mais c’est son passage au PS qui étonne le plus. "C’est un changement intéressant à la CGT car personne n’ignorait cet épisode dans son parcours or ça n’a pas été un frein à son élection", souligne Pierre Kanuty qui ajoute : "Elle est le symbole d’un chantier nouveau que doit ouvrir la CGT, c’est le monde des cadres. Il y a là des terrains à conquérir". Sophie Binet serait-elle aussi un atout afin de permettre à la vieille centrale de rattraper son retard sur la CFDT ?

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Les commentaires (1)
RienCompris Il y a 1 année Le 11/04/2023 à 09:16

Une nouvelle donneuse de leçons.