La Croisette, Londres, Shanghaï, Tarantino, les tribulations du Calmontois René-Pol Bouldoires dans le monde

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  • En Chine, René-Pol Bouldoires a aussi trouvé l’amour avec Xiao San Zhang, rencontrée il y a seize ans,  six mois après son arrivée à Shanghai. Ils se sont mariés en 2012.
    En Chine, René-Pol Bouldoires a aussi trouvé l’amour avec Xiao San Zhang, rencontrée il y a seize ans, six mois après son arrivée à Shanghai. Ils se sont mariés en 2012. Reproduction - L'Aveyronnais
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Emmanuel Pons

Que de chemin parcouru pour René-Pol Bouldoires, depuis ses débuts, à 18 ans sur la Croisette, à Cannes, dans le prestigieux hôtel Martinez. Passé par les plus grands restaurants à Londres et en Asie, il est aujourd’hui associé dans une chaîne de sports bars en Chine, un concept qui marche très fort.

Ne dites pas à mes parents que je sers des pizzas, des burgers et des frites dans mes restaurants", plaisante René-Pol Bouldoires. À bientôt 41 ans, dont 17 ans en Asie, l’Aveyronnais, aujourd’hui installé à Shanghai, la capitale économique chinoise, est associé dans trois "sports bars" – et bientôt cinq – du groupe Cages, spécialisé dans la retransmission sur écrans géants d’événements sportifs.

Des bars-restaurants où l’on peut aussi pratiquer le foot indoor, le basket, le base-ball et autres disciplines en intérieur. L’établissement de Jing’An, le premier créé, à Shanghai, s’étend ainsi sur 5 000 m2.

"Plus jamais les pieds en cuisine"

Mais avant de s’envoler pour la Chine et de s’y installer durablement, le petit René-Pol, né à Olemps en 1982 et originaire du hameau de La Cassagne, sur la commune de Calmont, est écolier à Ceignac, poursuit au collège Albert-Camus de Baraqueville avant d’intégrer le lycée hôtelier de Souillac, dans le Lot. "À l’époque, c’était une des meilleures écoles de France", avance-t-il. Il enchaîne CAP, BEP et bac techno et poursuit au lycée Jean-Monnet de Limoges où il décroche un BTS spécialité "arts de la table".

Il a tout juste 18 ans quand il débarque au Martinez sur la Croisette

Il a à peine 18 ans quand il débarque au Martinez, prestigieux hôtel installé sur la Croisette, à Cannes. "Quand j’ai découvert la vie à Cannes, entre les fêtes au restaurant ou à l’hôtel, les filles…, je me suis dit que jamais je ne remettrai les pieds en cuisine !", sourit-il. Diplôme en poche, le Calmontois est embauché au Martinez, l’hiver côté brasserie et l’été côté plage où il côtoie "une ribambelle des stars, des trucs que je ne reverrai jamais". Mais le jeune homme, qui reçoit une clientèle internationale, fait rapidement le constat qu’il a "un niveau d’anglais minable".

Que de chemin parcouru pour René-Pol Bouldoires, depuis ses débuts, à 18 ans sur la Croisette, à Cannes.
Que de chemin parcouru pour René-Pol Bouldoires, depuis ses débuts, à 18 ans sur la Croisette, à Cannes. Reproduction - L'Aveyronnais

De retour à La Cassagne, René-Pol Bouldoires annonce à ses parents qu’il part pour Londres. "J’ai été accueilli par des amis rencontrés au Martinez."

Une belle expérience en Angleterre

Il est embauché au Sketch, le restaurant londonien du chef français Pierre Gagnaire. "J’ai appris l’anglais pro en 3-4 mois et j’ai évolué très vite, chef de rang, maître d’hôtel… Puis, après un an et demi, je suis parti au Sofitel, à Saint James, travailler pour Albert Roux, qui avait été le chef de la reine Elisabeth II, à Buckingham. Là, au bout d’un an, le manager s’en va et me propose de le rejoindre, en tant qu’assistant, au MJU, un restaurant franco-japonais très huppé. On faisait notamment les "opening" et les "closing parties" de la London fashion week."

Et c’est là que l’Aveyronnais fait une rencontre qui va déterminer la suite de sa carrière. "Justin Quek, le consultant monde de la chaîne Millenium, dont fait partie le MJU, est venu passer une semaine à Londres. Lui et moi, se souvient René-Pol Bouldoires, ça a fonctionné tout de suite. Une dizaine de jours après son départ, il m’appelle : "J’ai un projet à Shanghai, tu viens quand ?" Je lui demande quelques jours pour réfléchir. Et il me rappelle une heure après. "Alors, c’est bon pour toi ?" J’ai posé mon préavis et quitté Londres deux semaines plus tard."

"Shanghai, en Chine ?"

Retour en Aveyron pour annoncer la nouvelle à ses parents. "Shanghai, en Chine ?, lui demande son père, incrédule et un peu inquiet. Et tu as signé un CDI ?" "Non, lui répond son fils, j’ai juste une promesse d’embauche par mail…"

"J’ai rencontré ma femme Xiao San Zhang, il y a 16 ans, lorsque je recrutais pour le restaurant Le Platane".
"J’ai rencontré ma femme Xiao San Zhang, il y a 16 ans, lorsque je recrutais pour le restaurant Le Platane". Reproduction - L'Aveyronnais

À 24 ans, l’Aveyronnais débarque donc en Chine – sans ordinateur, volé à Londres, et sans téléphone portable – et sans personne pour l’accueillir. "Justin m’avait oublié ! Je réussis à le joindre et, après avoir découvert mon logement, il m’emmène sur le chantier du restaurant. C’était entièrement vide. Il n’y avait que les murs et le toit, même pas de sol entre les étages."

Le bel accueil de sa belle-famille chinoise

"J’ai rencontré ma femme Xiao San Zhang, il y a 16 ans, lorsque je recrutais pour le restaurant Le Platane, raconte René-Pol Bouldoires. Et nous nous sommes mariés en 2012. Quand j’ai rencontré ses parents, j’étais le premier occidental à me rendre dans leur village."
À la table familiale, dans ce village très pauvre, l’Aveyronnais se souvient d’un accueil très chaleureux, autour des plats locaux, souvent très épicés. "J’avais du mal à digérer, c’était très piquant. Alors le père de ma femme a pris son tricycle à moteur et est allé dans la ville la plus proche, à une heure de route, pour me ramener un hamburger. C’est beaucoup d’argent, pour eux… Ça m’a vraiment touché."

Le Platane ouvre en novembre 2006 et se classe, en quelques semaines, "parmi les trois meilleurs restos de Shanghai". "Ça a très bien marché. Avec Justin, on a monté quatre restaurants en trois ans !"

Il quitte cependant l’aventure – "la direction a changé et l’esprit aussi" – et est contacté pour diriger le Mr & Mrs Bund, le restaurant multirécompensé de Paul Pairet – le chef à la casquette de Top Chef – toujours à Shanghai. "C’était le premier restaurant haut de gamme français où on servait les plats à partager sur un plateau tournant, comme en Chine, avec baguettes ou fourchette".

Une "ribambelle" de stars

"On servait 300 à 400 couverts, du mardi au samedi de 17 heures à 4 heures du matin. Et régulièrement, on faisait une boum avec un DJ et ambiance années 80-90. J’y ai rencontré des stars du monde entier, Joey Starr, Quentin Tarantino (lire par ailleurs) et d’autres… C’était "the place to be" à Shanghai, raconte René-Pol Bouldoires. J’y ai vécu les quatre meilleures années de ma vie."

Une nuit avec Quentin Tarantino

"Il était deux heures du matin. Je faisais une pause quand Quentin Tarantino – le célèbre réalisateur américain - descend de la boîte de nuit au-dessus du restaurant Mr & Mrs Bund. On mange un steak et on boit quelques verres puis on passe la soirée sur la terrasse à discuter de ses films. J’étais comme un gamin. Je rentre à 9 heures du matin chez moi et me fais engueuler par ma femme, raconte René-Pol Bouldoires. Quand je reviens au boulot quelques heures plus tard, je croise Quentin Tarantino qui me prend dans ses bras – "Oh, my friend !". Je lui explique que ma femme est furieuse. "Appelle-la et passe-la moi", me dit-il. Elle lui a tellement crié dessus qu’il m’a rendu le téléphone en me disant : "Désolé, je ne peux rien pour toi."

Souhaitant évoluer, l’Aveyronnais rejoint le Park Hyatt, en 2013, au poste de chef des opérations de nuit. Établissement qu’il quitte deux ans plus tard pour le Pullman Bangkok, en Thaïlande. "Je faisais beaucoup trop la fête. En un an et demi, j’ai vieilli de quatre ans. Jusqu’à ce que ma femme dise "Stop !" 

Elle rentre donc à Shanghai, quelques jours avant son mari qui, à quelques jours du départ, infecté par le virus Zika, se retrouve confiné, en quarantaine dans sa maison durant 32 jours. De retour en Chine, il travaille au Marriot Shanghai Edition en tant que directeur de la restauration, poste qu’il quitte deux ans plus tard pour rejoindre la chaîne d’hôtels allemande Kempinski. "Mais je m’ennuyais un peu", avoue-t-il.

Contacté par le groupe Cages, il est chargé des ressources humaines et du marketing dans le sports-bar de Shanghai qui s’étend sur 5 000 m2.

Un concept original et très porteur

Un concept qui permet de boire et de manger devant des retransmissions sportives du monde entier, sur écrans géants, avec aussi possibilité de jouer à de nombreux sports indoor ou encore au billard, au flipper… "Ça marche super bien", se réjouit l’Aveyronnais. "On sert près de 25 000 clients par mois dans le restaurant de Jing’An à Shanghai."

Un deuxième établissement de 1 500 m2 est ouvert quelques mois plus tard avant l’ouverture prochaine d’un troisième site à Changsha, en juin, et d’un quatrième, prévue à Guangzhou, pour début septembre. "Je suis associé sur les quatre bars-restaurants, précise René-Pol Bouldoires. Notre concept est basé sur les datas que nous récoltons auprès de nos clients via notre propre application sur smartphone. Réservations, jeux, calendrier sportif, commandes, pointages, inventaire… C’est nous qui développons toute la tech."

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