Aveyron : à Saint-Saturnin-de-Lenne, chez pépé Joseph, les œufs en or de Delphine Chassaly

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  • Delphine Chassaly a trouvé  un sens à sa vie au contact  de la nature avec ses poules dans sa ferme de Saint-Saturnin-de-Lenne.
    Delphine Chassaly a trouvé un sens à sa vie au contact de la nature avec ses poules dans sa ferme de Saint-Saturnin-de-Lenne. Centre Presse Aveyron - Olivier Courtil
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Olivier Courtil

Dernière lignée de la famille Chassaly, à Saint-Saturnin-de-Lenne, Delphine a fait le choix de produire des œufs en plein air.

Le hameau de Grun, commune de Saint-Saturnin-de-Lenne, est le fief de la famille Chassaly. Ici, on y élève en toute discrétion des aubracs en label de qualité Bœuf fermier aubrac. Moins discret mais majestueux se dresse le château du XVIIe siècle qui permet à une branche de la famille de proposer des gîtes.

Au pied de l’Aubrac, le bonheur est tout trouvé. Et s’il faut monter, le buron de la Truque des Chassaly propose en toute simplicité – et au tarif maîtrisé – le repas traditionnel pour touristes et randonneurs. C’est dans ce cadre enchanteur que Delphine s’est lancé dans la production d’œufs en plein air, évidemment. Une volonté de se démarquer pour s’émanciper. Faire sa place. Son nid. "J’ai toujours baigné dans l’agriculture, alors je n’avais pas prévu ce métier au départ", glisse Delphine qui a suivi des études d’ingénieur, à Purpan, à Toulouse.

Cap sur le Cap Vert

Delphine a d’abord parcouru le bout du monde (stage en Australie) pour se rendre compte que l’herbe n’était pas plus verte ailleurs mais cela a eu le mérite de l’enrichir en s’ouvrant à l’autre. Elle a également effectué une mission agricole au Cap Vert – où là aussi l’herbe comme le foin n’est pas meilleure – pour installer des fromageries aux normes et éviter ainsi d’importer. Du dehors, elle a visité le dedans. Pendant deux ans et demi, Delphine a exercé en tant que conseillère agricole dans une banque à Rodez.

Retour au bercail

La fille des champs ne se voyait pas passer toute sa vie devant un écran. Elle a ainsi décidé de revenir dans le hameau familial pour se lancer dans la production d’œufs. "Qui vole un œuf, vole un bœuf dit le proverbe". Delphine laisse le soin aux hommes de la ferme, dont son frère, pour s’occuper des aubracs.

Elle a fait le choix des poules, bien moins volumineuses, dont plus faciles à gérer, pour fonder l’an dernier sa production sous le nom "Chez pépé Joseph". Un clin d’œil au papy qui permet de rendre hommage à la famille et de poursuivre le lien. Les premières poules sont arrivées en novembre dans son bâtiment, après un an de démarches pour obtenir l’agrément. "Je n’ai jamais autant été tributaire de mon travail, pourtant je me régale", dit Delphine dont la joie envahit son visage.

Production, livraison, gestion

Un métier enrichissant car diversifié dans lequel elle gère ses poules qui bénéficient d’installations dernier cri, automatisées, la gestion de sa petite entreprise ainsi que la livraison avec son camion en direction d’enseignes et de restaurateurs (Bowling, Ginguette, Colibri, etc.) au sein du Ruthénois. Le succès est tel qu’au bout de quelques mois, Delphine envisage un second bâtiment "pour répondre à la demande mais également pour pouvoir fonctionner en cas d’imprévu". Le risque zéro n’existe jamais. Encore moins avec des espèces vivantes et quand la grippe aviaire peut surgir lors d’une migration.

De la vigilance donc, car il faut raison garder. Pour le reste, le cœur parle. Elle bichonne ses poules avec quelques jeux pour les amuser, pose des cailloux et de la luzerne pour recréer le milieu à l’intérieur, fait pousser des arbres fruitiers (poiriers et pruniers) pour leur microbiote dans son pré de près de deux hectares. "On s’y attache", résume Delphine qui aime les regarder prendre leur bain de poussière. Cela permet aux poules de libérer les plumes du surplus de graisse.

Le rythme des saisons

Et Delphine est comme dans son bain en retrouvant le cocon familial. "Je fais mon nid, ma place avec ma production qui est différente", précise la jeune paysanne qui compte bien s’affranchir tout en gardant l’héritage du lien familial. "On s’entraide. C’est dans mon éducation d’être dehors. Je vois passer les oies et le rythme des saisons". Delphine a ainsi accompagné son frère lors de la transhumance, celle de Saint-Geniez, pour monter les belles aubracs en estive. Non loin du buron familial de la Truque. L’Aubrac est sa maison. Et elle peut compter sur Flavie, en alternance, pour lui donner un coup de main.

"Chez pépé Joseph", les œufs comme ailleurs se préparent et se cuisent de mille façons mais sont faits maison. Et surtout les poules sont nourries sans OGM et avec amour. Le jaune vif qui brille en cassant la coquille, témoigne de la qualité qui émane de la ferme familiale. L’œuf parfait, à 64°, est la recette qu’aime préparer Delphine avec de la ventrèche autour : les choses simples de la vie avec le goût de la gourmandise pour sentir l’éternité sur la langue.

L'héritage du pépé

Le grand-père Joseph, dont Delphine rend hommage à travers sa marque, a eu la particularité de « sortir » un bon numéro au tirage au sort pour être exempté de tout service militaire. En effet, les lois Jourdan (1798), Gouvion Saint-Cyr (1818), Soult (1832) et Niel (1868), bien que fondées sur le principe d’universalité, permettent à une grande partie des citoyens d’échapper au service militaire, du fait de nombreuses exemptions et des modalités de tirage au sort et de remplacement : les « bons numéros » sont exemptés de tout service. Comme ce fut le cas pour Joseph Chassaly.

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