Emploi : la filière nucléaire veut recruter 10 000 salariés par an sur dix ans pour construire six réacteurs de plus

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  • 84 métiers vont absorber 60 000 des 100 000 embauches.
    84 métiers vont absorber 60 000 des 100 000 embauches. MaxPPP
Publié le , mis à jour
Ollivier Le Ny

La construction de six EPR 2 exige un effort d’embauche énorme. Est-ce possible ?

Recruter "100 000 emplois dans les dix années qui viennent". Le défi qui se présente aux entreprises du nucléaire d’ici le début de la prochaine décennie est immense quand, s’agissant du secteur industriel au sens large, "les jeunes pensent encore trop souvent que c’est pénible, que ça ne paye pas, que ça pollue", admet le ministre de l’Industrie Roland Lescure. Cet enjeu est à la hauteur du programme qu’Agnès Pannier-Runacher défendait la semaine passée à Tricastin : bâtir six réacteurs et huit autres d’ici la fin du siècle.

Un projet à Tricastin

D’ici 2037, les deux premiers EPR 2 doivent être construits à Penly, près de Dieppe. Deux autres suivront à Gravelines, dans le Nord, les derniers à Tricastin, au croisement du Gard, du Vaucluse, de l’Ardèche et de la Drôme, ou bien au Bugey (Ain). Le gouvernement tranchera en principe en fin d’année, a précisé la ministre de la Transition énergétique, vendredi, en visitant l’usine de combustible Orano où le Gifen, qui regroupe les entreprises de la filière, lui remettait le rapport Match.

Du bac pro au doctorat

Le document est une synthèse des moyens nécessaires pour construire ces six premières unités. "100 000 talents" et encore est-ce une "perspective conservatrice" ne tenant pas compte de la deuxième phase ni de projets européens.

"De longues années sans construire, observe Yves Marignac, expert nucléaire de l’association négaWATT, et le choix d’EDF d’investir dans le prolongement des centrales ont créé un désert avant et après l’EPR de Flamanville." Et du coup réduit les emplois dans la filière, qui devra assurer la construction de ces EPR, des chaudières pour des sous-marins et porte-avions, comme l’entretien des 56 réacteurs actuels, des démantèlements, etc.

Ils sont aujourd’hui 220 000 salariés, dont 125 000 emplois directs. Ce dernier nombre sera porté à 155 000, 30 000 créations, 30 000 remplacements.

Il faudra ainsi des forgerons, soudeurs, chaudronniers, électriciens, des spécialistes du traitement de l’eau, du numérique ou du BTP, "des doctorats, des bac + 5, comme des bac pro et des techniciens", a insisté Agnès Pannier-Runacher. "Nos industries payent bien, a défendu la ministre, chacun trouvera un parcours professionnel", certaines embauches étant effectives : "600 emplois sont recrutés à Tricastin cette année, 200 alternants."

Quelle attractivité ?

L’une des difficultés, admet-elle, sera de "former beaucoup et éviter de déshabiller" d’autres industries. Pas simple. "La filière parle de recruter 4 000 ingénieurs par an, quand la France en forme 40 000, reprend Yves Marignac. Il faudrait qu’elle soit capable d’en séduire un sur dix, les former et les accueillir ; ça paraît totalement hors de portée", juge-t-il. Qui trouve en écho le commentaire de Marion Rivet, du réseau Sortir du nucléaire : "Pour l’instant, ça ne se bouscule pas au portillon."
"Face au problème de corrosion sous contrainte, rappelle la porte-parole, EDF a dû faire appel à des soudeurs américains parce que ce travail n’est plus attractif. Pour l’instant, ce sont des effets d’annonce ; ça ne se décrète pas de recréer une filière aussi complexe."

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Les commentaires (1)
Altair12 Il y a 11 mois Le 03/05/2023 à 09:04

Le manque de logique, le manque de suivi, le manque de perspicacité, le manque de . . . . et la démagogie de nos gouvernants ont détruit cette filière d'excellence !
On est même arrivé à faire venir des soudeurs du Canada pour réparer les fuites dans les centrales nucléaires !
Quelle honte pour la France et surtout pour tous ces politiciens incompétents et arrivistes !