INTERVIEW. Mickaël Lecoq est le nouveau patron des pompiers de l'Aveyron : "L’enjeu, c’est se préparer aux feux de forêt sur du long terme"

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  • "Je prends la tête d'un collectif." "Je prends la tête d'un collectif."
    "Je prends la tête d'un collectif." Centre Presse Aveyron - J. F.
Publié le , mis à jour
Recueilli par Jennifer Franco

Le colonel Mickaël Lecoq est officiellement, depuis le 11 avril, le nouveau directeur et chef de corps du Service départemental d’incendie et de secours de l’Aveyron. Il succède au colonel Florian Souyris. Sa prise de commandement est prévue le 9 mai. 

L’Aveyron, vous connaissiez avant d’y être nommé ?

Non, d’autant plus que c’est difficile de se déplacer lorsqu’on se trouve en Polynésie française. Je ne connaissais l’Aveyron qu’à travers des reportages, sa réputation et des échanges que j’ai pu avoir avec les uns et les autres. Mais l’image que j’en avais d’aussi loin était cependant la bonne et je ne regrette absolument pas. C’est un territoire authentique avec un personnel engagé et un vrai sens du dévouement.

Depuis votre prise de fonction le 11vril, vous avez entamé le tour des casernes…

Le Service départemental d’incendie et de secours est une ligne d’horizon avec tous les centres de secours, et surtout tous les pompiers, hommes et femmes, ainsi que les personnels administratifs qui le servent au quotidien, qui directement ou indirectement portent secours. C’est indispensable d’aller à leur rencontre, de prendre le pouls de la structure et ensuite de maintenir ce lien avec le terrain pour que les visions stratégiques soient en résonance avec les réalités du terrain. Au bout de trois semaines, j’ai visité douze centres de secours. L’objectif est d’avoir rencontré tous les personnels du Sdis d’ici la fin de l’été.

Le colonel Lecoq, ici, au centre de traitement des alertes du Sdis 12.
Le colonel Lecoq, ici, au centre de traitement des alertes du Sdis 12. Centre Presse Aveyron - J. F.

Quelle sera votre feuille de route ?

C’est une grande responsabilité que j’aborde avec beaucoup d’humilité. Je prends la tête d’un collectif. Ce n’est pas un individu qui représente le Sdis. Certes, je suis le chef d’orchestre mais un orchestre ne fonctionne que s’il y a une harmonie, un engagement de chacun. C’est une fonction que je prends avec beaucoup d’enthousiasme, d’engagement mais aussi en gardant bien les pieds sur terre.

Fils, petit-fils et arrière-petit-fils d'agriculteur, il rêvait d'être pompier

Tous les chemins mènent à l’Aveyron. Âgé de 48 ans, ce fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’agriculteur, originaire de l’Aube, et dont le sillon était tout tracé, avait, lui, une autre destinée en tête. Son rêve de gosse, c’était de devenir soldat du feu. "On peut dire que c’est une vocation. Je devais être sédentaire et agriculteur. Finalement, j’ai été assez mobile et pompier."

Il a d’ailleurs vécu dans beaucoup de départements, y compris à l’étranger, avant de s’installer en Aveyron. Une fois son baccalauréat scientifique et son DUT Hygiène et sécurité en poche, le patron des pompiers aveyronnais est aussi parti faire son stage de fin d’études aux Pays-Bas et en Angleterre où il a passé une licence en sécurité incendie, avant d’intégrer, le temps du service militaire, les pompiers de Paris "comme sapeur de deuxième classe".

Son tour de France démarre alors. Il est recruté comme lieutenant dans la Marne, à l’état-major, "j’étais plus particulièrement en charge de la formation". Il devient ensuite chef de centre de secours en Saône-et-Loire et "parallèlement adjoint du chef de groupement". Direction ensuite l’Orne où il prend la tête du centre de secours d’Alençon et devient aussi chef de groupement territorial. De là, "j’ai été nommé chef de groupement de Châteaudun en Eure-et-Loir et chef de centre du centre de secours principal".

Le colonel Lecoq poursuit ses armes chez les sapeurs-pompiers à Chartres en qualité de chef de groupe. Il est nommé directeur adjoint du Sdis de l’Essonne (91). Son dernier poste, avant son arrivée en Aveyron, est en Polynésie française où il a occupé la fonction de directeur de la Protection civile.

"Cela fait donc dix-huit ans passés sur le terrain, de commandement d’affilée, que ce soit en centres ou dans des groupements territoriaux. Dans le cadre de mes missions, j’ai aussi continué à l’international dans le mécanisme européen de la Sécurité civile, j’ai aussi été formateur en gestion de crise à l’étranger (Chine, République dominicaine…)". Une vie au service de l’engagement et consacrée aux autres.

C’est un établissement qui a les moyens, il faut le reconnaître, car ce n’est pas toujours le cas. Il y a des élus et une gouvernance engagés à nos côtés (conseil départemental, préfecture, maires). Mais il y a des chantiers à mener avec une volonté affirmée de dynamiser et de moderniser le Sdis pour apporter la meilleure qualité de secours aux Aveyronnais.

Cela passera notamment par beaucoup d’ambition vis-à-vis des sapeurs-pompiers volontaires parce que notre maillage des départements ruraux et aussi vastes que l’Aveyron ne peut être aussi réalisé que grâce aux pompiers volontaires et à l’engagement des citoyens. J’y crois. Il faut juste trouver l’étincelle qui va déclencher la flamme et charge à nous de l’entretenir dans le cœur des futurs pompiers.

Comment expliquez-vous cette crise du volontariat ?

Je n’aime pas le terme de crise car c’est anxiogène. Parlons plutôt de difficulté majeure, il ne faut pas le nier. Il faut faire beaucoup de pédagogie, démystifier chez certaines personnes, notamment auprès des femmes, la possibilité de devenir pompier. Oui, il y a des exigences mais elles ne sont pas insurmontables.

Oui, il y a des contraintes mais il y a tellement de satisfaction, personnelle ou collective, lorsqu’on appartient à un groupe qui fait sens. Intégrer un centre de secours, c’est intégrer une communauté tournée vers les autres, en prenant plaisir. C’est une aventure très humaine. C’est un état d’esprit. On parle des gens qui ne s’engagent pas mais comment expliquer ces gens prêts à passer des examens, des formations, sacrifier des week-ends, jours fériés et autres s’ils n’y trouvent pas leur compte.

En chiffres

15 248 : c'est le nombre d'interventions réalisées en 2022 par les pompiers de l’Aveyron. 12 102 concernen le secours à la personne, 923 les accidents de la route, 1 280 feux, 943 interventions diverses. C’est 1 intervention toutes les 33 minutes. Au total, 13 229 victimes ont été secourues en 2022.

40 : c'est le nombre de centres de secours qui maillent le territoire départemental.

1 418 : c’est le nombre sapeurs-pompiers volontaires sur le territoire.

135 : c’est le nombre de sapeurs-professionnels.

37 : c’est le nombre de personnels administratifs.

Quels seront vos autres gros chantiers ?

L’un des enjeux, pas seulement pour 2023 mais sur du long terme, c’est la préparation aux feux de forêts. On ne peut pas devenir un département du Sud en quelques mois. Néanmoins, il faut être très ambitieux pour se préparer aux défis de demain qui vont aller crescendo. On sait qu’il va y avoir des années difficiles.

Avec une sécheresse déjà précoce et un incendie massif pour un mois d’avril dans les P.-O., faut-il s’inquiéter ?

à ce stade, il serait prématuré de nourrir des inquiétudes. La pluviométrie du mois du mai et les températures seront déterminantes. Il ne faut pas rester focalisé sur une année. Chaque année va permettre de monter le niveau pour atteindre un niveau optimal. Nous ne sommes pas capables de dire si oui ou non, nous serons sur une situation catastrophique, nominale ou finalement bénéfique.

Oui, les Pyrénées-Orientales ont été touchés dernièrement mais la sécheresse y est déjà beaucoup plus marquée qu’en Aveyron. Mais il faut se préparer. Il y a un vrai travail mené avec le Département et la préfecture pour organiser au mieux le territoire. Il faut être sur une stratégie au long cours. Et on sait d’ores et déjà que la projection est négative par rapport au dérèglement climatique que l’on constate.

Autre objectif, avoir la capacité de pouvoir assurer la solidarité vis-à-vis de nos voisins.

Quelles sont les pistes sur lesquelles vous travaillez déjà ou à venir ?

On travaille sur plusieurs domaines. La prévention est primordiale. Un travail est actuellement mené pour réfléchir à la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des maires sur les obligations légales de débroussaillement.

C’est un pan très important pour éviter des conséquences sur les biens ; également, un travail est mené sur les pistes DFCI (défense des forêts contre l’incendie) et les réserves d’eau prépositionnées permettant de faciliter nos interventions ; dans le cadre du pacte capacitaire, c’est augmenter notre parc matériel. C’est lancé. On attend les arbitrages parisiens ; il y a également un travail d’augmentation du niveau de formation aux techniques de lutte contre les feux de forêt, ou encore les liens qui sont renforcés avec Météo France pour avoir une évaluation du risque et des bilans.

Durant l’été 2022, l’Aveyron a été durement touché. Quels enseignements ont été tirés ?

D’abord, que conformément à ce qu’il s’est passé en métropole, le risque feux de forêt gagne de plus en plus de terrain. Des territoires menacés le deviennent particulièrement. D’où le besoin de passer un cran au-dessus dans la préparation. L’an passé, on a pu compter sur beaucoup de monde. Il y a une vraie mobilisation des pompiers aveyronnais.

Qu’en est-il des discussions sur les moyens aériens, notamment de la mise en place d’un hélicoptère partagé entre l’Aveyron et la Lozèrepour les incendies ?

L’hypothèse avait été émise d’engager un hélicoptère pouvant aller larguer de l’eau rapidement sur des zones inaccessibles ou difficilement inaccessibles pour renforcer les équipes au sol.

Les discussions n’ont pas abouti mais elles ne sont pas fermées. 

Le 1er août, le colonel David Mercier prendra sa fonction de directeur adjoint. Il arrive du Vaucluse.

 

 

 

 

 

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