Aveyron : ces entreprises ont fait le pari gagnant de la semaine à quatre jours, elles racontent

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  • Depuis plus de trois ans maintenant, l’Atelier Julien H fonctionne sur une semaine de quatre jours.
    Depuis plus de trois ans maintenant, l’Atelier Julien H fonctionne sur une semaine de quatre jours. Illustration - Pixabay
Publié le , mis à jour
Alexis Roux

Entre gain d’attractivité, productivité en hausse et un boost du moral des salariés, ces chefs d’entreprise dévoilent les bienfaits de ce nouveau modèle d’organisation du travail.

Repenser l’organisation du travail. C’est aujourd’hui devenu un enjeu majeur pour les entreprises. Avec en ligne de mire des difficultés de recrutement et des coûts de l’énergie en hausse, les sociétés cherchent à se réinventer, en espérant trouver la solution miracle.

Parmi les potentielles issues, le passage à la semaine de quatre jours est souvent mis sur la table. Encore très peu répandus dans l’Aveyron, département attaché à ses traditions et ses habitudes, certains chefs d’entreprise ont pourtant fait le pari de ce nouveau mode de fonctionnement. Basés dans le sud du département, respectivement à Saint-Beauzély et sur la zone d’activités Millau ouest, commune de Saint-Georges-de-Luzençon, Frédéric Boissière et Julien Hanchir ont implémenté cette nouvelle organisation dans leurs sociétés.

Organisation différente

« On l’a mis en place en 2010, raconte le dirigeant de la société Boissière et fils. Ça me permettait de me libérer une journée pour me consacrer aux tâches commerciales et administratives, et puis on s’est rendu compte que ça plaisait beaucoup à nos collaborateurs. » Depuis, l’entreprise de menuiserie spécialisée dans les constructions en ossature bois a conservé cet emploi du temps particulier.

« On garde le rythme de 35 heures. Les équipes débutent à 7 h 30, ont une pause repas sur le chantier ou en atelier de 45 minutes, et travaillent de 12 h 45 à 17 h 15 l’après-midi », explique l’entrepreneur. Des journées de 8 h 45 dont profitent l’ensemble des équipes d’atelier, de chantier et de bureau d’études, soit une quarantaine de personnes. Une mise en place similaire se dégage du côté de l’Atelier Julien H, entreprise de maroquinerie et de sellerie. « On souhaite avoir la réflexion la plus poussée possible dans notre gestion des ressources humaines, explique Julien Hanchir, fondateur et dirigeant. Il faut que nos salariés soient les plus heureux. » Et pour lui, ce modèle est une des clés du bonheur au travail.

Répondre au manque de main-d’œuvre

« Quand nous avons proposé ce changement, tout le monde y était favorable, ça n’a pas du tout été difficile à mettre en place », assure-t-il. Ainsi, l’ensemble du personnel travaille sur ce modèle, de 7 h à midi, puis de 12 h 30 à 16 h 30. En ce qui concerne les heures supplémentaires, si les travailleurs ne peuvent les exercer en fin de journée, leur amplitude horaire étant assez conséquente, le vendredi représente le créneau parfait pour s’y consacrer. Toute une organisation nouvelle, mais qui porte ses fruits selon ces entrepreneurs, afin d’attirer du personnel d’abord. « Aujourd’hui le salaire ne suffit plus, la semaine à quatre jours est un argument d’attractivité, explique Frédéric Boissière. Si nous repassions à cinq jours, je perdrais plusieurs employés. »

Une preuve - s’il en fallait une - que les principaux concernés sont convaincus par ce nouveau modèle. « C’est un argument très important, notamment auprès des jeunes, qui disposent de plus de temps pour profiter de leurs week-ends et mettre en œuvre leurs projets de vie », poursuit-il. « Cela permet de soulager nos salariés, témoigne Julien Hanchir. Nous n’avons que très peu d’accidents du travail et je pense que c’est lié. C’est un métier physique et avoir un jour de repos en plus permet de lutter contre l’usure physique. »

Ensuite, en termes de productivité, là aussi du positif est à noter. « Déjà, je crois au fait qu’étant plus motivées, les équipes travaillent plus efficacement. Mais surtout, nous faisons un gain énorme sur la logistique. Cela nous fait un déplacement de moins sur les chantiers, donc c’est du temps gagné sur la route et le rangement des outils par exemple », observe-t-on du côté de Saint-Beauzély. La seule déception est observée sur les coûts de l’énergie. Si certaines entreprises pensent économiser en ouvrant leurs ateliers seulement quatre jours au lieu de cinq, cela n’a pas porté ses fruits pour les PME Boissière et fils et l’Atelier Julien H. « Cela n’a pas changé grand-chose, au final les machines tournent tout de même pendant 35 h, et également le vendredi pour les salariés effectuant des heures supplémentaires », note Frédéric Boissière. En tout cas malgré cet aspect, les deux dirigeants n’en démordent pas : « Nous ne reviendrons pas en arrière ! » Une expérience concluante, qui au fil du temps, devrait convaincre d’autres établissements à franchir le cap.

Ce qu'en pense le président de la CCI Aveyron

Le président de la CCI en Aveyron, estime que la semaine à quatre jours pourrait se généraliser.

Pensez-vous que le passage à une semaine de quatre jours favorise l’attractivité des entreprises ?
Avec les difficultés de recrutement que nous connaissons le territoire, de nombreuses entreprises cherchent une solution pour attirer des nouveaux employés. Le salaire n’est plus le seul argument pour se démarquer. Les jeunes ont des valeurs différentes et le monde de l’entreprise doit s’y adapter. Dans ce cadre, le passage à une semaine de quatre jours peut aider.

Y a-t-il un engouement pour ce modèle sur le territoire ?
Je peux le confirmer, beaucoup d’entreprises se posent la question d’un éventuel passage à quatre jours. Il y a un élan en Aveyron sur ce sujet. La Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) évolue et ça compte, c’est un moyen de convaincre.

Sommes-nous à un tournant dans le rapport que nous entretenons avec le monde du travail ?
Certainement, cette période post-Covid nous pose de nombreuses réflexions et analyses. Ce n’est pas facile pour nos entrepreneurs qui font face à de nombreux défis, mais nous devons nous y adapter.
Je ne sais pas si la semaine à quatre jours pourra se généraliser, mais cela risque de s’étendre dans plusieurs sociétés. En tout cas, c’est un objet de réflexion presque primordial.

 

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