Retraites, réindustrialisation, pouvoir d'achat... ce qu'il faut retenir de l'interview d'Emmanuel Macron au magazine Challenges

  • Emmanuel Macron se dit en capacité de réformer.
    Emmanuel Macron se dit en capacité de réformer. MaxPPP
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Centre Presse Aveyron

Le chef de l’État met en scène son ambition pour la réindustrialisation du pays devant 150 chefs d’entreprise et parlementaires réunis ce jeudi 11 mai à l’Élysée. Dans Challenges, il défend sa capacité à réformer et dénonce le "déni" de l’opposition sur les retraites.

C’est le nouveau grand chantier lancé par Emmanuel Macron pour tenter de tourner la page de la contestation des retraites. Le chef de l’État met en scène son ambition pour la réindustrialisation du pays, ce jeudi 11 mai, devant 150 chefs d’entreprise et parlementaires réunis dans la salle des fêtes de l’Élysée, avant de se rendre vendredi 12 mai à Dunkerque pour incarner cette nouvelle séquence agrémentée d’annonces.

Le sommet Choose France devait en être le point d’orgue avec l’officialisation, lundi à Versailles, de nombreux projets d’investissements étrangers en France, selon l’Élysée. Pour appuyer ce nouveau récit présidentiel, Emmanuel Macron a accordé une interview au magazine économique Challenges. Morceaux choisis.

Réindustrialiser

"Le rapport à l’industrie est une bonne partie de l’explication du mal français. Tous les pays européens ont été frappés par une forme de désindustrialisation, à partir de la fin des années 1980 jusque dans les années 2000. Nous l’avons été beaucoup plus que les autres", reconnaît Emmanuel Macron. "Le décrochage de tant de villes moyennes, ce sentiment d’abandon, de paupérisation, de déclassement dans la France des sous-préfectures, ces phénomènes sont intimement liés à cette désindustrialisation", affirme-t-il, en faisant cette promesse : "Nous aurons rattrapé d’ici à la fin du quinquennat le choc de désindustrialisation dû à la crise de 2008". 

Attaqué par une partie de l’opposition après la dégradation de la note de la dette française par l’agence de notation Fitch le 28 avril, le Président affirme que son action économique depuis 2017 est "cohérente". "On entend souvent qu’il faut réindustrialiser, mais aussi taxer les riches. Mais quand on taxe le capital, le capital… fuit. C’est l’incohérence française !", pointe-t-il.
La France, plaide le président de la République, doit s’engouffrer, en revanche, dans des secteurs d’avenir (intelligence artificielle, cyber, quantique…), comme celui des semi-conducteurs. "Il y a le même type d’accélération concernant l’hydrogène, avec des projets dans le Haut-Rhin, à Béziers ou à Compiègne", souligne-t-il.

"La clé, c’est la simplicité et la rapidité. Nous allons mettre en place des procédures hypersimplifiées pour accélérer les implantations industrielles et diviser par deux les délais, réinvestir davantage dans les sites clés en main, renforcer l’utilisation de friches industrielles", annonce-t-il. Le projet de loi Industrie verte, qui va être présenté, devrait, lui, offrir des armes pour tenter de résister à l’attractivité des mesures américaines.

Retraites

Interrogé sur la crise provoquée par l’impopulaire réforme des retraites, Emmanuel Macron affirme que cette séquence a été émaillée de "beaucoup de cynisme, beaucoup de postures", avant d’esquisser un timide mea culpa, assorti d’un réquisitoire contre l’opposition.

"On aurait dû plus expliquer la nécessité de cette réforme, confie-t-il. Ce qui m’a frappé, c’est qu’un nombre considérable d’acteurs de la démocratie sociale et politique se sont affranchis du rapport au réel dans le débat que nous avons eu […]. S’opposer, ça ne fait pas une politique", assène-t-il.

"On ne peut pas être le pays qui a le modèle social le plus généreux, les déficits courants les plus importants, un pays qui a désindustrialisé et qui choisit d’être celui où on part plus tôt à la retraite et où on travaille moins d’heures par an", poursuit-il.
"Ceux qui disent le contraire sont dans le déni de réalité, c’est d’ailleurs leur terreau. Ils ont une lourde responsabilité car ils préparent ainsi l’arrivée au pouvoir des extrêmes", estime Emmanuel Macron, en retournant cette critique qui lui était adressée par l’opposition.

Chantiers

Entravé par une majorité relative à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron se dit tout de même en capacité de réformer le pays. "Je veux un modèle plus juste, qui corrige les inégalités de départ plutôt que d’en corriger les effets a posteriori. La difficulté à réformer n’est pas insurmontable. Loin de là", assure-t-il, alors que le nouveau revirement du gouvernement sur le projet de loi immigration montre toute la difficulté de l’exercice. S’agissant de la réforme de l’État, "nous allons désormais ouvrir plusieurs nouveaux chantiers : la simplification sur laquelle nous ne sommes pas allés assez loin, la déconcentration pour remettre du muscle dans notre fonction publique. Nous avons aussi un problème de clarification, toutes administrations publiques confondues", observe-t-il.

Face à la crise du logement, "on a besoin d’un double choc. D’abord une simplification et une réduction des délais pour produire des nouveaux logements. Ensuite, regarder comment développer beaucoup plus de logements locatifs intermédiaires pour baisser les prix", explique-t-il. Sur le front de l’inflation, "le système entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs n’est pas équilibré (….) Il faut surveiller l’évolution des marges des grands de l’industrie et de la distribution. Nous allons les remettre autour de la table et renégocier certains prix", annonce le chef de l’État

Parallèlement, "nous continuerons à réformer. L’enseignement supérieur, l’industrie verte, l’énergie… L’agenda est chargé. Pour certains sujets, nous n’avons pas besoin d’une loi, pour d’autres, lorsqu’une loi est nécessaire, nous bâtirons une majorité", précise-t-il.

"L’essentiel est de garder le cap", insiste-t-il.

Méthode

Pour parvenir à réformer, le chef de l’État se dit enclin à négocier avec la droite comme avec la gauche. Mais "je ne suis pas responsable de ce que sont prêtes ou non à faire les oppositions. Si le PS et EELV sont prêts à s’inscrire dans une démarche constructive, nous y sommes prêts. Tout comme pour LR comme je l’ai déjà dit", glisse-t-il.

Le locataire de l’Élysée n’exclut pas non plus de nouveaux passages en force, avec l’article 49.3. La Première ministre Élisabeth Borne, avec laquelle Emmanuel Macron dit entretenir "une relation de confiance", avait pourtant réaffirmé il y a deux semaines son objectif de ne plus utiliser ce procédé légal mais décrié, en dehors des textes budgétaires.