Indemnisations, mémorial... le plan de la ministre Patricia Mirallès pour "regarder en face" la douloureuse histoire des Harkis

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  • Patricia Mirallès, en avril dernier à Saint-Maurice-l’Ardoise où des sépultures d'enfants ont été mises à jour.
    Patricia Mirallès, en avril dernier à Saint-Maurice-l’Ardoise où des sépultures d'enfants ont été mises à jour. Midi Libre - SYLVIE CAMBON
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Recueilli par Ludovic Trabuchet

Dans un entretien exclusif à Midi Libre, l'Héraultaise Patricia Mirallès, secrétaire d’État aux Anciens combattants, dévoile le contenu du rapport Bockel présenté ce lundi 15 mai 2023 à Matignon. Un an après le vote de la loi, il ouvre de nouveaux droits à réparation.

Le 23 février 2022, la loi reconnaissant la responsabilité de la France dans les conditions d’accueil et de vie indignes des harkis et leurs familles, supplétifs de l’armée française rapatriés d’Algérie après les accords d’Évian de 1962, était votée, leur ouvrant droit à une réparation financière pour les préjudices subis.

Depuis, 7071 dossiers, sur les 26 200 reçus par l’Office national des combattants et des victimes de guerre (OnacVG), ont été validés, soit un montant total versé de 59,1 M€. "Nous allons mobiliser plus de moyens pour accélérer le traitement", promet la secrétaire d’État aux Anciens combattants Patricia Mirallès. Surtout, la loi prévoyait d’élargir le droit à l’indemnisation, une nouvelle étape franchie ce lundi soir à Matignon avec la remise du rapport Bockel à la Première ministre.

Explications de Mme Mirallès, qui avait été rapporteure de la loi en qualité de députée et qui suit aujourd’hui son application au sein du gouvernement.

En quoi ce rapport Bockel, que vous présentez aussi ce mardi en conseil des ministres, est important ?

Le Président de la République avait été très ambitieux pour cette loi, mais il est parfois complexe d’aller tout de suite au fond des choses. Un amendement ouvrait ainsi la possibilité de travailler en profondeur sur ce que nous ne savions pas encore au moment du vote. C’est ainsi que pendant plus d’un an, des historiens ont étudié des témoignages, des photos, des archives, afin d’identifier d’autres structures qui ont accueilli les harkis et leurs familles dans des conditions indignes.

La loi avait établi une première liste de 89 camps de transit et hameaux de forestage qui permettait, à celles et ceux qui y ont vécu un temps, d’obtenir un droit à l’indemnisation. Avec ce rapport, ce sont 45 autres structures qui seront prises en compte dès que j’aurais signé le décret.

Quels sont ces sites ?

Ce sont d’autres lieux qui ont accueilli les harkis dans des baraquements provisoires, souvent des cabanes de tôles. Il y en a un peu partout en France, dans le Nord, en Normandie, à Reims ou Grenoble, à Marseille, Manosque et Cannes en Paca… À Montpellier par exemple, qui ne figurait pas dans la première liste, les historiens ont intégré le champ de manœuvre de l’ancien camp militaire, la cité Massaviols, la cité Portaly et Pont-Juvenal.

Quel sera le niveau de réparation ?

L’indemnisation sera la même que pour les 89 premiers sites retenus : 2 000 € pour les personnes qui y ont vécu moins de trois mois, 3000 € au-delà de trois mois, puis 1 000 € pour chaque année. Cela permettra aussi aux harkis ayant déjà reçu une première indemnité, par exemple de 3 000 € pour avoir vécu quatre mois dans le camp du Larzac, de compléter cette somme s’ils ont ensuite passé quatre ou cinq ans dans l’un des 45 nouveaux sites reconnus. Sur les premiers dossiers déjà traités, l’indemnité moyenne est de 8 800 €.

Combien de personnes seraient concernées ?

On estime que 14 000 personnes devraient pouvoir être indemnisés à la suite de ce rapport de la commission Bockel. C’est l’accomplissement d’une méthode de travail.

Est-ce aussi une façon de répondre aux critiques qui estimaient que la loi oubliait certaines familles ? On estime à 90 000, le nombre de harkis et leurs proches qui ont fui l’Algérie après l’indépendance…

J’avais dit, au moment du vote de la loi, que nous connaissons l’histoire des harkis, que nous savons ce qu’ils ont vécu, et que nous irions au bout de la démarche. Mais nous devions mener ce travail de recherche pour aller vers une juste réparation. D’ailleurs, cela ne s’arrête pas avec ce rapport remis ce lundi. Les historiens de l’OnacGV vont poursuivre leurs travaux et remettront un second rapport l’an prochain si nécessaire.

Aujourd’hui, si on ne peut pas dire “oui” à une demande d’indemnisation, on ne dit pas “non”, parce qu’on va continuer à regarder dans les archives, à faire vivre cette mémoire. Mais nous voulons aller vite, car nous avons conscience que cette loi concerne des personnes âgées, qui souvent ont besoin de cette indemnisation, et nous voulons que les anciens puissent en profiter avant de partir. Nous allons donc augmenter les moyens de l’OnacGV pour traiter plus rapidement les dossiers.

Vous étiez récemment sur le camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, dans le Gard, où des sépultures d’enfants ont été mises à jour…

J’avais reçu des témoignages de mamans qui m’avaient expliqué que leurs enfants étaient décédés dans ces camps mais qu’elles ne savaient pas où ils étaient enterrés. J’ai donc demandé aux archéologues de redonner des prénoms et des noms à ces enfants enterrés à la va-vite. L’État prendra en charge la construction d’un mémorial. Là aussi, on ira au bout. Cette histoire aussi douloureuse soit-elle, on doit pouvoir la regarder en face. Il y a certes l’indemnisation qui apporte une réparation, mais tout ce travail, ces recherches, c’est aussi une reconnaissance de la Nation envers les harkis.

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