Installé à Hong Kong, Éric Mayer a retrouvé la terre de ses ancêtres à la Bastide-l’Évêque

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  • Devant l’un des bâtiments qui compose sa propriété, au lieu-dit La Rangousie à Labastide-l’Évêque.
    Devant l’un des bâtiments qui compose sa propriété, au lieu-dit La Rangousie à Labastide-l’Évêque. L'Aveyronnais - Emmanuel Pons
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Emmanuel Pons

Il aurait pu acquérir une villa, clé en main, sur la Côte d’Azur ou ailleurs, au soleil. Éric Mayer, avocat d’affaire à Hong Kong, a pourtant choisi de restaurer un ensemble de bâtiments en Aveyron, dans l’ouest du département, berceau de sa famille maternelle, où il retrouve ses racines.

Est-ce parce qu’il a beaucoup déménagé durant sa jeunesse qu’Éric Mayer a choisi, à l’aube de ses cinquante ans, de revenir sur la terre de ses ancêtres, à La Bastide-l’Évêque, et d’y restaurer un ensemble de bâtisses datant du XIXe siècle ?

Né en 1970 à Maisons-Laffitte, dans les Yvelines, arrivé à trois mois en Colombie où il passe les cinq premières années de sa vie, Éric Mayer grandit ensuite à Hong Kong puis aux Pays-Bas au gré des mutations de son père Marc. Il est ensuite envoyé en pension au sein de l’établissement privé Saint-Martin-de-France, à Pontoise, dans le Val-d’Oise. "Ma mère trouvait que l’école avait une mauvaise influence sur moi, se souvient-il. C’était la première fois que je vivais en France. J’étais tout seul, sans ma famille que je retrouvais pour les vacances."

Bachelier en 1987 – "au rattrapage" – le jeune étudiant s’inscrit à Nanterre où il obtient une maîtrise en droit des affaires suivi d’un DEA de droit puis de prêter serment, en 1995, et d’intégrer un cabinet d’avocat à Paris. Avant de rejoindre Hong Kong, où sont alors installés ses parents et où il ouvre un cabinet secondaire.

"On vient tous d’ici"

"La Bastide-l’Évêque, Brandonnet, Vaureilles, Compolibat, Rieupeyroux… On vient tous d’ici, m’a dit ma grand-tante, Solange Lacout, qui est aussi la marraine de ma mère, explique Éric Mayer Elle est la mémoire de la famille." Cette mère, Marie-Jeanne Mayer, née Cavalié, originaire de Compolibat, dont les aïeuls – avec les Lagriffoul, les Cros, les Lacout, les Alaux… – ont fondé, en 1881, le village de Rouached, dans le nord de l’Algérie, à 80 km à l’est de Constantine, qui compte aujourd’hui quelque 27 000 habitants. "À l’époque, dans les campagnes, il y avait un problème de surpopulation. Il y a eu une grosse évasion vers les pays et les villes qui pouvaient accueillir des Français. En Algérie, le gouvernement de la IIIe République a proposé de donner 40 hectares pour que des familles viennent s’installer."

Adrienne Lagriffoul, l’arrière-grand-mère d’Éric Mayer, au second plan au centre, entourée de ses frères et de ses parents. Ces derniers, nés à Rieupeyroux, font partie des Aveyronnais qui ont fondé le village de Rouached, en Algérie.
Adrienne Lagriffoul, l’arrière-grand-mère d’Éric Mayer, au second plan au centre, entourée de ses frères et de ses parents. Ces derniers, nés à Rieupeyroux, font partie des Aveyronnais qui ont fondé le village de Rouached, en Algérie. Reproduction L’Aveyronnais

Les arrière-arrière-grands-parents maternels d’Éric Mayer, originaires de Rieupeyroux, décident donc, en 1892, de tenter l’aventure. Et c’est ainsi à Rouached que grandit Adrienne Lagriffoul, son arrière-grand-mère, qui se mariera avec Jean-Baptiste Lacout. L’autre branche, les Cavalié, dont Philippe, son arrière-arrière-grand-père maternel, est parti pour l’Algérie en 1880. Philippe Cavalié était originaire du village de Cabanes, tout près de La Rangousie où est située la propriété qu’a achetée Éric Mayer, à La Bastide-l’Évêque, commune du Bas-Ségala.

Adrienne Lagriffoul, avec son mari  Jean-Baptiste Lacout.
Adrienne Lagriffoul, avec son mari Jean-Baptiste Lacout. Reproduction L'Aveyronnais.

"En février 1960, mon père rencontre ma mère lors d’une messe à Fedj M’zala, à 16 km de Rouached", raconte Éric Mayer. C’était la guerre et, quelques mois plus tard, il demande la main de cette dernière, en pension à Constantine et le week-end à Fedj M’zala, chez son oncle et sa tante, Solange Lacout, fille d’Adrienne Lacout. Solange était aussi la marraine de Marie-Jeanne, qui avait perdu sa mère à 9 ans, et qui l’a élevée comme sa propre fille.

L'arrière-grand-mère Adrienne Lagriffoul, née en 1890  à Rieupeyroux et décédée en 1978. Éric Mayer se souvient de l’avoir connue quand il était enfant.
L'arrière-grand-mère Adrienne Lagriffoul, née en 1890 à Rieupeyroux et décédée en 1978. Éric Mayer se souvient de l’avoir connue quand il était enfant. Reproduction L’Aveyronnais

"Cette présence a duré plus de 80 ans, jusqu’en 1962, et la guerre d’Algérie qui a obligé les Aveyronnais à quitter précipitamment le village." Une période dramatique marquée, notamment, par l’attaque de Rouached, en 1956.

"Éric, c’est ta maison !"

Au retour d’Afrique du Nord, ces Aveyronnais viennent s’installer à Metz, en Moselle, accueillis dans la famille Mayer. "Il n’y avait plus de place et pas d’avenir pour eux, en Aveyron. De toute façon, ma mère, qui est née à Rouached, ne voulait pas revenir sur la terre de ses aïeuls."

Irénée Lagriffoul est le frère d’Adrienne, l’arrière-grand-mère d’Éric Mayer. Il a été tué par les fellagas durant la guerre d’Algérie.
Irénée Lagriffoul est le frère d’Adrienne, l’arrière-grand-mère d’Éric Mayer. Il a été tué par les fellagas durant la guerre d’Algérie. Reproduction L’Aveyronnais

Alors c’est lui, avocat installé à Hong Kong, qui, après avoir évoqué le passé de sa famille avec sa grand-tante, Solange Lacout, décide de retourner sur les traces de ses ancêtres, entre Villefranche-de-Rouergue et Rieupeyroux. "Je me suis promené trois étés successifs dans ce secteur, à la recherche d’un bien à acheter. J’ai contacté des agents immobiliers, sur place, et j’ai découvert cet ensemble immobilier sur le lieu-dit La Rangousie, en 2012, à La Bastide-l’Évêque. Au début, je n’ai pas été séduit, avoue Éric Mayer. Alors je suis revenu avec une amie qui avait de l’expérience dans la rénovation de vieux bâtiments. Je suis allé la chercher en Dordogne et je l’ai ramenée jusqu’en Aveyron. Elle a été très sensible à ma démarche de revenir sur la terre maternelle. Elle m’a dit : "Éric, c’est ta maison !" Elle m’a encouragé dans ce projet et m’a apporté de précieux conseils. Et j’ai acheté le domaine."

Pour la petite histoire, l’ensemble appartenait à la famille Rouziès qui exportait du vin vers Rouached. "Ils se sont enrichis grâce à ma famille", souligne l’avocat.

Aujourd’hui associé dans un important cabinet spécialisé en droit des affaires à Hong Kong, Éric Mayer a pour clients de gros groupes français et des PME exportatrices qui travaillent en Chine et en Asie. "Je suis aussi conseiller du commerce extérieur de la France et secrétaire général du comité à Hong Kong", précise l’avocat qui apporte aussi son expertise auprès du consul général de France à Hong Kong.

Marié à une Chinoise, Sze Wan, et père de Bastien et d’Aurélie, il emmène, dès qu’il le peut, sa famille en Aveyron, sur la terre de ses aïeuls où, année après année, il s’attelle à restaurer cette propriété construite à la fin du XIXe siècle.

Beaucoup de temps, beaucoup d’énergie et beaucoup d’argent investi pour renouer avec l’histoire de sa famille maternelle. Les Lacout, les Lagriffoul, les Cavalié et maintenant les Mayer.

"C’est une démarche qui a un sens profond pour moi, explique Éric Mayer. Je retrouve mes racines, moi qui n’ai rien connu de tout ça."

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