Aveyron : la "rénovation" aberrante d'un pont médiéval à Najac fait chauffer les réseaux sociaux

  • Le pont Saint-Blaise en souffrance après une rénovation bâclée.
    Le pont Saint-Blaise en souffrance après une rénovation bâclée.
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Régis Najac, avec Laurent Roustan

Le pont Saint-Blaise, datant du XIIIe siècle et classé monument historique, a été une double victime : d'abord des grandes manoeuvres militaires de l'opération Manticore, ensuite de travaux de restauration menés à la va-vite. Ce qui a scandalisé bon nombre d'internautes amoureux de Najac, l'un des plus beaux villages de France. Histoire.
 

Najac son histoire, sa forteresse, son patrimoine et… son pont Saint-Blaise. Autant de vestiges frappés du sceau du Moyen-Âge que depuis belle lurette les acteurs du bourg castral se démènent à mettre sur le devant de la scène des découvertes. De ce côté-là, l’esprit reste intact.

Victime d'un engin militaire

Beaucoup plus que ce pauvre pont Saint-Blaise, le premier ayant permis de franchir l’Aveyron, qui, il y a quelque temps déjà, après avoir subi un assaut (involontaire) d’engins de l’armée française lors des grandes manœuvres de l’opération Manticore cet automne a vu certains de ses parapets plus qu’endommagés. "On a relevé des traces de peinture kaki, ce qui corrobore cette hypothèse", glisse-t-on du côté des Bâtiments de France. Ces dégradations ont donc nécessité une reprise et une réfection. Or la RD 594 qui le traverse étant une voie départementale, la compétence des travaux incombe au Conseil départemental de l’Aveyron, et tout particulièrement à la direction spécifique des ponts. Du côté des Bâtiments de France, on relève que "ce n'est pas la première fois que ce pont subit des destructions, avec des camions ou des engins agricoles".

Après les différentes études nécessaires, les travaux se sont donc déroulés à partir du 9 mai et devaient se poursuivre jusqu’au 26 mai, comme le stipulait l’arrêté d’interdiction de circuler. Un calendrier logique en somme.

Mais ce qui apparaît de loin comme moins logique et bien moins naturel, c’est bien la manière dont a été restauré ce magnifique édifice construit entre 1259 et 1274, faisant l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le 10 février 1987.

Scandale sur les réseaux sociaux

Exit les matériaux nobles d’origine. Les blocs de pierres disparus ; la rénovation a été effectuée à grands coups de ciment basique, sur lequel dans l’esprit de certains éléments de déco des années 1950 furent ébauchés, des formes de pierre à la va-vite. Comme une opération bâclée entraînant une vraie levée de boucliers sur les réseaux sociaux. Notamment sur le groupe Facebook de "Fan d'un petit village dans l'Aveyron nommé Najac" et ses quelque 2 400 membres.

Du côté de la mairie également, qui sur sa propre page Facebook lança ce week-end "depuis sa réouverture nous sommes assaillis de remarques concernant la qualité de la rénovation du pont Saint-Blaise. Nous partageons votre émotion et déplorons un tel manque de rigueur sur un monument classé. Nous alertons les services du département, commanditaires des travaux, et de l’architecture afin que cela ne reste pas en l’état."

Le tout relayé par une avalanche de commentaires pour le moins négatifs sur les réseaux. Le maire Gilbert Blanc a aussi saisi dès ce Jeudi de l’Ascension l’ingénieur subdivisionnaire du Département par mail.

"Même un bricoleur du dimanche fait mieux"

Du côté du Conseil départemental, le premier vice-président et "monsieur routes", André At, alerté par nos soins afin de le faire réagir, n’a pas caché sa colère lorsqu’il a découvert les clichés. Il a promis que l’affaire n’en resterait pas là.

Aux Bâtiments de France, joint par mail par le maire de Najac Gilbert Blanc ce lundi 22 mai, on s'étonne de cette rénovation aberrante. "Même un bricoleur du dimanche fait mieux", lance-t-on quelque peu amusé, "à ce stade-là ça ne peut être que provisoire, en attendant mieux". Et de chercher une tentative d'explication : "La saison estivale approche, et le département est garant de la sécurité des personnes. Au moins ça sécurise le lieu...".

Les Bâtiments de France ont rendez-vous ce vendredi 26 mai à Najac, pour constater de visu la -sic- qualité de cette rénovation menée à la hussarde. Et étudier la manière de corriger le tir au plus vite.

En attendant, il ne se sent pas à l'aise, Saint-Blaise...

André At : "Ce qui a été entrepris correspond à une dégradation supplémentaire"

"Je n’ai pas pour habitude de me soustraire à mes responsabilités." Premier vice-président du Conseil départemental et président de la commission des routes, André At est connu pour exprimer les choses d’un franc-parler cash.

Autant dire que les travaux des parapets du Pont Saint-Blaise sont loin de lui convenir. "Même si une partie initiale avait été reprise, il y a déjà quelques années en béton, le rendu de ces travaux ne correspond en rien à la commande passée par les élus du Conseil départemental." À ses yeux, "ce qui a été entrepris correspond à une dégradation supplémentaire."

 Aussi dès ce lundi matin, il a fait organiser une réunion programmée pour cette fin de semaine sur site avec les services des Bâtiments de France et du Département. "Des travaux de réparation et de reprise seront accomplis en fonction des recommandations émanant des Bâtiments de France", appuie-t-il.

Reste qu’une question se pose : si l’on veut préserver l’ouvrage, est-il encore raisonnable de l’ouvrir de manière pleine et entière à la circulation, sans en limiter l’accès aux seuls véhicules de tourisme ?
 

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